L’entreprise corrézienne Tégulys, artisan tuilier installé à Meymac, a accueilli durant trois mois l’artiste-céramiste Hélène Delépine dans le cadre d’une résidence « Art & Entreprise ». Une rencontre entre deux mondes que tout semble opposer mais qui se sont pourtant retrouvés autour d’une même passion pour la terre et d’un projet artistique inédit…
L’histoire d’Hélène Delépine et de Tégulys c’est avant tout celle d’une rencontre humaine entre l’artiste nantaise et Nicolas Ducrot, chef d’entreprise corrézien. Une rencontre qui s’est forgée au fil du temps et autour d’une matière commune : la terre. La terre cuite, la terre bronzée et durcie par la chaleur, la terre modelée, déformée…
Dans la pièce que lui a mise à disposition l’entreprise Tégulys, dans ses ateliers à la périphérie de Meymac, Hélène Delépine commence : « Je suis là dans le cadre du dispositif de résidence Art & entreprise. C’est un projet en partenariat avec le tiers-lieu Au beau Milieu qui m’héberge, l’entreprise Tégulys et le Centre d’art contemporain de Meymac. » Un Centre d’art que la céramiste diplômée des Métiers d’art d’Arras et sortie des Beaux-Arts de Limoges connaît bien puisqu’elle a déjà exposé pour eux, dans le cadre de l’exposition Première(s) en 2014 à Toulouse.
« Le CAC de Meymac m’a contactée pour me présenter ce projet avec l’entreprise Tégulys qu’ils connaissaient, j’ai tout de suite accepté », reprend l’artiste passée par le Centre de Recherche sur les Arts du Feu et de la Terre de Limoges (CRAFT), et qui a aussi enseigné la céramique dans les cours publics à l’ENSAD… Quelques pas et un étage plus haut, dans son bureau, Nicolas Ducrot confirme lui aussi n’avoir pas hésité à rendre possible ce projet inédit. « Quand ils sont venus me présenter le projet, j’ai tout de suite adhéré, j’aime bien participer à la vie locale », explique le PDG, aujourd’hui à la tête d’une entreprise de 24 salariés, et qui représente la 4ème génération d’une aventure familiale commencée en 1926…
Hélène Delépine est donc arrivée à Meymac à la fin du mois d’août et a rapidement pris ses marques au sein d’un environnement qui ne lui est pas forcément habituel. « Je me suis intégrée à l’équipe. Il a fallu s’insérer dans la production, je fais les mêmes horaires qu’eux, je prends ma pause déjeuner avec eux … »
Une artiste dans un monde ouvrier au quotidien, le contraste est fort et le pari osé. Mais il est réussi, à en croire les discours au terme de trois mois de cohabitation. « Je suis content, céramiquement et techniquement, c’est un succès », se réjouit Nicolas Ducrot qui avoue un certain héritage artistique du côté paternel. Car techniquement, il faut dire que ce n’était pas gagné pour l’artiste. « La matière première est particulière, on n’en fait pas ce qu’on veut », reprend le PDG qui s’est intéressé au projet de près, avec son père.
La céramiste nous présente son travail : « Je suis partie des formes existantes que l’on trouve ici, les tuiles, les mitres, les lanternes. Je les ais découpées, réassemblées, modulées… pour en faire des formes tierces. C’est un jeu de construction. » Modelage, engobage, cuisson, Hélène Delépine a travaillé la matière. À la sortie du four, les pièces d’origine se mêlent aux créations originales. « L’idée c’est qu’on reconnaisse partiellement la forme fonctionnelle », explique l’artiste pour qui cette aventure était une première.
Auprès de l’entreprise corrézienne, l’artiste a pu profiter de l’accompagnement de l’équipe, jusqu’au PDG, du premier au dernier jour. « Là je pense qu’il faut que vous fassiez un test de remodelage », lui glisse Nicolas Ducrot après un échange sur des résultats inattendus en sortie de four. La grande peur de ce dernier, c’était « de ne pas avoir assez de temps à lui consacrer ». Finalement, lorsqu’il a vu la passion de l’artiste pour cette matière qui lui est si chère, le chef d’entreprise aura pris le temps nécessaire pour l’aider à obtenir un rendu final unique. Les pièces seront à découvrir au printemps prochain au tiers-lieu « Au Beau Milieu », en plein cœur de Meymac. Encore une histoire de rencontre.
À propos de Tégulys
Tout a commencé il y a presque un siècle pour l’entreprise familiale. « En 1926, Jean Ducrot, mon arrière grand-père, crée son usine artisanale de tuiles et briques en Bourgogne du sud », commence le PDG actuel. Deux générations et 70 ans d’activité plus tard, le père de Nicolas Ducrot est contraint de déposer le bilan, victime des opérations de fusions-acquisitions des grands groupes du secteur du bâtiment.
En 2000, Nicolas Ducrot, alors âgé de 19 ans, décide qu’il y aura bien un 4ème génération et redémarre un projet, à Aurillac d’abord (Auvergne terre cuite) puis s’installe ici à Meymac en 2005, dans un bâtiment désaffecté de 2.500 m². « Aujourd’hui, on fait la même chose que ce que faisait les grands-parents sauf qu’on vend en négoce et aux couvreurs. » résume Nicolas Ducrot. Après avoir sillonné les routes de France (à raison de 150 000 kilomètres par an !) pour vanter le savoir-faire familial, il a réussi à faire de Tégulys la 4ème entreprise tuilière de France aujourd’hui et à poursuivre le rêve que cette terre dans laquelle il a grandi soit toujours celle qui le nourrit…
Pour en savoir plus sur l’entreprise : tegulys.com. Et pour découvrir le travail d’Hélène Delépine : helene-delepine.com
Texte : Jérémy Truant / Photographies : Brice Milbergue