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Région Limousin
samedi 10 mai 2025

A la Fromagerie Duroux, à Rilhac-Xaintrie, on perpétue les savoir-faire et on cultive l’excellence de génération en génération

Avec 53 médailles au Salon international de l’agriculture, la Fromagerie Duroux, fabricant et affineur corrézien, s’est fait une place parmi les grandes maisons qui comptent au pays du fromage. Cyprien Duroux, quatrième génération à reprendre le flambeau familial, nous fait visiter l’entreprise, à Rilhac-Xaintrie. 

Et si le meilleur Cantal était Corrézien ? Le chef de la Fromagerie Duroux, Cyprien Duroux, nous répond du tac au tac : « Historiquement, on est sur le département de la Corrèze mais on est à un petit kilomètre du Cantal et bien sur les terres des deux AOP Cantal et Salers. À l’époque, ils ne se posaient pas la question. » Nous sommes à Rilhac-Xaintrie, petite bourgade située sur un plateau volcanique de moyenne montagne, entre l’Auvergne d’un côté et les abruptes gorges de la Dordogne de l’autre.

Les vertes prairies de la Xaintrie, à la frontière entre Corrèze et Cantal, entre Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes ! © Brice Milbergue

Une saga familiale qui débute en 1936 et un ancien tunnel ferroviaire en guise de cave d’affinage

A l’origine en 1936, Louis Duroux, l’arrière-grand-père de Cyprien, commence à fabriquer du fromage à pâte persillée au Pomeyrol dans sa ferme avec son troupeau de Salers. Cyprien raconte passionnément la suite de l’histoire : « À l’après-Guerre, arrivent les premiers Cantal. Mes grands-parents Paul et Marie-Madeline Duroux construisent une petite fromagerie et commencent à récolter du lait auprès des producteurs des villages voisins. » C’est ici, au cœur du village, que du lait est acheminé chaque jour de l’année. « On travaille avec 47 producteurs de lait répartis dans un rayon de 25 km », précise Cyprien. C’est d’ici que repartent pas moins de 1.800 tonnes de fromage chaque année, du Cantal principalement.

Tous les jours, toute l’année, le camion de la Fromagerie Duroux sillonne les petites routes entre Cantal et Corrèze pour collecter le lait à 25 km à la ronde © Fromagerie Duroux

C’est à cette même époque que la famille Duroux va acheter le fameux tunnel de Pandrignes, qui va faire la réputation de l’entreprise familiale et devenir une véritable image de communication. Ce tunnel d’1,3 kilomètres de long était situé sur la ligne ferroviaire qui reliait Argentat à Tulle. Le train à vapeur s’étant arrêté de circuler dans les années 1960, le tunnel est fermé. Cyprien Duroux reprend : « On commence à voir dans le Cantal des fromages affinés dans des anciens tunnels ferroviaires. C’est bien car la température et l’humidité sont constantes. Mon grand-père avait essayé d’affiner dans les caves du château de Rilhac mais ce n’était pas concluant. » En 1983, le tunnel de Pandrignes devient donc un espace d’affinage naturel d’une qualité unique.

Le fameux tunnel ferroviaire de Pandrignes, reconverti en cave d’affinage, qui a fait la réputation de la Fromagerie Duroux © Fromagerie Duroux

Dans ce même temps donc, la fromagerie Duroux découvre l’affinage. « C’est un nouveau métier. Mon grand-père achète un camion et monte vendre son fromage aux Halles à Paris puis à Rungis. » Jean Duroux, le père de Cyprien, arrive à son tour et va apporter la diversification. « Il apprend sur le tas et invente cinq ou six recettes. » Pavé Corrézien, Pomeyrol, Tome de Rilhac … autant de fromages que l’on retrouve aujourd’hui en bonne place sur les étals. En 1984, c’est aussi l’arrivée du « Bio » et Duroux obtient sa certification dès cette année-là. Aujourd’hui, 10 % de la production est certifié bio.

« Conserver l’homme et son savoir-faire »

Dans les années 2000, l’heure est à l’investissement. Des caves d’affinage artificielles sont construites. Cyprien Duroux arrive. En 2015, les bâtiments sont rénovés pour réduire la pénibilité du travail car fabriquer des fromages de plusieurs dizaines de kilos peut vite être usant et que l’objectif de la fromagerie c’est désormais de « conserver l’homme et son savoir-faire ». Derrière la porte que nous allons franchir, ce sont pas moins de 50 personnes qui travaillent aujourd’hui pour la fromagerie, de la collecte à la commercialisation en passant par l’administration. Une belle petite PME installée au coeur d’un territoire des plus rural : « aujourd’hui, on reste une structure familiale et indépendante » résume le jeune homme.

Les métiers de l’entreprise familiale sont variés donc, et commence au volant de camions citernes tôt, très tôt le matin. « La collecte a lieu chaque jour de l’année sauf le 25 décembre et le 1er janvier », reprend le fromager. 14 millions de litres sont collectés chaque année et arrive à Rilhac. Il est réparti dans les cuves en fonction des besoins afin d’être caillé. « On met de la présure puis on va extraire le sérum et laisser maturer 24 heures », décrit Cyprien.

Un travail réalisé tôt le matin, historiquement pour conserver la fraîcheur du produit mais qui perdure aujourd’hui pour une autre raison que nous explique le patron : « Les hommes qui travaillent ici (ce ne sont que des hommes) travaillent aussi dans les fermes familiales et préfèrent travailler tôt le matin pour ensuite aller aider à la ferme. » La tome en maturation est ensuite pressée (par des nouvelles machines toutes neuves acquises en ce printemps 2025) puis découpée et placée en salle de maturation durant 24 heures. L’odeur d’acidité se fait sentir dans ces salles, le fromage se crée.

La tome fraîche est pressée, découpée puis broyée en petits copeaux de la taille d’un sucre © Fromagerie Duroux

Nouvelle étape de ce long processus de fabrication : la tome est broyée, salée, mélangée et homogénéisée puis pressée dans des moules.

Les copeaux de tome sont ensuite salés, mélangés, homogénéisés puis placés dans des moules avant d’être pressés pendant 48 heures © Fromagerie Duroux

L’affinage, un travail long et minutieux transmis de génération en génération

Vient l’étape la plus longue, l’une des plus déterminante aussi : l’affinage. « On a huit caves d’affinage ici, plus le tunnel », décrit Cyprien Duroux tout en ouvrant l’une d’entre elles. Une odeur d’ammoniaque s’en dégage naturellement. Le Cantal jeune va rester une trentaine de jours ici. L’entre-deux environ cinq mois et le Cantal vieux huit mois.

De jaune « beurre » à la sortie du moule, les cantals vont se parer de bronze au fil des mois d’affinage © Brice Milbergue

Sur du bois de pin, les Cantals de 40 kg s’affinent tranquillement. Le temps développe les arômes, les saveurs et les textures. « Ils sont frottés avec une toile de jute et retournés une à deux fois par semaine par les quatre affineurs qui travaillent ici et les trois autres au tunnel. » Dans le tunnel justement, la température est de 12° et l’hygrométrie de 90 %. Des conditions « extrêmes » qui donnent au fromage son goût unique. « Les fromages médaillés viennent du tunnel ! », sourit Cyprien Duroux. D’autres produits sont affinés ici : le Salers AOP fabriqués à la ferme par exemple ou encore des brebis ou des chèvres confiés par d’autres producteurs.

Si le Cantal reste de loin sa première production et son « fromage-phare », la Fromagerie Duroux affine aussi d’autres fromages typiques des alentours © Fromagerie Duroux / Nicolas Barbarin

Une fois affiné, le Cantal et le Salers arrivent en salle de découpe, dernière étape du process. Les fromages Duroux sont ensuite distribués localement à travers le Massif Central, mais aussi nationalement dans tout le territoire français par l’intermédiaire de grossistes et revendeurs.

Récompensée par 53 médailles en 20 ans au Concours Général Agricole et tout juste auréolée d’un second « Prix d’Excellence », qui vient couronner sa régularité dans le qualité, la Fromagerie Duroux perpétue son savoir-faire et continue de l’améliorer de génération en génération. « Le savoir-faire humain, c’est quelque chose de très important chez nous. Par exemple, on a un chef de cave qui va partir prochainement à la retraite, ça fait trois ans qu’on a commencé à former son remplaçant. » Du temps et de la minutie, voilà les secrets d’un bon fromage, et d’une entreprise qui traverse les âges…

Pour plus d’informations : www.fromagerie-duroux.fr

Un grand merci à Cyprien Duroux qui a pris le temps de nous faire visiter la fromagerie et nous expliquer tous les rouages de la production familiale.

Jérémy Truant
Jérémy Truant
Journaliste Actus Limousin

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