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mardi 23 avril 2024

La Creuse veut se lancer dans la noisette, coup de génie ou idée à la noix ?

Au micro de nos confrères de France Bleu Creuse, le président du syndicat mixte Est Creuse, Vincent Turpinat, a dévoilé le projet de création d’une filière de la noisette sur le département. Une production nouvelle mais plutôt logique et qui pourrait offrir des débouchés intéressants avec des clients industriels locaux, à la condition que les ressources en eau soient suffisantes notamment pour le démarrage.

Inévitablement associée à l’image de l’écureuil, la noisette est un petit fruit connu de tous et qui est utilisé dans la confection de nombreux gâteaux et autres sucreries. Et alors que l’un des produits les plus emblématiques du département de la Creuse est justement un gâteau à base de noisettes, « le Creusois », la production locale est quasi inexistante (15 tonnes en 2020).

C’est la Turquie qui est au 1er rang mondial avec, sur une année normale, une production de de 800 000 tonnes de noisette, loin devant l’Italie (130 000 tonnes). La grande majorité de la production mondiale de noisettes est utilisée pour fabriquer… de la pâte à tartiner ! Mais depuis quelques années, les principaux producteurs doivent faire face au balanin, un insecte ravageur qui creuse les noisettes, et au changement climatique qui perturbent la production.

En France, la coopérative UNICOQUE a accéléré le développement de la production de noisettes depuis une dizaine d’années notamment dans le département du Lot-et-Garonne (50% de la production nationale) et du département voisin du Tarn-et-Garonne (20%). De 8000 tonnes en 2012, la production nationale est passé à plus de 48 000 tonnes en 2020 avec des rendements de l’ordre de 5 à 10 tonnes par hectare. (source Agreste)

L’idée de développer la culture de la noisette en Limousin n’est pas nouvelle puisqu’en 2018, Jean-Paul Barrier, un ancien expert d’institutions internationales revenu au pays pour y passer sa retraite, avait mené une étude sur le sujet et créé « l’association Casse-noisettes » pour promouvoir cette production auprès des agriculteurs et des instants locales…

Développer une filière creusoise complète mais une production relativement modeste

Depuis 3 ans, le syndicat mixte Est Creuse travaille sur un projet de création d’une filière de la noisette sur le département et a déjà réussi à convaincre une dizaine d’agriculteurs et d’investisseurs de se lancer dans l’aventure. Pour l’instant, une centaine d’hectares propices à la plantation de noisetiers ont été repérés mais il faudrait atteindre 200-250 hectares pour pouvoir lancer une filière complète avec la création d’une coopérative pour mutualiser les machines pour récolter, casser et préparer les noisettes pour la consommation.

L’objectif n’est cependant pas de recouvrir la Creuse de noisetiers, la majeure partie du département ne serait d’ailleurs pas propice à cette culture, mais bien proposer un peu de  diversification dans la production agricole creusoise. Avec un rendement moyen de 7.5 tonnes/hectare, la Creuse pourrait atteindre rapidement le 3ème rang national si l’objectif des 250 hectares est atteint. Pour les modes de production, les futurs producteurs creusois envisageraient aussi bien le mode dit « conventionnel » (celui avec des traitements…) que l’agriculture biologique.

Pour évaluer la faisabilité et la pertinence du projet, Est Creuse Développement a envoyé une délégation composée d’agriculteurs, de techniciens et d’élus faire un voyage d’étude en Italie, dans la région d’Alba où l’on produit la noisette IPG « Nocciala del Piemonte ». Ils ont pu y visiter une coopérative et rencontrer un producteur en agriculture biologique.

Des débouchés potentiellement intéressant, mais un contexte climatique incertain

Si pour l’instant rien n’est acté, le développement de cette filière de la noisette creusoise pourrait intéresser 2 entreprises industrielles installées en Creuse :

  • la pâtisserie « Les Comtes de la Marche » qui produit notamment le fameux gâteau « Le Creusois » dans son usine de La Celle-Sous-Gouzon,
  • l’entreprise « Jean Hervé« , créé en 1976 par l’un des pionniers du bio et qui s’est installé à Boussac depuis 2017 avec une unité de production de 3 300 m² pour y produire sa gamme sucrée (pâte à tartiner, poudres de noisettes, pralin etc…) vendue dans les magasins bio en France et en Europe.

Il y’a fort à parier que ces deux entreprises seraient intéressées pour s’approvisionner auprès de nouveaux producteurs locaux. Si l’implantation de la culture de la noisette prend en Creuse, la filière pourrait même à terme viser une « Indication Géographique Protégée ». Affaire à suivre donc mais il est fort possible que, à la façon de la mode des « colas » locaux il y’a quelques années, vous retrouviez un « nutella creusois » sur la table du petit-déjeuner lors de vos escapades en Creuse dans quelques années.

Tous les feux peuvent donc sembler au vert si ce n’est le risque accru de sécheresse et les changements climatiques dont nous sommes les témoins ces dernières années et en particulier ces derniers mois. Car comme toute production agricole, la culture de la noisette requiert d’avoir recours à un système d’irrigation contrôlée et donc de disposer de ressources en eau suffisante. Or la Creuse est dans une situation hydrique critique et, sans changement majeur dans les semaines à venir, s’oriente vers une année 2023 très compliquée.

Conscients du problème, les porteurs du projet réfléchissent, avec les services de l’État et la chambre d’agriculture, à des solutions et semblent avoir trouver en Italie des exemples où le recours à l’irrigation n’aura été nécessaire que pour le démarrage de la culture, la production se faisant par la suite sans adjonction d’eau…

 

Si vous souhaitez en savoir plus sur la production et l’utilisation de la noisette dans le monde, vous pouvez revisionner le reportage « La Noisette, le casse du siècle » sur le site de France TV.

© France TV

 

Un petit bémol cependant : actuellement, en raison d’une surproduction mondiale et d’une forte baisse de la consommation, les producteurs de noix de Corrèze n’arrivent pas à écouler leur production et risquent fort de perdre toute leur récolte de l’année passée à moins de payer pour pouvoir la conserver dans des bâtiments tempérés en raison des températures élevées de cet hiver 2023.

 

Brice Milbergue
Brice Milbergue
Rédacteur en chef d'Actus Limousin

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