Depuis 30 ans, l’Espace Paul Rebeyrolle abrite un fonds de plus de 80 œuvres consacrée au peintre originaire d’Eymoutiers. Après Picasso, Miro ou Dubuffet, l’exposition temporaire de cette année est dédiée à « l’enfant du pays » et permet de découvrir certaines de ses œuvres qui n’ont jamais été exposées. Une belle occasion de se plonger dans l’œuvre puissante d’un peintre souvent méconnu sur ses terres…
Pour fêter ses trois décennies, l’Espace Paul Rebeyrolle d’Eymoutiers consacre son exposition temporaire à celui qui fût à l’origine du lieu : le peintre Paul Rebeyrolle, originaire de la cité pelaude. Un an avant le centenaire de l’artiste, né en 1926 et décédé depuis vingt ans, cette exposition intitulée « On dit qu’il a la rage » regroupe une cinquantaine de tableaux prêtés par des collectionneurs et des galeries. Les visiteurs vont y découvrir l’œuvre d’un artiste singulier à travers certaines séries importantes qu’il a peintes entre 1967, avec « Guérilleros », et jusqu’en 2003, avec « Clones ». A la fois rares et puissantes, ces toiles sont très représentatives de sa peinture naturaliste et engagée.

Inauguré le 24 juin 1995, le bâtiment qui accueille un fonds permanent de l’artiste a été conçu au service de son œuvre. Ainsi, les dimensions des murs ont été étudiées pour accrocher des toiles dont les formats sont relativement imposants, de plusieurs mètres en longueur et en hauteur. « Le projet a démarré en 1992 avec ce lien très fort entre le bâtiment et ses œuvres » explique Caroline Maury médiatrice culturelle, « il y a aussi un jeu de contrastes fort entre la clarté de l’intérieur et le côté massif de l’extérieur. Paul Reberyolle voulait créer un effet de surprise avec une lumière naturelle abondante dès qu’on franchirait la porte de ce lieu aéré. Il voulait également qu’il soit indatable. Cette boîte en bois alignée sur les quatre points cardinaux a été pensée avec une salle centrale autour de laquelle les visiteurs vont tourner. » Ses parois hautes de 7,20 m permettent d’accrocher des tableaux de très grand format. La hauteur moyenne des autres salles atteint 4,80 m. A l’entrée, les visiteurs sont accueillis par l’imposant tableau intitulé « Planchemouton » haut de 4,20 m et long de 14,34 m.


La construction fait la part belle au bois de pays, essentiellement le mélèze utilisé pour réaliser l’ossature, la charpente, la toiture et la façade.
« Un lieu de résistance culturelle »
L’architecte Olivier Chaslin avait été sollicité par le peintre. Lors de leurs nombreuses rencontres, ils ont réfléchi ensemble à la structuration du futur espace. « Nous avons eu, dans son atelier ou dans le mien, entourés de peintures ou autour de maquettes, ou bien encore à table, partageant bons plats et bonnes bouteilles, de nombreuses conversations d’une nature qui n’aurait pu être traduite, par exemple, dans le programme d’un concours d’architecture » relate-t-il. « Ces conversations portaient sur l’esprit du projet, sur les rapports que l’espace, par ses parois, par sa lumière, entretiendrait avec la peinture, sur la nature des parcours et sur l’image brute et sans clinquant, sans particulière séduction, que devrait offrir le bâtiment. Il me transmit également l’idée suivante : ce devait être un lieu de résistance culturelle, un bastion. »

L’ancien site industriel qui a été retenu à l’entrée de la ville, était auparavant occupé par les locaux de l‘entreprise frigorifique Kofyan, près du ruisseau Planchemouton, un site alors en friche lors de leur réflexion. C’est d’ailleurs dans ce cours d’eau que les cendres du peintre ont été déposées. « L’ancien maire Daniel Perducat voulait absolument que ce musée ouvre et il a réussi à convaincre mon père qui n’était pas du tout convaincu au départ » se souvient sa fille Nathalie Rebeyrolle. « L’Association des amis du musée Rebeyrolle s’est alors montée autour du projet. » Depuis 1996, une exposition temporaire a été organisée chaque année. Quelques 250 000 visiteurs sont venus admirer des œuvres de Picasso, Chagall, Dubuffet, Pol Bury, Ernest Pignon-Ernest, Miro ou encore Erro.
Une peinture naturaliste avec des matériaux recyclés
Décédé en 2005 à l’âge de 78 ans, Paul Rebeyrolle est considéré comme l’un des peintres français les plus importants de sa génération. Sa peinture est qualifiée de naturaliste avec souvent des matériaux qu’il collecte, recycle et détourne comme, par exemple, la terre, des cendres, la paille, des crânes de moutons, du bois, de la ferraille, du carton, des lampes… qu’il incorpore sur de grands formats comme pour immerger le spectateur dans la nature.

Des branches sortent de la toile comme si l’arbre continuait de pousser dans un cadre devenu trop petit. « Il était impressionné par les toiles qu’il avait vues lorsqu’il allait au Louvre tous les dimanches » raconte sa fille, « c’est là qu’il a découvert tous les grands maîtres anciens. Il avait également visité le musée du Prado et admiré les tableaux des grands peintres espagnols. On peut dire qu’il a appris en absorbant tout ce qu’il avait vu. »
On dit qu’il a la rage… retour sur l’œuvre d’un peintre engagé
Pour l’anniversaire de l’Espace Rebeyrolle, les visiteurs peuvent donc se plonger dans l’œuvre de « l’enragé » jusqu’au 30 décembre. Son engagement politique est évoqué au travers de sa première série « Guerilleros » dont quelques toiles sont présentées. Le chien, métaphore du prisonnier, émaille aussi son œuvre notamment dans cette série intitulée « Les prisonniers » en 1972. Il aborde la thématique de la résistance contre l’isolement, contre la torture, contre l’oppression et l’aliénation de l’homme par l’homme. Avec son tableau « Le Cyclope », il évoque la résistance face à l’occupant allemand incarnée localement par le Préfet du maquis Georges Guingouin.

Sa série peinte dans les années 80 « On dit qu’ils ont la rage », dont est inspiré le titre de l’exposition, est davantage colorée avec l’emploi de nouveaux matériaux. Quatre tableaux sont ainsi dévoilés sur le thème de l’exclusion et de l’enfermement. Dans la décennie 1980-1990, il signera les séries « Au royaume des aveugles » et « Les Panthéons », une critique en règle du pouvoir et des hommes qui l’incarnent.

Viendront ensuite celles consacrées au monétarisme qui dénonce le pouvoir de l’argent et « Clones » dans les années 2000 où il s’en prend aux dérives de la science. Le paroxysme de la violence est atteint avec sa dernière série « Autophages » peinte en 2004.
Il va sans dire que certaines œuvres de Paul Rebeyrolle ne mettront pas tout le monde à l’aise mais il se dégage une telle puissance de son travail que cette exposition « On dit qu’il a la rage » mérite vraiment le coup d’oeil. Après avoir exposé dans le monde entier, de Paris à New-York en passant par Londres, Zurich, Milan, Oslo ou encore la Havane, le regretté Paul Rebeyrolle a encore des émotions à transmettre aux habitants de sa terre originelle…
Appel aux dons pour sauver le musée
Depuis le début de l’année, l’Association gestionnaire du musée a été reconnue organisme d’intérêt général. Les donateurs peuvent donc bénéficier d’une réduction d’impôt équivalente à 66 % pour les particuliers et à 60 % pour les entreprises. Un « coup de pouce » bienvenu pour ce musée qui a vu sa fréquentation diminuer de 15 % en 2024 alors qu’il accueille habituellement quelques 8 000 visiteurs par an. « Nous lançons un appel aux dons et au mécénat car nous n’avons pas de vision au-delà de la fin de l’année » signale Nathalie Rebeyrolle, « faute de moyens, nous ne pouvons pas faire de projets pour 2026. L’aide aux emplois associatifs de la Région de 26 000 euros a été supprimée en 2023 et cette année la Région a encore supprimé 15 000 euros. On ne peut pas fonctionner avec un budget de 71 500 euros. » La pérennité du musée est donc remise en cause pour l’année prochaine.
Pour soutenir le musée, une petite visite sera un bon premier pas, et si vous souhaitez faire un don, rendez-vous sur le site de l’espace Paul Rebeyrolle.
Infos pratiques
Site web : espace-rebeyrolle.com
Ouvert tous les jours de 10h à 19h de juin à août, de 10h à 18 h de septembre à novembre et de 10h à 17h en décembre.
Prix d’entrée : 7 € / Tarif réduit et groupes : 5 € / Gratuit pour les moins de 12 ans. Entrée gratuite le premier dimanche du mois (sauf septembre).
Ateliers arts plastiques les 10, 17, 24, 31 juillet, 7 et 14 août à 14h30 sur réservations au 05 55 69 58 88 (Enfant 6 €, adulte 7 €).