La 58è édition du Tour du Limousin-Périgord-Nouvelle-Aquitaine vient de se dérouler du 19 au 22 août. Durant ces 4 journées, les coureurs ont parcouru les routes vallonnées de Haute-Vienne, de Creuse, de Dordogne et de Corrèze. A l’écart des podiums, Antoine Marty a discuté avec ceux qui font ce tour : son président, un manager d’équipe, LA speakerine du cyclisme française, un jeune cycliste de 20 ans et le maire heureux d’une petite commune dynamique…
La 58ème édition du Tour du Limousin-Périgord Nouvelle-Aquitaine s’est achevée vendredi à Beaublanc devant une foule venue nombreuse acclamer les « forçats de la route » limousine. Après 4 étapes âprement disputées sur les reliefs vallonnés du Limousin et du Périgord, c’est donc Ewan Costiou (Arkea – B&B Hôtels) qui vient d’inscrire son nom au palmarès du « Tour du Limousin ». S’il n’a pas remporté d’étape, le jeune brestois de 22 ans a pu confirmer les « bonnes jambes » qu’on lui avait vues dans son rôle d’équiper de Kevin Vauquelin lors du Tour de France 2025.

Au rang des révélations de cette édition 2025, on notera une première victoire en « pro » pour Thomas Gachignard (1ère étape à la Courtine) et pour Sylvain Moniquet (2ème étape à Grèzes), et au rang des confirmations, la belle victoire de Paul Lapeira, champion de France 2024, à Masseret. Jamais premier mais toujours bien placé, Ewan Costiou a donc devancé Alexandre Delettre et Sylvain Moniquet de 7 petites secondes pour s’offrir son premier « grand tour à étapes ».
Sur le bord des routes, le succès populaire du « TDLPNA » et le spectacle ont encore une fois été au rendez-vous, que ce soit au passage de la caravane et sa distribution de petits cadeaux, que sur le podium de présentation des coureurs ou le podium de l’arrivée du jour. Dans les communes traversées, les habitants se sont mobilisés pour participer à la fête et, sur les bords des routes, quelques 1800 signaleurs bénévoles ont sécurisé le passage des coureurs. Enfin, nouveauté cette année : la diffusion en direct sur la plateforme de France Télévisions, France 3 Limousin, NoA, et Eurosport Max, soit une retransmission dans 53 pays et un excellent moyen de promouvoir le patrimoine local.
Loin des podiums, Antoine Marty est allé discuter avec celles et ceux qui œuvrent en coulisse pour que chaque année ce « Tour » soit une vraie fête du cyclisme en Limousin.
Christian Courbatère, la passion du Tour du Limousin chevillée au cœur
Depuis vingt-cinq ans, Christian Courbatère vit au rythme du Tour du Limousin-Périgord-Nouvelle-Aquitaine. Aujourd’hui président de l’épreuve, il en incarne l’histoire autant que l’avenir. « J’ai gravi tous les échelons », rappelle-t-il avec simplicité. “Chauffeur-invités” à ses débuts, il a tour à tour géré l’hébergement, puis assumé pendant près de deux décennies le rôle de commissaire général, puis celui de vice-président avant de succéder à Claude Fayemendy à la présidence il y a 3 ans.

Ancien coureur amateur, profondément attaché à sa région, il a trouvé dans cette course un terrain d’engagement total. S’il reconnaît que « la tâche n’est pas facile », ce qui le porte avant tout, c’est « de donner du bonheur aux gens, de voir nos bénévoles, qui se dévouent durant toute l’année pour construire cette épreuve, récompensés durant 4 jours. C’est beau ce que l’on fait et cela me motive énormément. De voir le public au bord des routes, cela vous met du baume au coeur.»
La préparation, elle, se joue dans l’ombre. Chaque année, il faut convaincre quatre villes de départ et quatre villes d’arrivée, puis imaginer un parcours qui respecte le kilométrage imposé tout en valorisant les territoires traversés. Circuits finaux, sprints intermédiaires, points de la montagne, tout est scruté sur le terrain avant validation. À cela s’ajoute l’indispensable réseau de signaleurs, mobilisés grâce aux communes.
Et au fil des ans, le Tour du Limousin s’est forgé une belle image dans le panorama des courses cyclistes nationales. Un tour court mais exigeant qui permet de révéler les talents émergents. « Quand Hinault a gagné ici en 1976, personne ne le connaissait. Beaucoup de coureurs-vedettes ont participé au Tour du Limousin, et qui n’était pas encore forcément connus » rappelle le président. Depuis, d’autres têtes d’affiche ont suivi ses roues, renforçant le prestige de l’épreuve. Parmi ses souvenirs, il garde en mémoire sa première édition comme président, marquée par le sacre de Romain Grégoire en 2023. « J’ai découvert ce que c’était d’être à la tête d’une grande épreuve, avec tous ces bénévoles, tous ces gens qui vous soutiennent et cela fait chaud au cœur. Je me souviendrai toujours de cette édition. », confie-t-il.
Si la chaîne l’Équipe s’est désengagée, France Télévisions et Eurosport assurent désormais une couverture nationale et internationale, vitrine précieuse pour le tourisme régional. « On exporte notre territoire à l’étranger », souligne Courbatère, fier de voir défiler la caravane publicitaire et de fidéliser des partenaires toujours plus nombreux. Et déjà, il se projette vers 2026 : un départ et une arrivée à Limoges, quatre étapes inédites, et la promesse de nouvelles pages à écrire dans l’histoire d’une course dont il est devenu l’âme vivante.
Lylian Lebreton, retour sur les routes limousines pour l’ancien coureur devenu manager
À la tête de l’équipe Total Énergies, Lylian Lebreton assume clairement ses ambitions sur le Tour du Limousin-Périgord-Nouvelle-Aquitaine. Pour lui, participer à l’épreuve va de soi : « On est une équipe française et on se doit d’être présents sur le calendrier national. Le Tour du Limousin fait partie du patrimoine du cyclisme, c’est normal d’y présenter une bonne équipe. » Et l’ancien coureur connaît bien la difficulté du terrain : « ce n’est pas la course la plus facile de l’année, c’est certain (sourire). Ce sont de beaux parcours, atypiques, où l’on alterne petites routes et grandes routes, difficultés et descentes. Le niveau est tous les ans élevé. Inscrire le Tour du Limousin à un palmarès que ce soit concernant une étape ou le classement général, je pense que c’est très significatif. »
L’objectif est clair : viser la victoire. Mais Lebreton reste méthodique : « Avancer au jour le jour, éviter de perdre d’abord, se mettre en position de gagner ensuite. » Plusieurs coureurs de son effectif correspondaient aux profils exigeants du Limousin : Alexandre Delettre et Mathieu Burgaudeau, mais aussi Thomas Gachignard (vainqueur de la 1ère étape, ndlr) dans un rôle de dynamiteur, ou encore Anthony Turgis, « un garçon de classe mondiale » capable de chasser les étapes.

Attaché à la région depuis ses années de coureur, il revient toujours en Limousin avec plaisir : « J’y viens très régulièrement depuis 1994, j’avais terminé deuxième de la première étape et quatrième au classement général. C’est un attachement particulier car c’est toujours une région qui m’a plu, qui me plaît, et dans laquelle j’ai de bons souvenirs. » Quant à l’absence des stars internationales, il relativise : « Leur présence changerait la donne, mais nous faisons notre course, avec l’envie de créer les conditions pour gagner. » Une ligne de conduite simple et ambitieuse, à l’image du directeur sportif.
Marion Hérault-Garnier, une voix singulière dans le peloton
Dans le monde du cyclisme, son nom s’impose peu à peu, porté par une voix reconnaissable entre toutes. « Speakerine » officielle sur de nombreuses épreuves, consultante pour France Télévisions, Marion Hérault-Garnier a trouvé sa place dans un univers encore largement masculin. Originaire des Herbiers, elle a grandi au contact des courses. Son père, sonorisateur de métier, participait à l’organisation du « Chrono des Nations » et avait créé une radio éphémère pour retransmettre les commentaires de Daniel Mangeas aux signaleurs. C’est là que la toute jeune Marion prend le micro pour la première fois. « J’ai commencé vers 13 ou 14 ans, en animant quelques jours de programmes avec interviews de coureurs et reportages », se souvient-elle.

Si son cœur bat pour le vélo, c’est pourtant par l’athlétisme et le triathlon qu’elle apprend son métier. Le cyclisme reviendra plus tard, presque par hasard. En 2015, à quelques minutes du départ du Chrono des Nations, un speaker manquant l’amène à commenter la course aux côtés de Daniel Mangeas. « Sans préparation, je me suis retrouvée sur ma commune, dans un rôle que je n’avais jamais tenu », raconte-t-elle. Une révélation.
Les portes s’ouvrent ensuite en grand grâce à une rencontre décisive. En 2021, Alexandre Pasteur, figure de France Télévisions, l’entend commenter depuis une moto et l’encourage à rejoindre l’équipe. Quelques mois plus tard, Fabrice Colin l’appelle : elle sera au micro du Tour de France féminin. Une expérience unique qu’elle décrit comme « un privilège », même si elle exige une concentration extrême et une confiance totale envers le pilote.
Seule femme speaker dans le cyclisme, elle refuse pourtant l’étiquette d’exception. « Oui, je suis la seule dans ce sport, mais dans d’autres disciplines, nous sommes plusieurs. Les Jeux olympiques ont mis en lumière ces profils féminins », insiste-t-elle. Fine observatrice du cyclisme féminin, elle mesure bien les progrès accomplis après une édition 2025 record porté par les exploits de « PFP »: un public au rendez-vous, une ambiance équivalente à celle du Tour masculin, une visibilité croissante. « Le grand public peut désormais s’emparer du sujet », estime-t-elle.
En Limousin, qu’elle découvre cette année, elle se dit frappée par la chaleur de l’accueil et la passion des bénévoles. « Tout le monde est adorable » sourit-elle. Avant d’aller retrouver son fief vendéen pour le Chrono des Nations, elle a donc profité de cette parenthèse limousine avec enthousiasme.
Antoine Hue, au service de l’équipe dans le Limousin
Pour sa deuxième participation au Tour du Limousin-Périgord-Nouvelle-Aquitaine, Antoine Hue (CIC U Nantes Atlantique), jeune cycliste breton de 20 ans, abordait l’épreuve avec lucidité. Ses ambitions initiales étaient claires : « me montrer dans les échappées et pourquoi pas aller chercher un maillot distinctif ». Mais un stage en altitude suivi d’un manque de compétition ont bien vite pesé sur ses jambes dans les enchainements de montées et de descentes typiques des routes limousines.

Après des premiers jours difficiles, le jeune coureur a réajusté ses objectifs, préférant essayer de « finir le Tour et aider l’équipe au maximum ». Classé 92e avant la dernière étape, il se concentrait donc sur un rôle d’équipier. « Le briefing était centré sur l’échappée et sur l’aide à Mathias Sanlaville pour le maillot de sprinteur. Si je n’y suis pas, j’essaierai d’épauler Axel Mariault pour le final, et Lenaic et Joris afin qu’ils fassent leurs efforts le plus tard possible. »
Usé par la difficulté d’une course « à la râpe », Antoine Hue n’a malheureusement pas terminé la dernière étape de ce Tour du Limousin 2025. Espérons pour lui qu’il aura pu récupérer avant le Tour de Poitou-Charentes qu’il courra cette semaine et avant un calendrier chargé à l’automne avec le Grand Prix de Fourmies, Paris-Tours et le Tour de Vendée.
Christian Latouille, maire heureux d’un village-départ
À Saint-Hilaire-Bonneval, petite commune de Haute-Vienne, l’effervescence était à son comble. Ce vendredi, le village accueillait pour la première fois le départ d’une étape du Tour du Limousin-Périgord-Nouvelle-Aquitaine. Une fierté pour son maire, Christian Latouille, qui raconte la genèse d’un projet qui a mobilisé les habitants : « Dans mon conseil municipal, j’ai un jeune élu qui souhaitait effectuer un départ du Tour sur la commune. Il a pris contact avec l’organisation, puis Christian Courbatère m’a appelé. Trois ans plus tard, nous y sommes. »
Pour l’édile de la commune de 1005 habitants, l’événement dépasse la seule dimension sportive. « Nous sommes une commune très jeune, dynamique, et tout le conseil a accueilli la proposition avec enthousiasme. Mais encore fallait-il le faire… » souligne-t-il. « Et plus le départ approchait, plus il y avait de travail à faire. Il y a eu un grand enthousiasme, nous avons eu des propositions de volontariat équivalentes au double de ce dont nous avions besoin.»

Au-delà du départ officiel, la commune a voulu prolonger la fête. « Vers 15h, les coureurs repasseront dans la commune. Nous avons mis en place une fan-zone, les jeunes agriculteurs organisent un déjeuner, les associations tiennent des buvettes. C’est fabuleux, tout le monde participe. » Un événement qui transforme le temps d’une journée ce village rural en cœur battant du cyclisme régional.
Pour en savoir plus…
Vous pouvez retrouver le parcours, le classement et les photos de cette édition 2025 sur le site tourdulimousin.com.
Et si vous avez envie de contribuer à faire perdurer cette belle épopée, le « TDLPNA » est toujours en recherche de bénévoles. N’hésitez pas à les contacter à l’adresse : tourdulimousin@wanadoo.fr
Antoine Marty & Brice Milbergue