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Région Limousin
samedi 23 novembre 2024

Terminus pour Railcoop : la fin d’un rêve…

Les dirigeants de Railcoop ont confirmé la liquidation prochaine de la SCIC ferroviaire qui portait la relance de la ligne « Lyon-Bordeaux » via Limoges et Guéret. La fin d’un rêve pour les dizaines de milliers de personnes qui ont crû en ce projet coopératif…

On la sentait venir la « fin tragique » de Railcoop. La liquidation de la SCIC ferroviaire va être prochainement confirmée par le tribunal de commerce de Cahors qui « ne devrait pas avoir d’autre choix » comme l’indique le message adressé hier aux 14838 sociétaires. C’est donc la fin de l’aventure pour Railcoop et l’échec d’un modèle novateur qui aura tenté de s’immiscer dans l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs.

L’audace d’essayer de boucher le « trou »…

La libéralisation du marché du train a été décidée dans le cadre de la politique européenne des transports ferroviaires, et adoptée par le vote des « paquets ferroviaires » de 2004, 2007 et 2016. Elle devait par la « magie de l’économie de marché », permettre la revitalisation du secteur du train, en net recul au début des années 1990 malgré le double avantage d’être le moyen de transport le plus écologique et d’offrir un fort potentiel de croissance. Mais qui dit ouverture à la concurrence, dit fin des « monopoles » et donc du service public…

C’est cette fin du service public ferroviaire français qui a marqué un abandon progressif des lignes à plus faible potentiel et intensifié la « TGV-isation » du Nord de l’Hexagone, laissant le centre de la France sombrer dans un enclavement croissant, et provoquant une flambée des prix de l’immobilier dans les métropoles connectées aux lignes grande vitesse.

Les lignes à grande vitesse en France en Septembre 2023 © SNCF Réseau

C’est justement pour essayer de revitaliser le transport ferroviaire dans ce « grand trou » au centre de la carte que l’association de préfiguration de Railcoop est née en 2019 avant de se concrétiser, en 2021, par la création d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif avec pour volonté de faire à nouveau rouler des trains de voyageurs sur certaines lignes d’où ils avaient disparu.

Plus audacieux encore, Railcoop se choisit comme « projet phare » la relance du transport de voyageurs sur la ligne « Bordeaux-Lyon », « barreau » central entre l’Est et l’Ouest, qui a bel et bien existé entre 1871 et 2012. Un rêve pour tous ces habitants du centre de la France qui aimeraient bien « préférer le train » si seulement il y’en avait un.

Liquidation annoncée et fin du rêve

Fin du rêve, la sanction tombera donc le 15 avril prochain à Cahors. Le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a donné raison à la société ACC M, dans le contentieux qui l’opposait à Railcoop pour une dette de 880 000€, et précipite une chute qui semblait inéluctable depuis quelques mois. Dans l’incapacité de lever suffisamment de fonds pour sécuriser l’obtention des crédits nécessaires à lancer la machine, la belle aventure de Railcoop dans le transport de voyageurs s’arrête donc avant même les premiers tours de roues .

Difficile de mesurer, dans cette chute, ce qui incombe aux compétences de Railcoop et ce qui incombe à tous ceux qui auront mis des bâtons dans les roues, mais ce qui est certain c’est que ce modèle coopératif, qui donnait un intérêt si particulier au projet, aura aussi été son principal talon d’Achille. A une époque où un « startupper » convaincant pourrait lever des millions en vantant les miracles de sa future « I-A », la « SCIC » de Railcoop n’a pas réussi convaincre les banques de lui prêter les 6 millions d’euros qui lui aurait permis de faire enfin rouler ses trains. Dommage…

La chute de Railcoop va donc marquer la fin d’un rêve pour les milliers de personnes qui ont cru que ce projet un peu fou avait une quelconque chance de réussite :

  • les 14 838 particuliers, associations, TPE/PME et collectivités territoriales qui ont investi dans des parts sociales en sachant très bien que ça ne les rendrait jamais riches,
  • ceux qui pensent naïvement que pour joindre deux points le chemin le plus logique est une ligne (presque) droite,
  • ceux qui ont la nostalgie d’avant 2012, quand ils pouvaient « poser leurs fesses » dans un seul train pour aller de l’Est à l’Ouest (ou inversement) sans passer par la case « Paris »,
  • ceux qui n’ont pas forcément les moyens de payer le prix exorbitant de la grande vitesse et n’ont que faire, puisqu’ils partent en « voyage », de prendre leur temps,
  • ceux qui sont trop vieux pour conduire hors agglomération mais qui ont pourtant des gens à visiter à Lyon, à Bordeaux ou entre les deux,
  • ceux qui veulent trimballer un peu plus qu’un attaché-case entre deux gares ouvrant sur les plus beaux terrains de jeu « outdoor » de l’Hexagone,
  • et tous les autres qui, peu importe la raison, avaient trouvé eu envie d’y croire..

Ils seront malheureusement tout aussi nombreux ceux qui se réjouiront de cet échec. Des « ça ne marchera jamais » aux « y’en a marre de payer pour les autres« , Railcoop s’était attiré de nombreux détracteurs qui souhaitaient voir le projet «capoter». Aujourd’hui ils ont gagné, mais nous, vu du Limousin, on ne voit toujours pas en quoi cette chute de Railcoop pourrait bien nous réjouir…

Brice Milbergue
Brice Milbergue
Rédacteur en chef d'Actus Limousin

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