A Châlelus-le-Marcheix, les baby-foot « Loup Blanc » de Pascal et Géraldine perpétuent l’amour de la petite balle en liège

Le Limousin est vraiment une terre d’artisanat où l’on trouve des petites entreprises avec des savoir-faire rares. Le petit village de Châtelus-le-Marcheix, en Creuse, peut même se targuer de compter… un fabricant de baby-foot ! En poussant les portes de l’atelier « Loup Blanc » de Pascal Joulin, on replonge dans l’enfance avec le souvenir de ces interminables parties où fusaient « gamelles », « rateaux » et « demis » !

En 2008, Pascal Joulin, un restaurateur de meubles dans les Landes, et son épouse Géraldine décident de s’installer en Limousin. « On cherchait une position centrale pour des questions de transport » raconte-t-il,« nous avons prospecté à Meymac, à Ussel, à Argentat, dans le Cantal, et puis finalement, le maire de Bénévent-l’Abbaye nous a fait visiter un ancien atelier dans le centre de Châtelus-le-Marcheix en Creuse. Il y avait toutes les machines, un tas de sciure comme ça, c’était fermé depuis longtemps. Nous avons ensuite acheté les locaux d’un ancien transporteur où nous sommes installés encore, l’atelier étant plus grand. »

En 2012, un client lui demande s’il veut retaper son « baby-foot ». « C’est comme ça que tout a commencé » se souvient Pascal Joulin, « j’ai choisi d’en fabriquer dans un autre style comme les meubles en massif. » Les meubles anciens n’avaient plus la cote, le marché s’effondrait. Cette opportunité arrivait au bon moment pour rebondir. L’année suivante, il crée son entreprise qu’il dénomme « Loup Blanc », clin d’œil à son animal fétiche. « J’ai replongé dans ma passion d’ado en proposant des babys différents de ceux qu’on connaissait, un objet de déco que chaque client pourrait personnaliser. Rien de nouveau n’avait été fait depuis trente ans dans ce domaine, jusqu’à ce qu’on se lance.»

Tout a commencé avec la restauration d’un baby-foot… Pour redonner vie à un vieu « baby » Pascal Joulin démonte, rénove et répare toutes les pièces ! © Brice Milbergue

Pendant deux ans, ils vont enchaîner les salons en France et en Suisse. « Tout le monde était fasciné par nos babys mais il n’y avait pas de commandes derrière » relate Pascal. La notoriété de « Loup blanc » va décoller après la diffusion d’un reportage dans le 13h de Jean-Pierre Pernaut en décembre 2014. « Le reportage était à peine terminé que le téléphone sonnait et ça n’a pas arrêté de la journée » se souvient Géraldine, mais l’activité reste encore modeste. Alors pour se faire connaître des passionnés de « baby » sur un marché que « Bonzini » et « René Pierre « dominent depuis des décennies, Pascal Joulin a la bonne idée de faire profiter les autres de son savoir avec des tutos sur Youtube . « Dans les vidéos, je montrais comment restaurer un baby, et des centaines de passionnés vont alors se prendre au jeu » explique-t-il. Il se fait ainsi « un nom » dans le petit milieu du baby-foot et relance également la fabrication de pièces détachées.

Des monnayeurs d’origine sauvées du débarras ou pièces personnalisées, la vente de pièces détachées a permis à Pascal Joulin de se faire connaitre des passionnés de babyfoot © Brice Milbergue

Des baby-foot personnalisables à volonté !

L’activité de « Loup Blanc » est répartie autour de deux pôles : la restauration des babys anciens, et la fabrication de modèles personnalisés. « Nous sommes les seuls à proposer la personnalisation que ce soit les joueurs, les poignées, les balles, les tapis de jeu de différentes couleurs, les compteurs de points qui peuvent être en finition patiné, brossé, brillant ou pas, tout est personnalisable. » explique Géraldine, « nous avons été les premiers à lancer l’impression 3D des joueurs en partenariat avec la société corrézienne I3D Concept ». Côté budget, il faut compter un budget d’environ 2 500 € pour un baby en chêne massif Côté délai, il faut environ un mois pour la fabrication mais la liste d’attente est parfois bien remplie.

Sur un baby-foot « Loup Blanc », tout est personnalisable : les poignées, les balles, les compteurs de points et, bien sûr, les joueurs ! © Brice Milbergue

Si le baby-foot rassemble toutes les générations, les modèles Loup Blanc trônent fréquemment dans le salon comme un meuble. Quant aux joueurs, il n’y a pas vraiment de « profil-type ». « Avant, on jouait au café et comme il n’y en a plus… On me commande des babys personnalisés pour jouer dans son salon ! Il y a les nostalgiques mais aussi les jeunes, les entreprises, les gîtes, les hôtels, les restaurants, les résidences pour étudiants. J’en ai même fabriqué un pour une école primaire et 10 % ont été exportés dans l’Union européenne et en Suisse. » Pour s’adapter aux nouvelles demandes, Pascal Joulin utilise aussi du plastique recyclé, un matériau très résistant et bien adapté aux résidences étudiantes. « Cela permet de se diversifier du chêne massif, les deux matériaux que j’utilise aujourd’hui. ». Il faut compter environ 1800 € pour un modèle en plastique recyclé, pour un usage intérieur uniquement.

Un baby-foot « Loup Blanc » en chêne massif qui sera entièrement personnalisé selon les envies du client © Brice Milbergue

Dix couches de peinture pour durer longtemps

Géraldine qui a repris la suite est passée « maitresse » dans l’art de peindre les joueurs. « Il faut d’abord les sabler et les décaper pour une restauration. Pour les joueurs en alu, je passe une couche primaire à l’huile puis 4 à 5 couches de peinture à l’eau pour la couleur et 2 ou 3 pour le noir avec, en finition, un vernis brillant, mat ou satiné soit environ dix couches. » Elle reçoit parfois des commandes originales comme ces deux joueurs offerts aux témoins d’un mariage pour les remercier : une joueuse en jupe et un joueur aux pectoraux saillants. « Pour moi l’intérêt, c’est de ne jamais fabriquer les mêmes » insiste-t-elle.

Si certains pièces, comme les ressorts, vont être remplacées par des neuves, les joueurs d’origine sont entièrement décapés et repeints © Brice Milbergue

Après le Covid, les commandes de pièces détachées ont bondi, quand les « confinés » ont ressorti leur baby. Et si des projets de fabrication sont aussi arrivés en nombre, « j’ai donné la priorité à la restauration ce qui fait que je restaure encore des babys de cette période », signale Pascal Joulin. Depuis son installation, il ne compte plus les babys sortis de son atelier et estime le total à environ 150. « C’est grâce au bouche à oreille et au site web marchand, la médiatisation a aussi été forte suite au reportage de TF1. Un second a été diffusé il y a deux ans au 13 h de Marie-Sophie Lacarrau, cela a fait voir que nous étions toujours là. »

Dans l’atelier, deux vieux Bonzini des années 50 avec leurs traditionnels joueurs rouge et bleu attendent d’être restaurés. Une réfection complète à neuf pour un budget de 4 000 euros. Histoire de faire des râteaux et des pissettes pendant encore cinquante ans.

Des babys prestigieux pour Dior et des modèles adaptés aux joueurs en situation de handicap

La notoriété est le savoir-faire de « Loup Blanc » a bien vite dépassé les frontières du Limousin et Pascal Joulin a reçu des commandes prestigieuses comme celle de… Dior, la célèbre maison de haute-couture qui souhaitait organiser une soirée originale au Surf Club de Los Angeles, à la veille d’un défilé. Le délai était très court, ils ont eu deux mois pour fabriquer deux babys très haute couture et peindre les 44 joueuses réalisées en impression 3D métal, répliques d’un mannequin Dior des années 50. « Nous avons fini à 4 h du matin alors que le transporteur arrivait à 9 h » raconte Géraldine, « des « people » ont joué avec nos babys comme Johnny par exemple. Nous avons eu par la suite une deuxième commande de quatre babys que nous n’avons pas pu honorer faute de temps suffisant car celle est vraiment arrivée au dernier moment. »

Un baby-foot « custom » pour la maison de haute-couture Dior / Géraldine a peint à la main les 44 joueuses répliques d’un mannequin Dior des années 50 © Loup Blanc

Autre commande originale, celle pour le constructeur automobile Nissan relevait du défi technique : « Il fallait que le baby-foot rentre dans le coffre d’un pick-up Navara » rapporte Pascal, « ça tombe bien, on aime faire les moutons à cinq pattes. Il fallait présenter le 4X4 de façon originale et amusante, cela a plutôt bien fonctionné.» Pascal s’amuse aussi  à concevoir des babys prestigieux pour le plaisir, comme en 2018 avec ce modèle « Coupe du Monde » en hêtre massif, laqué aux couleurs de l’événement, et vendu en série limitée et numérotée pour un match de légende. Les joueurs Français arborent 2 étoiles en relief sur leur maillot et les adversaires un damier rouge et blanc. « Les mains courantes étaient couleur or et les compteurs de points étoilés ! »

Si ces modèles haut-de-gamme sont une belle preuve de l’étendue de son savoir-faire, Pascal Joulin aime avant tout le le défi technique que représente la fabrication d’un modèle « spécial ». L’une des réalisations dont il est le plus fier c’est sans doute ce baby qu’il a pensé pour les joueurs en situation de handicap : un baby-foot adapté aux joueurs en fauteuil et qui s’avère être un bel outil de rééducation. « Des joueurs valides et non valides peuvent ainsi jouer les uns contre les autres car l’empattement est plus large pour les personnes en fauteuil. Ce baby-foot a été d’abord testé par des ergothérapeutes du Centre de rééducation de Noth en Creuse, j’en ai fabriqué deux. » précise-t-il.

Un empattement plus large, une hauteur de caisse réduite et le tour est joué ! Ce modèle adapté aux personnes en fauteuils est utilisé en centre de rééducation © Loup Blanc

Le « Loup Blanc » continue de roder autour des babys pour s’assurer que les joueurs ne perdent jamais le goût de jouer !

Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site babyfootloupblanc.fr

Brice Milbergue
Brice Milbergue
Rédacteur en chef d'Actus Limousin
Quitter la version mobile