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mardi 17 juin 2025

À Tulle, un ancien bloc opératoire devient un musée hors du temps grâce à Patrick Poujade, un infirmier collectionneur !

Voilà 25 ans que Patrick Poujade, infirmier anesthésiste au bloc opératoire de l’hôpital de Tulle, a entamé une aventure un peu folle : amasser des objets médicaux pour en faire une sorte de musée, dans un ancien bloc. Rencontre.

Nous sommes au 5ème étage de l’ancien bâtiment de l’hôpital de Tulle, dans ce que l’on appelait « le couvent des Visitandines ». Dans ces pièces de l’hôpital, il n’y a plus de patients, depuis bien longtemps. Le bloc a fermé en 1983, remplacé par le plateau technique que l’on connaît aujourd’hui. « Cet ancien bloc opératoire a été inauguré en juin 1961. C’est l’un des plus vieux blocs centraux de France. À l’époque, la presse locale avait écrit que c’était le bloc le plus moderne de France. le propre et le sale ne se croisait pas, il était en surpression », commence Patrick Poujade, infirmier anesthésiste à Tulle depuis 1993.

Le plus moderne à l’époque donc, et le plus vieux visitable aujourd’hui. S’il est encore visible aujourd’hui, c’est donc par la volonté d’un homme. De Patrick Poujade, un passionné, d’un homme qui se dit atteint de « collectionnite aïgue ».

Tout a commencé il y a 25 ans. « J’ai commencé à récupérer les vieux objets de soin que gardait chaque service. J’avais peur que ça finisse à la poubelle. Parfois, je voyais des meubles ou des vieux objets partir à la benne et ça me fendait le cœur », raconte celui qui se met donc à récolter et à stocker : « À l’époque, dans les anciennes cuisines de l’hôpital, au dixième étage, qui avait brûlé, j’ai stocké des objets. »

Patrick Poujade, un infirmier anesthésiste atteint de « collectionite aigue » ! 😉 © Patrick Poujade

Jusqu’à 8 000 objets vont être entreposés ici, mais Patrick Poujade doit libérer l’espace.
« Je faisais des missions humanitaires, donc il y a une partie de ce matériel encore utilisable qui a été envoyée en Afrique et d’autres que j’ai donné à Hautefort (au Musée d’histoire de la Médecine en Dordogne, ndlr). Puis j’ai essayé de trouver un vieux local pour garder ce que je considère comme être du patrimoine. » C’est chose faite dans cet ancien bloc. « Le directeur des hôpitaux de Corrèze Nicolas Portolan suit d’un bon œil ces initiatives. »

Ce patrimoine aujourd’hui, c’est donc des centaines et des centaines d’objets entreposés dans cet espace exigu mais incroyable. Des premiers fauteuils roulants en 1880 au Poupinel (premier stérilisateur à chaleur sèche), d’un beau coffre fort à un joli document qui date de 1790 qui montre qu’à l’époque les notables donnaient de la farine et du pain aux hospices de Tulle, un squelette de 1850, des seringues, des chariots de soin, mais aussi des machines à écrire, des livres, une très vieille lampe de bureau … Un véritable musée est à découvrir ici.

Avec les centaines d’objets collectés, Patrick Poujade a recréé un bloc « à l’ancienne » © Patrick Poujade
« C’est plutôt le grenier de l’hôpital ! »

Mais à musée, Patrick Poujade préfère : « C’est plutôt le grenier de l’hôpital ! Je passe du temps à récolter tout ça. La dernière chose que j’ai récupérée, c’est la Cité de l’Accordéon et des patrimoines qui a donné un vieux meuble qui datait de l’époque de l’ouverture du musée du Cloître des années 1930 : une vitrine magnifique, on l’a déchevillé, transporté puis remonté », raconte le passionné. La vitrine va accueillir des objets du docteur Maschat, médecin et maire de Tulle dans les années 1920.

Depuis trois ans, ce « grenier » donc, est ouvert pour les Journées européennes du patrimoine. « Cette année, pour la première fois, on a fait visiter aux Premiers de cordées, les élèves des collèges et lycées de la Corrèze, ainsi qu’à l’Ifsi de Tulle, aux internes, et bien sûr aux collègues », liste le soignant qui croule sous les demandes.

Des demandes de visite mais aussi des dons : « On me contacte pour me donner des objets, il y en a que je refuse car je les ai déjà. » À force de raconter ces découvertes, ces récupérations … Patrick Poujade a réussi à « intoxiquer », comme il dit, sa collègue infirmière, Betty Naudy. « Elle m’a rejoint il y a trois ans et elle est amenée à me succéder j’espère, ça me rassure de savoir que quelqu’un prendra la suite (*) », termine celui qui prendra sa retraite dans dix ans. D’ici là, nul doute que la collection aura encore grandi.

(*) Les collectionneurs ont pris contact avec la Drac, ils aimeraient que le bâtiment et la collection soit classée. C’est tout ce que l’on peut leur souhaiter.

Jérémy Truant
Jérémy Truant
Journaliste Actus Limousin

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