Écouter Séverine Bourdais parler de son métier, c’est embarquer pour un voyage qui vous conduit de la Corrèze aux Bahamas, et d’Astérix à Jean Dujardin ! Une incroyable carrière guidée par l’amour de la mode et du stylisme !
L’envie de coudre et de créer, depuis toujours
« La Corrèze m’a appelée plusieurs fois ! » s’exclame Séverine Bourdais. Originaire de Moulins dans l’Allier, elle comprend dès l’adolescence que sa vie tournera autour de la mode et de l’art. Nous sommes dans les années 90, et à cette époque déjà, elle participe au club théâtre de son collège, et se souvient avoir débordé d’imagination pour créer les costumes de toute la troupe. La diffusion d’une série sur Coco Chanel à la télévision ne fait que confirmer son envie de mode, tout comme les discussions avec sa mère, qui travaille dans une usine de prêt-à-porter de luxe
Aussi, lorsqu’elle apprend par la presse locale qu’une École de stylisme et de modélisme va ouvrir à Meymac, Séverine candidate. La Directrice la trouve trop jeune, mais, épatée par son enthousiasme, lui donne rendez-vous un an plus tard. Elle intègre alors l’école, au sein d’une petite promotion de dix jeunes, et conserve encore aujourd’hui beaucoup d’admiration et de gratitude pour la fondatrice de l’école, qui emmenait ses élèves à Paris visiter des maisons de haute couture.
Après son BEP, c’est dans le cadre de son Bac pro artisanat et métiers d’art, qu’elle part en stage à Paris chez une costumière, engagée pour créer les prototypes des vêtements des personnages du parc Astérix. Une révélation pour la jeune femme : le costume c’est encore plus sympa que la mode !
De fil en aiguille, une carrière autour du monde
C’est Canal Plus qui lui permet de trouver son premier contrat, grâce à l’émission « Le journal de l’emploi » : le Club Med cherche des costumières. Ni une ni deux, Séverine postule et, lors de l’entretien fait valoir, outre ses talents d’aiguille, qu’elle parle anglais, a un passeport, et peut s’envoler rapidement.
Sa candidature retenue, retour en Corrèze pour la jeune Auvergnate, au centre de formation des animations du Club Med de Pompadour. Pendant deux semaines, les futurs chefs de village sélectionnent leur équipe et « brainstorment » pour inventer les spectacles. Séverine intègre un noyau de créatifs très stimulants (beaucoup ont « percé » dans le show business depuis). Sa première « affectation » : le club d’Eilat. Sa mission : concevoir les costumes des spectacles. Elle travaille main dans la main avec une régisseuse chorégraphe imaginative, et se revoit parcourir Tel Aviv à la recherche des tissus. Suivront la Grèce, puis les Bahamas, où elle fête ses 25 ans. Après deux croisières transatlantiques sur le Club Med 2, elle décline l’offre d’aller à Tahiti, rentre en France, et se donne le temps de réfléchir à la suite.
Un retour à la mode et à la Corrèze
Sa meilleure amie lui propose alors de travailler pour son oncle, patron des boutiques de mode pour femme DPM Depeche Mode. Il cherche quelqu’un pour faire du modélisme et élaborer des tableaux de mesure normés pour faciliter les contrôles à réception. Retour en Corrèze donc ! L’enseigne étant alors en fort développement (passant en quelques années de 13 à 50 puis 80 boutiques), ses fonctions évoluent : elle s’occupe des ouvertures de magasins, de l’agencement, des vitrines et participe au choix des collections. La société est malheureusement placée en liquidation judiciaire en 2018 .
Séverine Bourdais, qui a toujours créé ses propres vêtements, fonde alors son entreprise : « Mademoiselle s’il vous plaît » naît en 2020. Au menu, des produits qui lui ressemblent : elle ne s’impose pas de style et crée au gré de ses envies : tissu trouvé sur le marché, dans une brocante… Elle nourrit son imagination en voyant beaucoup d’expositions, de spectacles. Ses couturiers modèles restent Chanel, Azzedine Alaia, Pierre Cardin et Jean-Paul Gaultier. Dans la jeune génération, elle apprécie Kevin Garnier et Charles de Vilmorin.
Films, séries TV, théâtre : son métier est un spectacle
En parallèle de sa carrière en entreprise, Séverine a toujours continué à créer des costumes, en particulier pour le spectacle vivant : représentations de danse, ateliers lyriques. Elle est inscrite au « Bureau accueil Tournages » de Nouvelle Aquitaine, qui recense les techniciens du cinéma de la région, mais il y a malheureusement peu de tournages en Limousin, moins dynamique que la Dordogne par exemple pour attirer les productions. Et la création d’un pôle dédié au cinéma à Sarlat, dans les anciens locaux de France Tabac, risque de renforcer cela. Résultat : les techniciens limousins vont travailler à Paris, Lyon, ou Toulouse.
Séverine a tout de même participé localement à de beaux projets : en novembre 2020, elle a été assistante habilleuse sur le film « Présidents » de Anne Fontaine (avec Grégory Gadebois et Jean Dujardin), tourné à Saint Robert. Sur chaque tournage, ses talents font merveille et elle reste plus longtemps que prévu. Cela a aussi été le cas sur « Astérix l’empire du milieu » de Guillaume Canet, dans le Puy-de-Dôme : elle a fait partie de l’équipe de 26 habilleuses de cette énorme production. Les habilleuses et les maquilleuses sont un peu les confidentes, les « mamans » des comédiens, et doivent faire preuve d’écoute et de discrétion.
Elle a aussi travaillé sur la série « Les combattantes » (sur TF1), et « Fortune de France » (sur France 2), et travaille régulièrement pour le théâtre, en tant qu’habilleuse mais aussi que costumière et aime partir du projet, en amont, avec le metteur en scène. Rentrer dans le budget est parfois un challenge mais elle adore trouver des solutions. Très attentive au « sourcing éco-responsable », elle ne s’interdit pas de réutiliser certaines pièces.
Parfois, Séverine Bourdais aimerait revoir la conseillère d’orientation à qui la collégienne qu’elle était avait expliqué souhaiter exercer une profession qui lui permette de faire de la mode et voyager, et s’était entendu répondre que ce serait impossible ! L’habit ne fait pas le moine, mais ses talents de costumière lui ont permis de visiter le monde et de découvrir ce qu’il se passe sur les planches ou devant les caméras.