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Région Limousin
mercredi 10 décembre 2025

Au café Dégourdis, le personnel met les petits plats dans les grands avec un « petit truc en plus »…

Voilà près de six mois que le café inclusif « Dégourdis » a ouvert ses portes près de la BFM de Limoges. Un concept sans équivalent à Limoges, inspiré des cafés Joyeux, avec l’objectif de mettre le pied à l’étrier à des personnes en situation de handicap.

Une heure avant le « coup de feu », les employés s’activent pour que tout soit prêt à midi. Dans l’ambiance cocooning du café Dégourdis, chacun est à son poste pour accueillir les clients qui ont réservé et ceux qui vont pousser la porte sans réservation…

Alexandre, titulaire d’un CAP cuisine et d’une mention complémentaire desserts à l’assiette, est en train de préparer le dessert du jour un cheese-cake à la mangue. Si ce projet a vu le jour, c’est grâce à lui. Ce concept de café inclusif a été imaginé par sa mère, Carole Texier, qui s’est inspirée du « Café Joyeux ». « Mon fils qui est âgé de 24 ans a un trouble autistique et je réfléchissais, depuis plusieurs années, à sa place dans le milieu professionnel » raconte-t-elle, « j’ai alors décidé de créer une structure comme le Café Joyeux. »

Alexandre en pleine confection du dessert du jour : cheese-cake à la mangue, miam ! © Corinne Mérigaud

Elle a fondé, en 2019, l’association « Initiative Emploi Handicap » pour trouver une insertion à son fils. Son projet va être ralenti par le Covid, et elle s’apprêtait même à y renoncer faute de locaux, lorsque la Ville a lancé un appel à candidature pour l’ancienne brasserie de la BFM en centre-ville de Limoges. Son projet a alors été retenu. « Le café Dégourdis est un tremplin pour l’insertion et pour trouver un emploi en milieu ordinaire » précise Carole, « il peut changer le regard du public et des professionnels sur des personnes motivées, engagées et qui ont des compétences. »

Des locaux insonorisés et du matériel adapté

Six mois après son ouverture, Dégourdis se débrouille plutôt bien avec dix personnes embauchées, dont huit en situation de handicap encadrées par Edna. « Il y a encore des petites choses à améliorer mais les gens sont contents » constate Carole Texier, « on pensait proposer un service au comptoir et finalement, les clients sont servis à table. L’équipe apprécie l’ambiance calme. Les locaux sont insonorisés, les meubles sont en velours pour absorber le bruit et nous avons remplacé le revêtement de sol qui était bruyant pour des personnes hypersensibles. »

Les locaux ont été adaptés pour être moins bruyant, le résultat est chic et lumineux ! © Brice Milbergue

En cuisine, du matériel adapté a été acheté comme un four avec des pictogrammes. Pour réduire les risques au maximum, il n’y a pas de friteuse et la cuisson est électrique. Dans l’équipe, une majorité de personnes sont diagnostiquées autistes ou avec un trouble du neurodéveloppement. Sept employés ont signé un contrat à temps partiel et sont épaulés par des bénévoles et des stagiaires.

« Une personne m’a reconnu et félicité »

Alexandre travaille 35 h par semaine du mardi au samedi. Alors qu’il attend que sa crème monte pour finir les cheese-cake, il revient sur son parcours. « J’étais encore scolarisé et je cherchais déjà un endroit qui me pourrait me convenir » raconte-t-il, « ma mère a travaillé cinq ans sur ce projet de café inclusif pour des personnes autistes et trisomiques. » Alexandre a bien effectué des stages en EHPAD, dans des restaurants et dans des pâtisseries locales mais « il n’y a pas eu de proposition d’embauche derrière.»

Aujourd’hui, il a trouvé le lieu idéal pour exprimer ses talents de pâtissier. « Je prépare les cookies, le tiramisu que les clients adorent, les cheese-cake, le dessert du jour, j’embauche à 8h et il faut que tout soit prêt à midi. » Son collègue alternant l’aide pour préparer la mousse au chocolat et les muffins. « Cela permet de faire plus de propositions sur la carte. Comme il était au lycée Saint-Jean avec moi et qu’il est aussi autiste, c’est un partenaire en qui j’ai confiance. Il est plus expérimenté que certains de mes collègues donc ça me fait moins stresser car je peux compter sur lui. » Quant à son handicap, il passe inaperçu pour les clients. « En sortant du travail, une personne qui m’avait vue dans un magazine m’a reconnu, il m’a félicité et j’ai été très flatté. »

« Des personnes très motivées qui aiment ce qu’elles font »

Juline termine la mise en place de la salle avant que n’arrivent les premiers clients. Titulaire d’un CAP petite enfance et d’un Bac Pro Services aux personnes et aux territoires, elle a dû renoncer à son métier après quelques mois d’activité. « Je suis contente de travailler ici, avec les clients ça se passe très bien » se réjouit-elle, « ils sont heureux d’être là, c’est un concept nouveau qui leur plaît. Et mes collègues sont bienveillants.»

Juline est contente d‘avoir pu rebondir après un échec professionnel © Corinne Mérigaud

Pour son bien-être, la jeune femme de 23 ans travaille 12 h par semaine à raison de 4 h par jour. « Je voulais travailler dans le domaine de la petite enfance, c’était mon rêve, mais cela a été compliqué avec les enfants et ma conseillère m’a dirigée vers ce poste. J’avais déjà une première expérience de serveuse à l’école primaire d’Isle. » Cet emploi lui permet de s’insérer dans la vie active et d’apprendre un nouveau métier tout en travaillant à son rythme. « Douze heures par semaine, cela me convient très bien car sinon, je serais trop fatiguée après le service. Il y a le bruit et cela me demande de l’énergie car il faut faire attention à l’environnement. »

C’est Edna qui est responsable de l’établissement, tandis qu’en cuisine l‘équipe est encadrée par Bastien, qui travaillait auparavant dans les restaurants d’Anne Alassane. Il n’est pas là par hasard, il a candidaté à ce poste. « Je connaissais ce projet et comme j’avais travaillé avec des personnes en situation de handicap, je trouvais ce concept agréable » explique-t-il, « j’ai envie de donner du savoir à des jeunes. »

Derrière les fourneaux, le chef Bastien apprécie la motivation de l’équipe © Corinne Mérigaud

Le chef apprécie ce contact particulier même si cela lui demande de s’adapter à leur rythme. « Ces personnes en situation de handicap ont autant de capacités que les autres voire même plus car elles ont surtout l’envie d’être là et de travailler. Elles sont très motivées et aiment ce qu’elles font. Cependant, l’apprentissage est plus long à cause de leur handicap, il faut passer plus de temps auprès d’eux, répéter plus longtemps les choses. »

Malgré tout, il a trouvé au café Dégourdis une équipe soudée et volontaire, toujours prête à retrousser les manches pour donner le meilleur d’elle-même. « Au final, ça le fait à condition de prendre le temps mais j’étais conscient du challenge dès le départ. » S’il a bien trouvé sa place auprès des jeunes, il estime que quelques points restent encore à ajuster au niveau de la carte. La recette a déjà été trouvée pour que cette adresse devienne incontournable avec des plats préparés maison et des produits de saison. Le gros truc en plus de Dégourdis !

Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site degourdis.fr

Du concept de base aux tabliers personnalisés, le projet « Dégourdis » a été pensé sous tous les angles © Brice Milbergue
Corinne Mérigaud
Corinne Mérigaud
Journaliste Actus Limousin

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