A Saint-Priest-Ligoure, une maison en bois ressemblant à une châtaigne est en train de sortir de terre. Elle est isolée en paille hachée, un nouveau matériau biosourcé auquel s’intéressent de plus en plus les constructeurs.
Au bout d’un chemin caillouteux et au détour d’une grange, apparaît un dôme en bois. « La castanha », c’est son nom . Cette construction à la forme originale a été dessinée par l’atelier d’architecture Duramen de Coussac-Bonneval en réponse au souhait du maître d’ouvrage : habiter dans une yourte, cet habitat typique des steppes mongoles. « Ce projet a demandé énormément de remaniements sur sa géométrie qui, au début, était complètement circulaire » indique l’architecte Jean-Baptiste Favrichon, « les murs intérieurs devaient être recouverts d‘un enduit en terre ce qui nécessitait une structure très rigide. »

Le maître d’ouvrage avait des convictions écologiques très fortes mais il a dû accepter des compromis… « La demande initiale était de construire sans matériaux industriels, on n’y est pas arrivé mais on s’en est rapproché le plus possible » précise-t-il. A l’intérieur de cette maison de 70 m², on retrouvera l’esprit yourte dans l’agencement, un espace cuisine et salon, une unité pour dormir et une salle de bain. « On est sur des choses très modestes même si l’extérieur peut laisser présager quelque chose de plus travaillé » poursuit-il. Le chantier, démarré il y a deux ans, a été freiné par la liquidation d’une des sociétés.

Construite sur douze arceaux, la maison est isolée avec 35 cm de paille hachée et insufflée dans les parois. La surface est de 70 m² pour 11 m de large. Trois quartiers seront recouverts d’une serre en verre et en métal, les autres revêtus de bardeaux de châtaignier. A l’intérieur, des murs droits en ossature bois fermeront cinq quartiers. De grandes fenêtres et baies vitrées seront posées, dévoilant une belle vue sur la campagne.

Un isolant en circuit court et adapté à toutes les formes
Une démonstration d’insufflation de paille hachée dans un caisson bois, reproduisant le process sur chantier, a été proposée en partenariat avec Odéys, FIBOIS Nouvelle-Aquitaine et Résonance Paille pour faire découvrir cette nouvelle technique. La paille hachée Phi® est produite par la coopérative Iélo, la première à mettre au point ce matériau commercialisé depuis deux ans et qu’elle fabrique à partir de paille de blé dans son unité de Bonneuil-Matours (Vienne). L’insufflation dans des caissons est adaptée au neuf comme à la rénovation sur chantier ou en atelier.

Formateur au sein du réseau Réseau français de la construction paille, Eddy Fruchard est à la manœuvre tout en détaillant ses avantages. « Le premier intérêt est par rapport au transport car le ballot de 13 kg est deux fois plus compacté que son volume final » explique-t-il, « cela limite les camions sur les routes et le stockage est simplifié sur chantier. Ensuite, la machine où sont versés les ballots, va décompacter la paille hachée et la transporter dans le caisson. Enfin, l’isolant s’adapte quelle que soit la géométrie du caisson. Et c’est d’autant plus vrai sur une structure comme celle-ci où chaque caisson a une forme et des angles différents. »

Si l’isolation avait été réalisée en fibre de bois ou en chanvre, il aurait fallu découper l’isolant et les chutes auraient été difficilement valorisables. Les déchets sont donc limités. « Sur deux palettes, on a récupéré à peine 100 litres de déchets, qui n’en sont pas, car on peut les utiliser au potager car il y a zéro traitement » signale-t-il. Car en effet, le matériau est compostable et biodégradable.
Côté performance : après mise en œuvre, la masse volumique atteint 105 à 115 kg/m³ et le confort d’été est remarquable avec un déphasage de 13 heures pour 30 cm d’isolant… Cette solution biosourcée représente donc une alternative aux isolants très transformés et non renouvelables comme la laine de verre ou de roche.
En outre, cela permet de valoriser une ressource locale sans adjuvant, ni traitement et de compléter le revenu d’agriculteurs. « Nous travaillons avec des coopératives agricoles à même de récolter des quantités importantes de paille et d’investir dans l’outil de transformation de grosses bottes de paille en paille hachée » indique Nicolas Rabuel, directeur de Iélo. « Les agriculteurs sont à 50 km autour de l’unité de production qui est peu énergivore par rapport à la fabrication de laine minérale » remarque-t-il. « Il prévu d’ouvrir d’autres unités de production dans les régions céréalières pour que la fabrication ne soit pas éloignée des chantiers. »
« Dans le top 5 de notre entreprise »
Cette maison a été bâtie par Idée Bois Construction basée à Oradour-sur-Vayres. Créée en 2011 par deux charpentiers Loïc Lapellegerie et Emmanuel Dudognon, l’entreprise compte 12 salariés pour un chiffre d’affaires de 1,3 M€ et intervient en Limousin, en Charente et en Dordogne. Cette forme arrondie est une première ainsi que l’emploi de la paille hachée. « Ce chantier est atypique » remarque Loïc Lapellegerie « le défi n’était pas si technique que cela, la structure est en lamellé collé cintré et les murs en ossature bois. »
Le maître d’ouvrage a renoncé à l’enduit en terre sur les murs intérieurs, trop rigide pour la structure, au profit d’un habillage bois. Le revêtement extérieur est donc en bardeaux de châtaignier fournis par la société Le Tavaillon de l’Allier. « Ce projet fait partie du Top 5 de notre entreprise, il intéresse beaucoup les gens qui nous posent plein de questions » conclut-il. La fin du chantier est programmée pour mars 2026.