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Région Limousin
mercredi 11 décembre 2024

Haute-Vienne : pas de projet mais les « bassines » sèment déjà la discorde…

Alors que le département n’est pour l’instant pas concerné par le sujet des bassines, les « antis » et les « pros » de la Haute-Vienne sont déjà structurés et s’affrontent par actions interposées. Échaudée par la création du collectif « Bassines non merci ! Limousin », la « Coordination Rurale 87 » a lâché des ragondins dans le cinéma le Lido à l’occasion d’une soirée débat alimentant la discorde entre les deux camps.

Nous ne sommes qu’au début de l’Anthropocène, cette époque géologique de la Terre qui pourrait se caractériser par des impacts majoritairement humain sur la planète et son écosystème, et les batailles idéologiques font déjà rage autour de l’utilisation de la majorité des ressources naturelles : terre, eau, énergies fossiles, bois, minerais, etc…

D’un côté, des utilisateurs professionnels de la Nature pour qui elle est avant tout un outil de travail et qui cherchent à maintenir ou optimiser leur production coûte que coûte, de l’autre des utilisateurs récréatifs de la Nature pour qui elle est un espace de loisirs et qui la voudrait le plus préservée possible et des partisans d’une agriculture raisonnée. Deux camps qui sont parfaitement opposés dans la tête comme dans le cœur…

Les « bassines », LE nouveau sujet clivant entre les deux camps…

La sécheresse de l’été passée a été particulièrement éprouvante pour les réserves en eau avec des rivières à sec pendant une longue période et des nappes qui ont atteint des niveaux critiques. Particulièrement touchés par les restrictions qu’ont dû mettre en place les préfectures face à cette situation exceptionnelle, certains agriculteurs cherchent à tout prix des solutions pour faire face à ces pénuries d’eau notamment par la création de « réserves de substitution », de gigantesques « bassines » de plusieurs centaines de milliers de m³ contenant de l’eau prélevée du milieu naturel au cours de la saison humide pour être utilisée pour irriguer les cultures pendant la saison sèche.

De leur côté, les militants écologistes et les défenseurs d’une agriculture raisonnée voit dans ce système une aberration écologique court-termiste (les pertes liées à l’évaporation seraient de l’ordre de 20% à 60%) et dénoncent un « accaparement de l’eau » par les agros-industriels à qui ils reprochent en plus de ne pas respecter la baisse de l’utilisation de pesticides à laquelle ils se sont engagés.

Agriculture intensive et baisse de la ressource en eau, 2 concepts qui semblent de moins en moins compatibles…

En Septembre 2021 puis en Octobre 2022, à Saint-Soline dans les Deux-Sèvres, des grands rassemblements des « anti-bassines » ont viré à l’affrontement avec les forces de l’ordre venues sécuriser les chantiers, après l’interdiction de la manifestation par le préfet. La contestation est particulièrement vive dans cette zone où 16 « méga-bassines » doivent être construites et ont bénéficié d’une aide de 60 millions d’euros de l’État.

En Novembre 2022, c’est un nouveau projet de 30 « bassines » dans la Vienne qui a été approuvé par Matignon, donnant lieu à des manifestations locales. Les premiers résultats d’une étude sur la ressource en eau ont suscité l’inquiétude du préfet car elle esquisse une capacité de remplissage plus faible qu’initialement estimée (avec des bassines vides 2 années sur 10) et pointe l’inutilité de 4 ou 5 de ces bassines. Le rapport « Hydrologie, Milieux, Usages et Climat » définitif sera rendu au mois de Mars et devrait à nouveau donner lieu à de vifs débats.

En Haute-Vienne, pas de projet mais des « antis » et des « pros » déjà remontés

Si en Haute-Vienne aucun projet de « bassine » n’est pour l’instant à l’ordre du jour, la situation dans les départements voisins de la Vienne et de la Charente inquiète ceux qui militent pour des modes de développement plus écologiques. C’est pourquoi ils ont créé au mois de Novembre 2022 le collectif « Bassines non merci ! Limousin » qui regroupe des membres des associations les Amis de la Terre, Alternatiba, les Amis de la Confédération Paysanne,  ATTAC87, Générations Futures…

De l’autre côté, la Coordination Rurale, un syndicat créé en 1995 qui regroupe quant à lui des agriculteurs rassemblés sous les bannières « tous unis » et « agriculteurs responsables » et se veulent indépendants, non partisans et responsables. La Coordination Rurale se dit un « syndicat 100% agriculteurs […] qui défend toutes les productions et se bat pour des prix rémunérateurs » et fait « du stockage de l’eau une priorité nationale » pour « relever les défis alimentaires et climatiques qui nous attendent« . La « CR » dénonçait dans un article publié sur son site « l’aveuglement idéologique des anti-irrigation« …

Et c’est donc des militants de la Coordination Rurale 87 qui ont mené une action coup de poing en lâchant deux ragondins, un pigeon et une souris dans le cinéma le Lido de Limoges à l’occasion d’une soirée débat organisée, par le collectif « Bassines non merci ! » autour du film « Julien le marais et la libellule ».

La « CR87 » a d’ailleurs « revendiqué » son geste et s’adresse, dans un court article véhément, « à tous les donneurs de leçons écolos-bobos qui vivent dans un monde de licornes et de Bisounours » avant de s’en prendre plus directement à la député limougeaude Manon Meunier qui avait alerté le gouvernement, en novembre dernier, sur les conséquences à long terme de l’utilisation des bassines… L’article de la Coordination Rurale 87 s’achève sur un « foutez-nous la paix, laissez-nous travailler » qui ne laisse présager d’aucune discussion possible pour la recherche d’un consensus entre 2 camps que tout semble opposer.

De son côté, et quelques heures avant le lâcher d’animaux de la « CR87 »,  la Chambre d’Agriculture de la Haute-Vienne ne faisait aucun doute sur sa position sur le sujet :

Si les derniers conflits armés que nous avons connu, et connaissons encore, ont tous eu pour objectifs le contrôle des ressources en énergie fossile, la raréfaction progressive de la ressource en eau génère de plus en plus de conflits locaux et « l’or bleu » est déjà en train de s’avancer petit-à-petit sur le devant de la scène internationale comme le futur nerf de la guerre

Brice Milbergue
Brice Milbergue
Rédacteur en chef d'Actus Limousin

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