« L’argent c’est le nerf de la galère » et un projet peut vite capoter faute de quelques milliers d’euros. « L’Oseille Citoyenne », association loi 1901 créée par des citoyens, soutient des porteurs de projets installés sur la Communauté de communes Porte Océane du Limousin. Les prêts à taux zéro leur donne un coup de pouce bienvenu pour se lancer !
Lancer son activité est un long parcours du combattant avec un passage obligé auprès des banques pour solliciter un prêt. A Saint-Junien, ce sont des citoyens qui financent depuis six ans des porteurs de projets qu’ils soient futurs agriculteurs, commerçants ou artisans.
« L’Oseille citoyenne » n’a pas d’équivalent en Limousin et elle commence à se faire un nom. « Le but est de constituer une cagnotte permettant d’attribuer des prêts à taux zéro destinés à favoriser la création d’activités de proximité en rapport avec des besoins non satisfaits et avec des valeurs éthiques tels que le maraîchage bio, l’artisanat, les énergies renouvelables, le commerce équitable et la culture » indique Michel Wouts, son président fondateur.
Au départ, l’idée d’une Cigale avait été privilégiée par cette dizaine de citoyens mais au final, c’est un autre concept qui a été retenu, inspiré d’une initiative mise en place à Châteauroux. « Nous sommes allés les voir, et leur fonctionnement était plus adapté par rapport à ce qu’on voulait faire » résume-t-il.
Des prêts de 4 000 € en moyenne
Le fonctionnement d’inspiration économie sociale et solidaire propose un mix entre micro-crédit, financement participatif et capital-risque. Le système est plus souple et avantageux qu’un prêt bancaire. Seul impératif : le projet doit se situer dans un rayon de 40 km autour de Saint-Junien, où est basé le siège social de l’association. « D’abord c’est un prêt à taux zéro, ensuite le remboursement peut être différé, par exemple, pour un maraîcher une fois sa 1ère récolte faite » explique-t-il. « Il n’y a pas de frais d’assurance, ni de frais de dossier. Ce n’est pas seulement un prêt, c’est aussi un suivi du porteur de projet dans la durée. Deux ou trois prêts peuvent également être accordés à la même personne. » Cette dernière peut aussi rembourser par anticipation, moduler ses échéances, voire solliciter un moratoire en cas de difficultés passagères pour payer ses mensualités.
En moyenne, les prêts s’élèvent à 4 000 € avec un maximum de 10 000 € et 48 mois sont accordés pour le remboursement. « A ce jour, nous avons déjà soutenu 38 porteurs de projet et accordé 43 prêts pour un montant total de 223 250 € » calcule-t-il, « nous avons fait aussi trois apports à des associations et pris des parts dans des tiers-lieu. »
« On ne s’interdit rien »
Actuellement, « l’Oseille » citoyenne compte une cinquantaine de membres et fonctionne sur un principe d’égalité. « Les décisions se prennent de façon démocratique selon le principe une personne, une voix quel que soit le montant apporté et à la majorité des votants » remarque-t-il, « on cherche toujours à ce que tout le monde soit d’accord. Si un projet est refusé car il est mal ficelé, on va en revoir en parler à nouveau. »
L’association est ouverte à toute personne altruiste, généreuse et qui cherche à soutenir l’économie locale. Une réunion a lieu tous les deux mois pour étudier les demandes de prêts. « Celles-ci sont en augmentation, deux projets sont à l’étude pour reprendre un restaurant à Saint-Junien et ouvrir une brocante » signale-t-il, « les dossiers seront étudiés en janvier. »
Ces prêts ont, par exemple, servi, à financer l’achat de matériaux pour la transformation de bâtiments, de machines propres à une activité (fromagerie, élevage de canards), de matériel informatique, ou pour équiper des installations agricoles (tunnel, séchoir, vitrine réfrigérée). « On ne s’interdit rien en termes de financements de projets, c’est vraiment au cas par cas dans le domaine agricole, artisanal, commercial, culturel même si pour l’instant, ce sont surtout des projets agricoles. Le bouche à oreille a bien fonctionné dans ce secteur. »
Quant aux adhérents, chacun apporte la somme qu’il peut et signe un contrat d’accord avec un droit de reprise. « Les montants varient de 100 € à 10 000 € et certains mettent de l’argent quand ils veulent soutenir un projet en particulier » explique-t-il. « Des porteurs projets qu’on a aidés nous ont aussi rejoints, cela nous conforte dans nos actions. Si un adhérent a besoin de son argent, on peut le rembourser par anticipation. On est des facilitateurs. »
Une toiture remplacée et des panneaux solaires qui vont rapporter
Certains porteurs de projet ont eu du mal à décrocher un prêt bancaire à l’image de Thibaut Giroir, maraîcher à Javerdat depuis maintenant six ans. Installé dans une petite ferme, il a lancé en complément une activité de volailles fermières, tandis que son épouse élève des brebis laitières. Par deux fois, il a fait appel à l’association, la première fois en 2023 pour aménager une réserve d’eau bâchée. « Sans irrigation, on ne peut pas avoir de production » assure le paysan, « c’était une priorité et j’ai obtenu 6 000 € pour cela. J’ai connu « L’Oseille citoyenne » par le réseau Saint-Junien Environnement et aussi parce que je suis cogérant d’un groupement forestier citoyen où beaucoup de gens de l’association se sont engagés. »
Alors qu’il comptait refaire la toiture de sa grange qui s’était effondrée, il a sollicité quatre banques avant d’essuyer quatre refus car ses revenus ont été jugés insuffisants. « Je voulais installer 72 panneaux solaires de 500W, EDF me garantit pendant 20 ans un revenu d’environ 6 000 € annuels grâce à la revente totale de la production électrique. Le projet était estimé à 65 000 € au départ mais des imprévus ont fait grimper la note à 90 000 €. »
En janvier 2025, dans l’urgence, il a sollicité à nouveau « L’Oseille citoyenne » pour trouver une solution rapide. « J’ai présenté mon projet et on m’a rapidement prêté 10 000 €, c’est le plus gros prêt qu’a fait l’association. Mon projet a semblé cohérent à leurs yeux. J’ai opté pour un remboursement annuel car EDF doit me faire un versement par an. Le reste des travaux a été autofinancé avec en complément des prêts de la famille et d’amis. J’ai aussi pu récupéré la TVA. J’ai établi une relation de confiance avec « L’Oseille citoyenne ». C’est une chance d’avoir ces prêts à taux zéro car on est peu suivi par les banques. »
La toiture a été remplacée et les panneaux solaires posés, il attend le feu vert du Consuel pour démarrer la production fin novembre, espère-t-il.
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