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Région Limousin
vendredi 5 décembre 2025

De 1896 à nos jours, la cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine restaure patiemment notre mémoire filmique régionale

 Depuis 2009, la cinémathèque de Limoges s’est donnée pour ambition de collecter et de valoriser le patrimoine cinématographique du Limousin, avant de s’étendre à celui de la Nouvelle-Aquitaine. Des premiers tournages dans la région aux films de vacances sous l’occupation et jusqu’aux productions d’aujourd’hui, cette association conserve et transmet ces trésors audiovisuels depuis plus de 15 ans…

Des vieilles bobines de 35 mm au plus récent DVD, la cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine, basée à Limoges, donne une seconde vie au patrimoine cinématographique. Un organisme de préservation de cet héritage plutôt rare en France, car la fédération des cinémathèques ne compte qu’une vingtaine de sites sur tout le territoire. Celle de Limoges s’occupe de toute la région Nouvelle-Aquitaine et c’est une association assez unique, qui compte sur sa dizaine d’actifs, salariés et bénévoles pour faire tourner les bobines à plein régime.

Des bobines et des appareils de visionnage de toutes les époques à la CDNA à Limoges © Hugo Antoni

Côté missions, la cinémathèque est chargée de restaurer, conserver, numériser et valoriser un patrimoine trop souvent oublié mais qui contient pourtant des archives essentielles pour l’histoire régionale. « Notre objectif, c’est de montrer des époques. Souvent, les archives filmées sont sous-estimées, et pourtant, elles peuvent raconter beaucoup. L’organisation d’une rue, les tenues, les technologies, la population… C’est une autre façon d’approcher l’histoire que les archives papiers », explique Patrick Malefond, directeur de la cinémathèque.

Car si aujourd’hui nous avons tous une caméra dans la poche, les films d’hier et d’avant-hier sont tout aussi rares que précieux. « Avant le numérique, appuyer sur le déclenchement de la caméra signifiait beaucoup. C’était une volonté de montrer quelque chose ; le quotidien comme une fête foraine, ou un événement comme la venue du général De Gaulle à Limoges ou encore des catastrophes naturelles. Aujourd’hui, conserver ce patrimoine fait partie de nos missions, pour que les générations futures puissent avoir accès à ce savoir et constater de leurs yeux la vie de ces contemporains. » ajoute-t-il.

Du Limousin au monde

Pour la cinémathèque, l’aventure commence en 2009, par la volonté de Marc Wilmart, actuel président de la structure et ancien journaliste à France 3 Limoges qui avait à cœur de mettre en avant la richesse cinématographique du Limousin. Si à ces débuts la cinémathèque n’était limitée qu’à l’ex-région, aujourd’hui l’association récupère des films qui vont bien au-delà des frontières de la Nouvelle-Aquitaine, de France et même d’Europe ! « Depuis quelques années, nous récupérons des films de partout. On a numérisé des films d’Algérie, on a aussi des bobines de Bretagne ou d’Espagne. Alors ce sont en grande majorité des réalisateurs du Limousin, mais nous pouvons aussi récupérer des productions qui n’ont aucun lien avec le Limousin », assure Patrick Malefond.

Une mission de conservation qui permet aujourd’hui à l’association d’avoir dans ses fonds l’un des plus vieux films de France. Alors ne vous faites pas d’illusion, nous ne sommes pas sur un Christopher Nolan de 3h30, mais sur une bobine de 1 minute 10, réalisé par Charles Arambourou, un photographe de Saint-Junien, qui décide de s’essayer à la caméra pour nous filmer la crue de 1896 à Châtellerault dans la Vienne.

« Pour l’époque, avoir une caméra c’est très rare. On le voit d’ailleurs dans le film, les passants regardent ce drôle de boîtier, différent d’un appareil photo. Pour la plupart c’est sûrement la première fois qu’ils voyaient un tel mécanisme ! » souligne le directeur de la cinémathèque. Pour preuve, la première caméra cinématographe, ne date seulement que de 1895… soit un an avant ce film !

Environ une semaine de travail pour traiter 1h de film

Ce travail de conservation nécessite patience et minutie, et les équipes sont mobilisées toute la semaine. « Notre première mission va être de restaurer les bobines, par exemple sur le film de 1896, les premières pellicules tombaient en lambeaux. On a donc dû les restaurer. Ensuite, vient la numérisation puis l’indexation ; c’est-à-dire la rentrée dans la banque de données des films. Et après, on peut enfin penser à comment valoriser ces fonds. Pour la faire courte, il nous faut environ 1 semaine pour traiter 1 heure de film », calcule Patrick Malefond.

Restaurer et conserver des films d’époque, un travail aussi minutieux que chronophage ! © Hugo Antoni

Un « travail de fourmi » loin d’être terminé puisqu’il y a encore des milliers d’heures de films qui dorment dans les archives de la cinémathèque avant de pouvoir être enfin visionnées. Des milliers d’heures tournées par des professionnels comme par des amateurs, car si la cinémathèque est chargée depuis plusieurs années par le Centre National du Cinéma de la conservation des productions du Limousin, d’aujourd’hui et du passé, elle récupère aussi des films amateurs qui peuvent tout autant s’avérer être de véritables pépites du point de vue historique. Pour preuve, la cinémathèque a récemment récupéré des bobines allemandes tournées pendant la période de l’occupation ; des films amateurs mais ô combien riches en information.

Récupérer aujourd’hui pour valoriser demain

En 16 ans, l’association a déjà numérisé la moitié de ses fonds et publié en ligne 30% d’entre eux ; même si les réserves de la cinémathèque ne cessent d’augmenter avec le temps. Côté film amateur, elle compte environ 20 000 productions de durée et d’époques différentes.

Et à force de rembobiner ces morceaux d’histoire, elle leur a trouvé de nombreuses utilités : documentaires, conférences, recherches historiques, ou bien inspiration pour de nouvelles productions, éducation par l’image… Plus surprenant, la cinémathèque intervient aussi dans les Ehpad, pour faire travailler la mémoire des « anciens » grâce au images d’hier ! « Quand on va dans les Ehpad, c’est aussi très intéressant de voir que même des personnes touchés par des maladies qui affectent la mémoire arrivent à se rappeler de petits détails de leurs jeunes années juste en regardant ces images », confie le directeur.

Si elle garde un œil rivé sur notre passé, la cinémathèque est aussi tournée vers l’avenir et espère que son travail pourra servir aux générations futures pour découvrir nos modes de vie. « Récemment, on est intervenu dans des classes, où l’on a diffusé des extraits des années 80. C’était assez marrant, car les élèves découvraient certains objets essentiels à l’époque qui ont totalement disparu aujourd’hui », s’amuse le directeur, et ajoute un peu rêveur. « Avec le film de Arambourou, on s’est rendu compte d’un truc extraordinaire : un extrait plutôt banal, d’une crue tournée il y a 129 ans, peut encore être montré et valorisé aujourd’hui. C’est pour ça qu’on doit continuer à collecter le plus de films possibles, car peut-être qu’un extrait tourné en 2025 à Limoges qu’on pense plutôt banal sera dans quelques années un véritable morceau d’histoire ! »

Alors vous aussi, n’attendez plus pour sortir des cartons poussiéreux vos vieux films Super 8 ou vos cassettes de caméscopes ; qui sait, ils deviendront peut-être d’inestimables archives dans les années à venir ? Seul le temps nous le dira !

Info pratique

Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine, 4 avenue de la révolution, Limoges

Site web : cdna.memoirefilmiquenouvelleaquitaine.fr et on vous invite vivement à découvrir les trésors qui se cachent dans la section « films » du site !

Pour des dons ou des renseignements vous pouvez contacter la cinémathèque au 09 53 32 47 14 ou par mail sur contact@cinemathequenouvelleaquitaine.fr

 

Hugo Antoni
Hugo Antoni
Journaliste Actus Limousin

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