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Région Limousin
vendredi 29 mars 2024

Pommes du Limousin : une AOP précieuse mais une production modeste et qui tarde à se convertir au « bio »

La récolte des pommes a commencé en Limousin, 1er terroir de production de pommes labellisé par une Appellation d’Origine Protégée. Après une année encore marquée par un climat bouleversé, la pomme limousine semble toujours sur le fil du rasoir…

Si dans les grandes régions viticoles la rentrée marque généralement le début des vendanges, en Limousin, c’est la récolte des pommes qui occupe les travailleurs saisonniers et étudiants en quête de quelques deniers supplémentaires avant l’automne. Sur la zone principale de la production limousine, c’est quelques 3000 postes qui sont à pourvoir pendant la durée de la récolte qui peut s’étaler sur 1 mois.

L’année 2022 a été marquée par des phénomènes climatiques exceptionnels (gelées tardives, canicule, sécheresse…) et la récolte 2022 s’annonce plus maigre de 30% à 40% par rapport aux rendements optimaux des vergers limousins. Les fruits sont souvent plus petits que certaines années mais ils sont très fruités et de nombreux pomiculteurs étaient loin d’espérer cela au moment des gelées printanières sur les pommiers en fleurs.

Le Limousin, un petit poucet de la pomme mais la 1ère AOP de France

La pomme fait bien sûr partie des fruits traditionnels de la gastronomie limousine et si la flaugnarde est originaire du coin c’est bien que ça fait un moment que la pomme traine dans les gardes-mangers de nos campagnes.

Labellisée AOC en 2005 puis AOP en 2007, la golden du Limousin est nationalement reconnue et se trouve sur la majorité des étals fruitiers tout au long de l’année. C’est la 1ère pomme labellisée AOP de France et l’une des seules, avec la Golden des Alpes de Haute Durance, à bénéficier de la célèbre étiquette qui distingue les meilleurs terroirs français.

La production limousine est pourtant loin d’être la plus importante de France. Avec environ 2200 hectares dédiés aux pommiers et une production fluctuant entre 40 000 et 80 000 tonnes selon les années, le Limousin ne représente que 5% de la surface et 3% du volume de la production françaises de pommes. On est donc bien loin des plus de 200 000 tonnes de pommes du Tarn-et-Garonne ou des 160 000 tonnes de pommes du Vaucluse…

C’est sur le département de la Corrèze que se trouve le « gros » de la production avec une trentaine de milliers tonnes sur 1700 hectares contre 12 000 tonnes sur 511 hectares en Haute-Vienne (chiffres 2020 – Agreste). La Creuse a une production presque anecdotique en comparaison à ces 2 voisins (1000 tonnes sur 56 h).

La production de pommes limousines est relativement restreinte à la zone de l’AOP à cheval entre Corrèze et Haute-Vienne et qui englobe une centaine de communes autour de Lubersac/Arnac-Pompadour.

© https://www.pomme-limousin.org

Les dernières années n’ont pas été brillantes pour les pomiculteurs limousins qui affichent un rendement inférieur à la moyenne nationale. Mais Agreste, l’institut statistique dédié à l’agriculture, prévoit une production 2022 dans la moyenne des dernières années et probablement supérieure à l’année 2021 marquée elle aussi par les gelées printanières.

Mangez des pommes ! D’accord Monsieur, mais des pommes bios…

Fruit de garde par excellence, la pomme a l’avantage de prolonger un peu les plaisirs fruités de l’été jusqu’au cœur de l’hiver. Quand les fraises, abricots et pêches de France désertent les étals des primeurs pour la moitié de l’année, la pomme sort de sa réserve. L’essentiel de la production annuelle de pommes est écoulé entre les mois d’Octobre et d’Avril. Mais la pomme a perdu de sa superbe ces dernières années et la consommation est en berne…

Dans un éclair d’opportunisme politique, Jacques Chirac avait fait sien le slogan « mangez des pommes ! » pendant la campagne 1995. Les dessous de cette histoire sont rocambolesques : du simple habillage avec des points rouges d’un arbre un peu terne sur une affiche de campagne, Jacques Chirac avait réussi à surfer sur un slogan de ralliement populaire symbolisant un attachement à la terre que l’ancien président n’a eu de cesse de cultiver.

Et cet éclair de génie politique avait aussi redonné une image de premier plan à la pomme. Mais la prise de conscience écologique croissante de la population, notamment en ce qui concerne la production alimentaire, a jeté l’opprobre sur une production de pommes considérée comme la plus polluante de toute les productions fruitières.

Si la pomme reste bien le fruit le plus consommé en France, ses vertus légendaires (« an apple a day keep the doctor away » – « une pomme par jour éloigne le médecin ») ont été sérieusement mises en doute par les études sur les doses de pesticides présents dans les fruits et légumes.

De plus en plus de pomiculteurs limousins font le choix de la conversion « bio », surtout en Haute-Vienne, mais la proportion reste encore faible et la rentabilité des investissements nécessaires à une production plus vertueuse devient de plus en plus compliquée avec des récoltes impactées par le changement climatique. C’est un constat triste mais ceux qui font l’effort de minimiser leur impact environnemental ne sont pas vraiment récompensés par Mère Nature.

Sur le Limousin, la production « bio » des pommes représente aujourd’hui :

  • 7.5% de la production corrézienne (128 hectares)
  • 33% de la production haut-viennoise (172 hectares)
  • 20% de la production creusoise (11.6 hectares)

Certes, c’est 10 fois plus qu’il y’a 10 ans mais encore bien insuffisant pour rassurer des consommateurs et des riverains inquiets par la quantité de produits chimiques, aux effets douteux sur le corps humain, utilisés pour produire des belles pommes, aussi belles que celle qu’offre la Reine jalouse à Blanche-Neige…

La principale production fruitière du Limousin est donc dans une situation compliquée entre des récoltes de plus en plus incertaines et une pomme Golden qui, bien que labellisée AOP, n’a plus le lustre d’antan face aux autres variétés…

« Mangeons des pommes ! », ça fera du bien à l’économie locale mais « bio » tant qu’à faire histoire que ça fasse aussi du bien à notre corps !

Sources :

« Cultures Fruitières 2000-2020 » – Agreste, Statistique agricole annuelle

« Les chiffres-clés de la filière Fruits & Légumes frais et transformés en 2019 » – France Agrimer

« Historique détaillé des surfaces, cheptels, et nombre d’opérateurs par département » – Agence Bio sur data.gouv.fr

Association Pomme du Limousin – www.pomme-limousin.org

Brice Milbergue
Brice Milbergue
Rédacteur en chef d'Actus Limousin

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