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samedi 18 octobre 2025

Les 100 ans de « l’Art déco » à l’honneur au Musée des Beaux-Arts de Limoges avec près de 400 pièces remaquables

Près de 400 pièces Art déco sont exposées au Musée des Beaux-Arts de Limoges dont certaines avaient été présentées à l’Exposition internationale des arts décoratifs industriels et modernes à Paris en 1925.

Le Musée des Beaux Arts nous propose un voyage dans le temps avec sa nouvelle exposition « Faire Moderne 1925 Limoges Art déco » à découvrir jusqu’au 9 mars 2026. Pour célébrer les 100 ans de cette exposition qui a marqué un tournant dans l’histoire de la porcelaine de Limoges, près de 400 œuvres remarquables sont réunies au Musée des Beaux Arts, prêtées par des collectionneurs privés, le musée Adrien Dubouché et la Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson. Celles exposées à l’époque à Paris sont signalées par un point bleu.

En avril 1925, l’Exposition internationale des arts décoratifs industriels et modernes de Paris couvrait 23 hectares s’étendant entre le Grand Palais, le Petit Palais et les Invalides. Seize millions de visiteurs s’y presseront pour découvrir les créations des 21 nations invitées au point qu’elle sera prolongée.

D’avril à novembre 2025, à Paris, les arts décoratifs industriels modernes ont conquis l’Esplanade des Invalides, le Grand Palais, le Petit Palais et le Pont Alexandre III © DR

Les arts du feu étaient réunis dans le pavillon de la « 7ème région économique » (Limousin, Charente, Dordogne) qui regroupait des pièces modernes de porcelaine de même que des émaux, tapisseries, vitraux, gants et reliures. « C’est la dernière grande période d’essor de la porcelaine de Limoges » souligne François Lafabrié, directeur des musées, « en germe depuis 1909, l’exposition dû être repoussée plusieurs fois à cause de la première guerre mondiale. Limoges qui se distinguait par son industrie, la porcelaine, la chaussure, le cuir, les émaux, voulait avoir son pavillon. Il y avait beaucoup d’artisans d’art et la ville était très ouverte à la modernité. »

Le pavillon des arts du feu reconstitué

Cette exposition annonçait le renouveau de la porcelaine, même si on ne parlait pas encore d’Art déco, le terme apparut dans les années 60. Vingt-deux manufactures y présentèrent leurs pièces espérant engranger des commandes. « On avait demandé aux exposants des pièces de style nouveau, il fallait faire moderne, donc ne pas faire ce qui avait été déjà fait » indique-t-il, « ainsi on remarque une géométrisation des formes. »

Une maquette reconstitue le « pavillon des arts du feu » car, malheureusement, tout a été détruit après cet évènement. D’une superficie d’environ 300 m², dont la moitié en jardin, il se trouvait Cours-la-Reine, près des pavillons japonais, autrichien, belge et monégasque. Deux salles réalisées par les architectes Pierre Chabrol, Charles Tuillier et Lucien Breuilh, installés à Limoges, présentés les créations des fabricants de Limoges et de la région. Six vases monumentaux, peints à la main d’après les dessins du décorateur parisien René Crevel, ornaient la salle des porcelaines. Les deux seuls rescapés sont présentés au Musée.

Maquette du pavillon des Arts du feu à l’exposition de Paris 1925 © Corinne Mérigaud
Photos du pavillon prise par Bélisaire Broizat. Sur celle de gauche on voit les toiles d’Alluaud et Paguenaud © source : archives.somme.fr

La façade arborait deux grandes toiles représentant les paysages de la 7ème région signées Eugène Alluaud et Jean Louis Paguenaud, à voir au musée. L’autre façade était ornée d’un slogan publicitaire « Les Arts du feu, Limoges, capitale porcelainière du monde ». Cinq vitraux signés Francis Chigot illuminaient le pavillon dont « La Tapisserie » est à voir au musée. Avec son collaborateur Pierre Parot, il avait créé un vitrail cubiste rendant hommage aux lissiers d’Aubusson, couronné d’un Grand Prix.

Un vitrail de Chigot en hommage aux tapissiers d’Aubusson, une peinture d’Alluaud qui ornait le pavillon des arts du feu © Corinne Mérigaud

« L’exposition fut ratée car elle aurait dû toucher un public populaire mais aussi réussie car, par son luxe et son élégance, elle véhicula une image du luxe à la française, un style qui inspirera fortement les Etats-Unis » remarque le directeur. Elle inspirera cependant de nombreux artistes limougeauds qui découvrirent des formes et décors modernes. « Dans les trois ans qui suivirent, les manufactures sortirent des pièces vraiment Art déco avec l’image que nous en avons aujourd’hui » précise-t-il, « c’était une exposition de transition, viendront après la géométrisation des formes et des décors. »

Les lissiers, gantiers et émailleurs à l’honneur

Parmi les 22 fabricants et décorateurs de porcelaine de Limoges qui exposèrent, Haviland & Cie et Théodore Haviland occupent un large espace, symbolisant l’excellence des arts de la table. D’anciens élèves de l’École nationale d’art décoratif de Limoges y décrochèrent des récompenses à l’instar de Marcel Chabrol, Grand Prix pour ses services Stella et Séville, et de Léon Jouhaud, primé pour son service Apollon. Les manufactures faisaient aussi appel à des décorateurs parisiens comme René Crevel, Jean Dufy, Suzanne Lalique-Haviland ou Umberto Brunelleschi pour imaginer des formes et décors modernes.

22 fabricants limogeauds présentèrent leurs créations à l’occasion de l’exposition de 1925 / les décorateurs s’en sont donnés à coeur joie pour marquer le public © Corinne Mérigaud

Au Musée des Beaux-Arts, la tapisserie d’Aubusson est représentée par cinq ateliers dont les Fabriques d’Aubusson, Hamot Frères, les ateliers Marcel Coupé à Bourganeuf et Borderies à Felletin. Parmi les oeuvres exposées, on peut admirer Solitude, La Toilette de Flore, La Fête foraine et l’écran aux canards signé François Faureau, monté par l’architecte décorateur Pierre Chareau, figure majeure de l’Art déco.

5 ateliers de tapisserie sont représentés © Corinne Mérigaud

La ganterie,était en plein essor dans les années 1920. Dix ganteries de Saint-Junien étaient présentes à Paris avec des gants aux formes modernes, raccourcis avec des manchettes ouvragées et des broderies. Le musée présente enfin des pièces émaillées provenant des principaux ateliers de l’époque Fauré, Marty et Sarlandie. Leurs pièces ne seront vraiment Art déco qu’après l’exposition parisienne, entre 1926 et 1930, avec des lignes géométriques et des motifs stylisés aux couleurs vives.

Un livre-catalogue de près de 400 pages édité par « Les Ardents Editeurs » accompagne l’exposition du musée des Beaux-Arts. Sous la direction de Jean-Marc Ferrer, treize auteurs reviennent sur la participation du Limousin à l’exposition de 1925 et le Limoges des années folles.

Musée des Beaux-Arts ouvert lundi, jeudi et vendredi de 9h30 à 12 h et de 13h30 à 17h30, samedi et dimanche de 13h30 à 17h30.

Plus d’infos sur beauxarts.limoges.fr

Deux expositions en complément

  • A la Galerie des Hospices jusqu’au 31 octobre, le réseau Émail Métal et Feu et le réseau Réfractaires, en partenariat avec le Syndicat professionnel des émailleurs français proposent, comme lors de l’exposition de 1925, d’explorer la diversité des créations modernes en dévoilant près de 150 œuvres (émail sur métaux, céramique, vitrail) de plus de 40 artistes nationaux et internationaux.
      • → Entrée libre de 13 h à 19 h tous les jours, visites groupes commentées 5 €/pers samedis 18 et 25 octobre et dimanches 25 et 26 octobre. À l’issue de l’exposition, une sélection d’œuvres sera présentée au Musée des Beaux-Arts, jusqu’au 9 mars 2026.
  • Au Pavillon de l’Orangerie du jardin de l’Évêché jusqu’au 31 octobre : démonstrations et ateliers d’initiation et à la transmission des savoir-faire seront animés en partenariat avec l’École des Métiers d’Art UIMM, le lycée Mas-Jambost, l’ENSAD et des professionnels. Les étudiants en CAP émailleur d’art de l’École des Métiers d’Art UIMM exposeront des œuvres réalisées sur le thème de la modernité en collaboration avec l’émailleuse Natacha Baluteau. Les élèves du Mas-Jambost présenteront des créations en céramique et verre.
  • Enfin, l’exposition au musée du Four des Casseaux est à voir jusqu’au 1er novembre. Pour rappel, elle rassemble 200 pièces exceptionnelles présentées en 1925 prêtées par des collectionneurs privés français.
    • → Ouvert du lundi au samedi de 10h à 12h30 et de 14h à 17h30).
Corinne Mérigaud
Corinne Mérigaud
Journaliste Actus Limousin

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