Alors que les 135 cardinaux électeurs vont bientôt entrer en conclave au Vatican pour choisir le prochain pape, nous nous sommes replongés dans cette époque incroyable où trois papes corréziens furent nommés en moins de 40 ans. C’était il y a longtemps, au Moyen-Âge, à une période où la papauté avait déserté Rome pour Avignon.
« Rosiers-d’Égletons – Cité des papes Limousins ». Le panneau situé à quelques encablures du bourg de Rosiers-d’Égletons, sur la RD 1089, est un peu vieillissant. L’information qu’on y trouve est pourtant bien véridique car cette petite commune de 1.087 âmes, située entre Égletons et Tulle, fût le berceau de deux des trois papes limousins qui occupèrent le siège de souverain pontife au temps où la papauté s’était déplacée en Avignon (1305 – 1377).

Clément VI « le magnifique » (1342 – 1352)
Le premier a été intronisé en Avignon le 19 mai 1342, sous le nom de Clément VI. De son vrai nom Pierre Roger, il était fils du châtelain de Rosiers et né à Rosiers-d’Égletons en 1291 avant d’accomplir une brillante carrière ecclésiastique. Maitre en théologie et orateur reconnu, il gravit les échelons jusqu’au rang d’archevêque et devient l’homme de confiance du roi Philippe VI de Valois.
C’est d’ailleurs par la grâce du roi qu’il accèdera en 1342 à la papauté, succédant à Benoit XII après une journée de conclave. Alors que son prédécesseur était austère et prudent, le pape Clément VI aime le faste et les arts. Il fait ériger un second palais des Papes – le palais neuf, dont l’entrée est encore ornée des armoiries à 6 roses de la maison Roger – et dépense sans compter pour le faire décorer. Il fait aussi consacrer la chapelle papale au saint limougeaud Martial et la fait décorer, par le peintre Matteo Giovanetti, de 13 fresques qui retrace la vie du plus limousin des saints.

Sur le plan diplomatique, « il est le dernier pape à jouer le rôle, déjà très contesté, d’arbitre des affaires européennes. Il tente vainement de ramener la paix entre la France et l’Angleterre. » La guerre engagée entre les deux royaumes durera 116 ans… D’autre part, et alors que Rome souhaite déjà la voir revenir en Italie, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir la papauté en Avignon, et fait même l’acquisition de la ville auprès de la Reine Jeanne.
Fidèle à ses racines limousines, Clément VI fera en sorte d’ancrer sa patrie dans la hiérarchie ecclésiastique en nommant des proches à des postes prestigieux « pour planter dans l’Église un tel rosier du Limousin, qu’après cent ans, il eut encore des racines et des boutons ». Et, de fait, la province du Limousin fournira par la suite une cinquantaine de cardinaux et plus de trois cents évêques ! Enfin, il associera durablement sa famille à la noblesse limousine en dépensant des sommes astronomiques pour racheter la vicomté de Turenne et faire de son neveu Guillaume le nouveau maître de la place forte corrézienne !
Clément VI succombera en 1352 de complications liées à des calculs rénaux et sera inhumé à l’Abbaye de la Chaise-Dieu. Une chose est sûre, celui qui avait prévenu, peu de temps après son arrivée que « nos prédécesseurs ne surent pas être pape » aura laissé une trace indélébile dans l’histoire des papes d’Avignon, laissant en revanche les caisses pontificales dans un état très préoccupant.
Innocent VI, un réformateur (1352 – 1362)
Pour succéder à Clément VI, les cardinaux du conclave penchent d’abord pour Jean Birelle, moine limousin de la Chartreuse de Glandiers à Beyssac (19). Vénéré pour sainteté, il n’avait en revanche pas les faveurs du cardinal Talleyrand du Périgord qui, considérant la situation européenne de l’époque, craignait pour l’avenir de l’Église avec un contemplatif à sa tête.
C’est donc un autre Corrézien, Etienne Aubert, qui eut les faveurs du conclave et pris le nom de Innocent VI, à l’âge de 70 ans. Face à la situation économique catastrophique laissée par son fastueux prédécesseur, Innocent VI renoue avec l’austérité de Benoit XII et mène une politique de réformes aussi bien économiques que morales, multipliant les bûchers contre les fidèles aux préceptes de François d’Assise et Pierre de Jean Olivi, très populaires dans le Languedoc et en Provence.

Il tente de ramener sans succès la papauté à Rome, mais facilite toutefois la signature d’un accord de trêve de 9 ans, entre la France et l’Angleterre, dans la guerre de Cent Ans. Face à la menace des « grandes compagnies », des troupes de mercenaires désœuvrés en temps de paix qui commettaient toute sorte d’exactions, il fait fortifier Avignon.
Il meurt en 1362 et est inhumé dans la chartreuse Notre-Dame-du-Val-de-Bénédiction qu’il a fondé à Villeneuve-lès-Avignon durant son pontificat. C’est Guillaume Grimoard, un natif de Lozère qui lui succèdera sous le nom de pape Urbain V.
Grégoire XI (1371-1378), le dernier Pape français
Le second Rosierois à devenir pape n’est autre que le neveu de Clément VI, Pierre-Roger de Beaufort. Né dans le Château de Maumont, Grégoire XI sera intronisé le 5 janvier 1371. Il sera le 201ème pape de l’Histoire et le dernier pape français.
Grand diplomate, il poursuivra les nombreuses réformes entamées par ses prédécesseurs et tentera lui aussi, en vain, de réconcilier les royaumes de France et d’Angleterre. Bien décidé à réformer le clergé, il mènera, comme Innocent VI, une guerre féroce contre les hérésies et relancera l’Inquisition.
Mais ce que l’Histoire retiendra surtout de Grégoire XI, c’est qu’il fut celui qui réussit à mener à bien le retour de la papauté à Rome en 1377. Poussé par le désir de rétablir l’autorité spirituelle à son lieu d’origine, il quitte Avignon malgré les risques en septembre 1376 et entre à Rome, après un long périple maritime, entouré des soldats de son neveu Raymond de Turenne. Grégoire XI mourra à Rome en 1378 et sera donc le dernier pape français à ce jour.

Cette décision fut suivie d’une période de grande incertitude connue sous le Grand Schisme d’Occident durant laquelle deux courants rivaux s’affrontèrent au sein du christianisme occidental, les papes de Rome et d’Avignon s’excommuniant réciproquement…
Il faudrait être devin pour présumer du nom du prochain pape, mais une chose est sûre : il ne devrait pas être corrézien ! Sur les cinq cardinaux français qui participeront au conclave, on compte deux natifs du Maroc, deux d’Algérie, un franco-espagnol et un breton. Le « rosier » planté par Clément VI ne donne plus de fleur mais il aura grandement marqué l’histoire de l’éphémère papauté d’Avignon.