Alors que la saison de la récolte de la noix s’est achevée en Corrèze, nous sommes allés au « Moulin de la Vie Contée », près de Turenne, pour découvrir un processus traditionnel : la production d’huile de noix, à la meule et au chaudron. Rencontre avec Cyrille et Anne qui ont repris la ferme familiale à Ligneyrac, en « Basse-Corrèze », pour devenir nuciculteurs, une histoire de passion et de patience…
Les noyers s’étendent à perte de vue, à Ligneyrac dans le petit hameau de Sabazot. Ici, perché sur les hauteurs de la vallée de la Dordogne, les vergers bénéficient d’une vue plutôt agréable, avec le château de l’ancienne vicomté de Turenne, l’un des « Plus beaux villages de France », est en ligne de mire. C’est là, sur ces hauteurs, que se sont installés Cyrille Abonnel et Anne Jaubertie, dans ce qui était encore – il y a une dizaine d’années – une porcherie. « La ferme appartenait à mes parents. Ils avaient des vaches, des veaux, des cochons et en parallèle des vergers de noyers. Quand est arrivée l’heure de la retraite pour eux, la question s’est posée de reprendre l’exploitation. On a décidé de se spécialiser dans la production d’huile de noix », retrace Anne devant le bâtiment en pierres jaunes devenu aujourd’hui moulin.

Ingénieur hydraulique EDF pour le développement des énergies renouvelables en mer puis chez Enedis à Bordeaux, Cyrille décide d’arrêter sa carrière et se lance dans une formation d’école de commerce tout en découvrant la noix dès 2016. « Je n’étais pas du tout du monde agricole, je ne connaissais pas ça », raconte-t-il avec du recul. Et en 2018, le « Moulin de la Vie Contée » est opérationnel. « On a trouvé le moulin à une heure d’ici près de Sarlat », retrace le couple en nous amenant découvrir la transformation du petit cerneau.
De la Marbot et de la Franquette
Sur l’exploitation, deux variétés sont cultivées : la Marbot, une variété née ici en Basse-Corrèze ; et la Franquette, très connue en France. « Les noix sont tombées fin septembre début octobre, on les ramasse puis elles sont lavées à l’eau, puis partent dans une trémie où elles sont frottées entre elles et triées », décrit la nucicultrice. Au « Moulin de la Vie Contée », il y a pas moins de 1 000 noyers, plantés il y a une dizaine d’années en respectant le cahier des charges imposé par l’AOC Noix du Périgord. Place ensuite à la partie séchage dans le bâtiment de l’autre côté du petit chemin. Ici, les noix sont séchées durant 72 heures à 27° C, avant d’être triées par diamètres de calibrage.

Anne et Cyrille s’avancent vers une grande machine qui s’élève jusqu’au toit du bâtiment. Voici venu le moment tant attendu du cassage. C’est donc cette énoiseuse qui vient casser les coquilles (ces dernières finiront d’ailleurs en combustible pour les chaudières des maisons alentours). Patiemment récupérés à la main, les cerneaux eux vont continuer leur route vers le moulin.

Une meule, deux presses et un chaudron…
Au centre de la magnifique grange-étable en pierre du XIXe siècle se trouve la pièce ou plutôt les pièces principales du processus de fabrication de l’huile de noix : une meule en granit du Berry posée sur son « dormant » (la pierre horizontale), un chaudron en fonte et deux presses en fonte des années 1920. C’est donc dans cet espace que le cerneau devient précieux liquide, comme l’explique Anne : « On fait des pressées de deux fois quinze kilogrammes. La meule écrase la noix et ça forme une pâte. » C’est cette pâte jaunâtre qui est ensuite chauffée dans le chaudron.

La pâte chauffée est ensuite pressée et libère l’huile qui s’écoule lentement. Anne poursuit ses explications : « Pour faire un litre d’huile, il faut environ 4 kg de noix, soit 1,8 kg de cerneaux ». Trois températures de chauffe différentes permettent d’obtenir des goûts variés :« Entre 70 et 90°, on retrouve le goût de noix, c’est notre huile appelée Adorée. Au-dessus de 100°, on sent des arômes, c’est la Mordorée. » L’huile décantera ensuite durant deux à trois semaines. « Ce qui reste dans la machine, on appelle ça des tourteaux. On le tamise et on le commercialise en farine de noix. » conclut Anne.

Entre Collonges-la-Rouge et Turenne, le Moulin de la Vie Contée profite du tourisme. Des visites du site sont proposées toute l’année. « On ne veut pas se contenter de la production », terminent les Corréziens qui travaillent avec des restaurateurs et épiceries locales. Ils avancent que « 60 % des ventes se font ici ». Chaque goutte d’huile raconte donc une histoire : celle d’un terroir, d’une passion, et d’un couple qui, à force de patience et de savoir-faire, fait perdurer la tradition de la noix en Corrèze.
Pour les trouver et découvrir leur large gamme de produits, des huiles aux noix en passant par les farines ou les « noillardises » (des noix au chocolat), rendez-vous sur le site du Moulin de la Vie Contée.

