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Région Limousin
samedi 1 novembre 2025

Thomas Fleuret : graveur sur cuir à fleur de peau et ambassadeur des savoir-faire locaux

Ancien cuisinier, Thomas Fleuret a l’amour du geste minutieux, de la matière première de qualité et du circuit-court. « Tombé » un peu par hasard sur le cuir, il a trouvé dans la gravure contemporaine sur cuir et le gaufrage à froid, un savoir-faire ancestral qu’il est le seul à maitriser en Nouvelle-Aquitaine, le moyen d’associer ses convictions à ses aspirations artistiques.

Thomas Fleuret est un manuel et il en est fier. Si son parcours a emprunté différentes voies, il a pour point commun un savoir-faire manuel qu’il revendique haut et fort. Installé comme graveur et gaufreur sur cuir à Saint-Léonard de Noblat depuis quelques mois, il a commencé sa carrière comme cuisinier, formé au lycée Saint-Jean. Son BEP en poche, il va travailler dix ans comme saisonnier entre Palavas-les-Flot l’été et La Clusaz l‘hiver. Un métier d’exigence qui lui a appris la rigueur, la minutie et le respect des produits de qualité.

« J’avais déjà à l’esprit de sortir des assiettes qui avaient une « belle gueule » » se souvient-il en dégainant des photos de son smartphone, « j’ai toujours eu le souci du détail, le respect du produit de qualité et de la clientèle. J’ai croisé récemment une ancienne prof qui m’a rappelé mon côté artiste déjà à cette époque. » Mais il va tirer un trait sur la cuisine, déçu par des pratiques pas toujours éthiques à ses yeux.

L’ancien cuisinier va découvrir le travail du cuir : une révélation. Avec une amie, il participe à un stage de voltige cosaque à Carmeaux dans le Tarn il y a environ huit ans. Il découvre alors une matière qui ne le quittera plus. « Ces cavaliers avaient leur atelier de maroquinerie et ils m’ont proposé de travailler le cuir » se souvient-il, « j’ai fait ma première découpe, mon premier point de couture, mon premier col de cygne, ça m’a plu et de fil en aiguille, j’ai investi dans des outils pour réparer du matériel équestre. »

Des instruments bien spécifiques sous lesquels il ne vaut mieux pas laisser trainer ses doigts © Corinne Mérigaud

Cette troupe de voltige était en contact avec un sellier qui travaillait pour le cirque Alexis Grüss. Un jour, il reçoit un appel de Maud Grüss. Direction le cirque d’hiver à Paris. « Elle m’a apporté une selle d’Alexis ouverte en deux, il la lui fallait pour le spectacle du soir » raconte-il, « je suis resté un an à Paris à réparer leur matériel équestre… C’était une super expérience. » Thomas Fleuret a ensuite répondu à des demandes de réparation de sellerie automobile.

Du tannage à la gravure, techniques ancestrales et savoir-faire ultra-local

Natif de Feytiat, il décide de revenir au pays avant le Covid et choisit Saint-Léonard de Noblat pour s’installer. « Je suis cycliste, je faisais du vélo par là et j’ai gagné ma première course ici. Poulidor m’avait remis la coupe, je suis très attaché à Saint-Léonard. » Au volant d’un « food-truck », il va d’abord sillonner les routes pendant trois ans, puis tout arrêter pour reprendre le travail sur cuir en se spécialisant dans la gravure.

Très attaché à la qualité de la matière première, Thomas se fournit à la tannerie Bastin et Fils. « J’ai tout ce qu’il faut sur le territoire, à 2 km de chez moi, c’est de l’ultra local ! » explique-t-il, « le cuir que j’utilise vient à 100 % de chez Bastin et Fils qui appartient à Weston. La tannerie pratique le tannage végétal extra lent. Les peaux sont déposées dans des fosses, empilées façon mille-feuille, avec écorces de chêne, extraits de châtaignier et de quebracho, un arbre argentin riche en tannins. Elles vont y rester 8 mois. Au final, le cuir devient uniforme jusqu’à la tranche, ce qui lui permet de supporter la gravure et la technique du cuir repoussé, contrairement à un cuir minéral. » Ce type de cuir, traité avec des tannins végétaux, est idéal pour la gravure car le cuir est plus souple et malléable.

Artisanat en circuit ultra-court : pour les peaux sur lesquelles il travaille, Thomas Fleuret se fournit à la tannerie Bastin & Fils, à 2 km de chez lui ! © Brice Milbergue

Les outils permettent ensuite d’imprimer des motifs très précis sans le risque de déchirer ou d’abîmer la matière. Chaque pièce est unique, créée d’après un dessin du client ou Thomas s’en charge puis le client valide. Le dessin est transféré sur le cuir grâce à un stylet. Le cuir pleine fleur est ouvert à l’aide d’un couteau pivotant puis repoussé avec un matoir et un marteau. Chaque geste est exécuté avec minutie et rappelle celui du cuisinier dosant au gramme près chaque ingrédient de sa recette.

« Chaque geste est exécuté avec minutie et rappelle celui du cuisinier dosant au gramme près chaque ingrédient de sa recette. » © Emmanuelle Mayer

« L’idée c’est de faire sortir du cuir un motif en relief » indique l’artisan, « je veux moderniser ce savoir-faire du cuir repoussé en faisant des pièces contemporaines et éthiques tout en mettant en lumière la tannerie. Je respecte le travail fabuleux des employés. Ils font perdurer une technique ancestrale et aujourd’hui rare dans le monde. C’est un luxe d’avoir cette tannerie près de chez moi.»

200 h pour la signalétique de L’Escalier

Thomas Fleuret est attaché au savoir-faire et aux produits de qualité, un héritage de son passé de cuisinier et de convictions profondément ancrées en lui. « Ce territoire est riche, je veux le faire savoir » assure-t-il, « c’est une fierté pour moi d’être ambassadeur de la marque Limousin Nouveaux Horizons. » Il est le seul gaufreur sur cuir inscrit à l’Annuaire des métiers d’art de Nouvelle-Aquitaine et au Pôle des métiers d’art du limousin. Sa carte de visite est en un bel exemple, réalisée à partir de chutes, car il valorise chaque morceau en façonnant, par exemple, des bracelets personnalisables.

« Ce territoire est riche, je veux le faire savoir »

Sa première grande pièce lui a été commandée par la Confrérie de Saint Léonard et par la municipalité, et elle est exposée à Niedernkirchen en Bavière. Une autre de 1,40 m de haut et de 90 cm de large vient d’être accrochée dans les locaux du tiers-lieu local « L’escalier » pour servir de signalétique. « C’est plus de 200 heures de travail » estime l’artisan, « il fallait être hyper minutieux et rigoureux jusqu’au bout car la moindre erreur ne pardonne pas. »

Un plan sur du cuir, tanné et gravé en local, pour le tiers-lieu « l’Escalier » de Saint-Léonard © Thomas Fleuret

Un cuir brut pour le cluster ResoCUIR

Sa prochaine création, dont il nous a réservé la primeur, sera remise le 18 novembre au cluster régional ResoCUIR et accrochée dans leurs bureaux à Thiviers. Elle a été réalisée sur une peau brute, non battue, lors des Portes du Cuir organisées à Pau en septembre dernier. Il s’agit d’une œuvre collective créée à l’occasion des ateliers d’initiation à la gravure sur cuir que Thomas Fleuret avait animés. « C’était le fil de rouge de ces journées, une quinzaine de personnes ont apporté leur pierre à l’édifice comme l’ancien international de rugby Julien Pierre, l’invité d’honneur. » L’encadrement est en cours de fabrication par les élèves menuisiers du lycée Porte d’Aquitaine de Thiviers.

En exclusivité, la nouvelle création XXL de Thomas Fleuret : une carte pour le cluster « Resocuir » © Corinne Mérigaud

Très sensible aux synergies locales, Thomas a également réalisé une collaboration avec le porcelainier Carpenet, implanté également à Saint-Léonard, en créant une anse en cuir sur un panier de courtoisie. La céramique a été usinée localement par Ludovic Mallegol, « c’est l’un des seuls au monde à usiner la céramique cuite » signale-t-il, « avec ce projet, on a voulu associer tradition, savoir-faire ancestral et innovation. »

Il a présenté ce panier de courtoisie à des chefs lors de la dernière édition de « Toques et Porcelaine » Une initiative qui a débouché sur des contacts avec des restaurateurs lyonnais, limougeauds et nationaux. « Les chefs veulent valoriser des artisans qui ont un savoir-faire » constate-t-il. Il se dit ouvert à toute collaboration et « c’est encore mieux si elles sont locales. » Ses créations prestigieuses pour des maisons de luxe restent cependant confidentielles mais de beaux projets sont déjà en préparation.

Créations et collaboration avec d’autres artisans locaux, Thomas Fleuret marche sur la frontière entre artisanat et art © Corinne Mérigaud

Infos pratiques

Site web : www.thomasfleuret.fr

Visites sur rendez-vous et ateliers « Viens fabriquer ta ceinture » et prénom en duo parent-enfant. Tél. : 07 49 14 83 26 ou contact@thomasfleuret.fr

Corinne Mérigaud
Corinne Mérigaud
Journaliste Actus Limousin

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