La manufacture de porcelaine « JL Coquet » basée à Saint-Léonard de Noblat vient de changer d’actionnaire. L’entreprise a été vendue à « Atelier Expressions », une filiale du groupe indien « TVS Group ». Le nouveau propriétaire souhaite investir dans la manufacture pour lui permettre de franchir un cap, sans pour autant perdre son savoir-faire.
Depuis quelques mois, « JL Coquet » le fabricant miaulétou de porcelaine était à vendre. La cession a été annoncée, le 6 octobre, aux salariés informés depuis longtemps de discussions en cours entre la Compagnie Européenne de Luxe et Traditions, propriétaire de JL Coquet, et « TVS Venu International Holding », un groupe indien qui s’est forgé sur la production des… deux roues et triporteurs bien connus dans le monde entier mais non distribués en France.
Fondée en 1911, l’entreprise a donné naissance à « TVS Group », un groupe puissant qui possède des dizaines d’entreprises dans des secteurs d’activités variés, et emploie 50 000 personnes dans le monde. Le groupe est cependant resté familial et « TVS Motor Company » est aujourd’hui dirigé par Sudharshan Venu, arrière-petit-fils du fondateur…
Si « TVS » est venu chercher la perle rare jusqu’à Saint-Léonard-de-Noblat, c’est pour en faire l’un des fleurons de sa nouvelle filiale, dénommée « Atelier Expressions », qui est dédiée à la valorisation de l’artisanat d’excellence et des savoir-faire d’exception, et présidée par Tara S. Venu, l’épouse du président de TVS Motor Company. « Plusieurs groupes étaient intéressés par la vente, implantés à l’étranger mais aussi en France, mais il fallait un repreneur avec les reins solides pour accompagner la croissance de JL Coquet, peut-être la dernière pépite de la région » confie Sébastien Cich, directeur général. Le directeur général reste en poste pour poursuivre le développement de même que l’ensemble du personnel.
Créée en 1824, la manufacture a été reprise le 23 août 2019 par la Compagnie Européenne de Luxe et Traditions, groupe familial français. Elle employait alors 72 salariés. Sept ans plus tard, 105 salariés produisent des services de table commandés par de grands chefs comme Anne-Sophie Pic, Hélène Darroze, Yannick Aléno ou Pierre Gagnaire et des hôtels de luxe, le Four Seasons George V, le Peninsula et La Réserve à Paris ou le Royal Mansour à Marrakech.
Si vous ne connaissez pas le savoir-faire de JL Coquet, on vous conseille de jeter un oeil à notre reportage à la manufacture de Saint-Léonard l’an dernier...
Un chiffre d’affaires qui a presque triplé
Ses deux marques J.L Coquet et Jaune de Chrome ont gagné des parts de marché. « On fait 60 % de notre chiffre d’affaires à l’export dont 40 % en Europe mais également aux Etats-Unis, en Asie et un peu au Moyen-Orient » précise-t-il. Un chiffre d’affaires qui a quasiment triplé depuis la reprise passant de 3,7 à 10 millions d’euros. « CELT a accompagné la manufacture pendant sept ans » ajoute le directeur, « on a réussi à la rendre pérenne, à lui faire gagner de l’argent. On avait envie de passer à une autre étape, CELT voulait passer la main pour lui donner des moyens supplémentaires et une structure plus solide pour continuer son développement.»
La manufacture passe donc sous giron indien et devient la première acquisition française de Atelier Expressions dont le siège est à Singapour pour faciliter les échanges commerciaux. Celui-ci détient le restaurant Khadak à Dubaï et Hedon, fabricant anglais de luxueux casques de motos, et d’autres acquisitions sont prévues. « C’est la quatrième génération à la direction de ce groupe fondé en 1911 » précise Renaud Paul-Dauphin, le nouvel administrateur de JL Coquet, « le point commun est l’attachement au patrimoine, la culture et au facteur humain et ils sont particulièrement attachés aux savoir-faire pluriels. L’ancrage local est aussi important pour eux. Lorsqu’ils sont venus ici, ils sont tombés en pâmoison devant cette maison, l’artisanat et ses savoir-faire. »
Objectif 15 millions d’euros
Après avoir travaillé 37 ans pour Hermès et surtout dirigé sa division arts de la table durant de nombreuses années, Renaud Paul-Dauphin intègre Atelier Expressions dans ses locaux parisiens. « Le groupe TVS Motors est présent dans tous les grands pays sauf en France » nous précise-t-il, « ils ont une dimension éthique, sociale et responsable. Ils accompagnent la caste féminine et des villages avec une politique RSE avant-gardiste, cela a plu au vendeur. Ce groupe a des moyens et va pouvoir accompagner la croissance de JL Coquet. »
L’entreprise a atteint un seuil et cherche sa taille critique. « Nous estimons le marché potentiel mondial de la porcelaine continentale très haut de gamme à 400 M€, on fait 10 M€ aujourd’hui et la taille critique serait 15 M€ » explique l’administrateur, « mais ce n’est pas écrit qu’on les fasse en 2 ans. L’objectif est d’accompagner la croissance de façon raisonnée et raisonnable car c’est du savoir-faire, des artisans, pas des machines qui produisent. »
Des investissements à venir
Des embauches devraient suivre « la courbe de croissance de l’entreprise, on veut grandir sans trop grossir avec la volonté de maintenir le savoir-faire et la dimension artisanale » précise l’administrateur. Un plan d’investissement sur trois ans est en cours d’élaboration pour le budget 2026 « dans la limite d’une entreprise qui fait 10 millions de chiffre d’affaires. »
Pour augmenter la productivité, des réorganisations en interne sont envisagées en termes de flux de production pour optimiser l’espace dans cette usine de 8 000 m². « Il y a encore du potentiel avant d’envisager une succursale de l’autre côté de Saint-Léonard » assure Sébastien Cich. Et l’administrateur d’ajouter que compte tenu du label Entreprise du Patrimoine Vivant et de l’IGP Porcelaine de Limoges « la volonté de l’actionnaire n’est pas de démonter Coquet et de l’implanter en Inde. »
« Garder l’esprit du fait main »
Cette reprise satisfait les salariés à l’image de Léo Cochain, responsable du site depuis 2018. « On a connu le rachat par CELT, le Covid, beaucoup de péripéties et aujourd’hui, on est plutôt content. Un gros groupe nous rachète avec des ambitions d’investissements, de clarté sur ce qui va se passer. On garde le site industriel et les emplois, on continue à travailler dans la continuité de ce qu’on a mis en place depuis plusieurs années sur nos démarches de marque employeur, qualité et bien être au travail, notre identité aujourd’hui. Ce groupe est sérieux et organisé pour nous apporter ce qui nous manque sur l’administratif.»
Secrétaire du CSE, Magali Leblanc a intégré l’atelier décor voilà 2 ans après une reconversion. « On pense que c’est plutôt positif » relaye-t-elle, « c’est une grosse structure mais familiale, il vaut mieux ça que quelque chose de pas sérieux. Pour eux c’est mûrement réfléchi, ils veulent développer le lifestyle et ils veulent garder cet esprit de savoir-faire, de fait main, pas quelque chose d’industrialisé comme il y a dans certaines usines. »
Après avoir inauguré au printemps une nouvelle implantation au 41 Madison Avenue à New York et ouvert un corner au magasin Shinsegae Gangnam à Séoul, vitrine du luxe en Corée du Sud, JL Coquet lancera Studio Coquet en 2026, un laboratoire de création pour concevoir des pièces uniques avec les plus grands chefs.
