Actus Limousin ressort sa calculatrice pour s’essayer à la climatologie et comparer les niveaux de précipitations de cette année avec ce qui est comparable. Et d’après nos calculs, c’est bien 2022 qui s’avère bien plus sec que la normale !
Mea culpa, on se remet au boulot !
Dans un récent article, nous avions comparé les niveaux de précipitations mensuelles entre 2021 et 2022 dans une quinzaine de villes du Limousin. L’objectif était d’avoir une idée plus concrète de l’ampleur du phénomène de sècheresse qui a frappé les 3 départements en cette année 2022 en évaluant le déficit en eau lié à des précipitations très faibles cette année.
Des lecteurs nous ont fait remarquer, à juste titre, que l’année 2021, et surtout la période estivale, avait été marquée par des pluies importantes et qu’il n’était donc pas judicieux de comparer ces 2 années très différentes car les résultats étaient forcément faussés.
Rendu à l’évidence que mélanger les carottes et les choux ça peut faire une bonne soupe mais pas une bonne analyse, nous avons pris la décision de retirer cet article et de ressortir notre « calculette » pour comparer ce qui est comparable : les années 2021 et 2022 avec des valeurs beaucoup plus fiables à savoir les nouvelles « normales » de la période 1991 – 2020.
Les nouvelles « normales » météorologiques en vigueur depuis Juin 2022
Comme nous l’expliquions dans notre article, le calcul des « normales » a été introduit depuis la moitié du XIXe siècle afin de disposer d’une référence pour mesurer l’intensité des décalages ponctuels que l’on peut constater entre les températures et les précipitations à une même période mais sur des années différentes. Elles prennent en compte la moyenne des valeurs mesurées sur 30 années et sont mises à jour tous les 10 ans.
Jusqu’en Juin, on se basait encore sur les « normales » de la période 1981-2010 qui traduisait un contexte climatique différent en ne prenant pas vraiment en compte les phénomènes « exceptionnels » de plus en plus fréquents. Depuis le 28 Juin 2022, les « normales » en vigueur sont donc celles de la période 1991-2020 qui englobent plusieurs années caniculaires et reflètent donc mieux le climat actuel avec les modifications associables à l’accélération du changement climatique.
Ces nouvelles « normales » montrent bien que la température moyenne augmente et que ce phénomène de réchauffement climatique s’accélère au fil des années.
En revanche, les niveaux de précipitations semblent pour l’instant relativement stables et varient très peu sur les 3 derniers calculs de « normales » réalisés.
Alors, c’est l’été 2021 qui était trop pluvieux ou l’été 2022 qui était trop sec ?
On a donc refait le pointage des différents relevés pour 5 stations par département et on les a comparé avec les « normales » 1991-2020. Et si l’année 2021 avait certes été un peu plus humide que la « normale », c’est plutôt l’année 2022 qui pour l’instant est bien trop sèche !
En Haute-Vienne :
Sur les 2 premiers tiers de l’année 2021, le surplus de précipitations sur la Haute-Vienne a été relativement modéré et on constate même un léger déficit de précipitations sur le sud du département. En revanche pour la même période en 2022, le constat est clair : entre -17% à Eymoutiers et – 37% au Dorat, le département de la Haute-Vienne a globalement reçu bien moins de précipitations que la normale.
En Corrèze :
Même constat en Corrèze avec des précipitations un peu plus abondantes entre Janvier et Septembre 2021 surtout à l’est du département mais surtout un déficit d’au moins – 20% sur la même période en 2022. A Brive, Uzerche, Egletons et même sur le plateau de Millevaches, c’est près de 30% d’eau en moins que la normale qui sont tombés depuis le début de l’année.
En Creuse :
La Creuse aussi a souffert cette année : -41% à la Souterraine, -48% à Bourganeuf et pas guère mieux ailleurs, la pluie a évité le département. En 2021, on était relativement proche de la normale mais cette année est bien plus sèche et explique la précocité et l’intensité de la sécheresse en Creuse.
Bon et c’est normal cette fluctuation des précipitations ou pas ?
Il y’a toujours eu des différences importantes de climat d’une année sur l’autre et c’est bien normal. Les années se suivent et ne se ressemblent pas mais il y’a quand même un semblant de continuité avec des surplus, des déficits et des retours à la normale.
Si l’on regarde les volumes de précipitations par département sur une douzaine d’années, on voit bien que ce n’est pas linéaire. On pourrait néanmoins noter une légère tendance à la baisse mais il faudra attendre les données sur une période plus longue pour pouvoir commencer à tirer des conclusions.
Évolution des volumes annuels de précipitations par département entre 2006 et 2018
En mesurant la différence à la moyenne des 2 années les plus sèches, on obtient :
- -19.5% en 2011 et -21% en 2015 en Haute-Vienne
- -20,5% en 2011 et -21.3% en 2015 en Corrèze
- -21.8% en 2011 et -23.5% en Creuse
On notera donc que le déficit de précipitations de cette année 2022 semble pour l’instant supérieur à celui des 2 années les plus sèches entre 2006 et 2018.
Saisonnalité des précipitations à Limoges en 2021 et 2022
L’autre phénomène qui attire l’attention, c’est la variation de saisonnalité des précipitations. Il y’a des disparités fortes selon les mois et peu ou pas de valeurs proches des « normales ».
On ne peut pas non plus tirer de conclusion sur un échantillon de données aussi restreint et, comme les normales sont des moyennes, il est peut-être logique que les valeurs réelles s’en écartent toujours dans un sens ou dans l’autre.
On a pu entendre évoquer qu’un changement des rythmes des saisons était probable, pour s’orienter plus vers un modèle avec quelques périodes de fortes pluies et des périodes sèches plus longues comme cela peut-être le cas en Asie, mais il est encore difficile de trouver des données qui puissent démontrer cela de manière fiable.
Une hirondelle ne fait pas le printemps, un graphique ne fait pas la météo…
Il y’a bel et bien un déficit de précipitations en cette année 2022 et sur le Limousin il est entre -17% et -48% par rapport aux « normales ». Le manque d’eau de cette année est donc un fait bien avéré, s’il était besoin de le prouver, n’en déplaise aux climato-sceptiques et autres amateurs d’infox.
Il nous tenait à cœur de retravailler les données sur les précipitations pour essayer d’en faire une analyse plus fiable que la précédente. Mais la climatologie est un métier, elle demande des connaissances scientifiques, de la rigueur et de données fiables. On a rassemblé tout ce qu’on pouvait trouver en la matière mais on a atteint nos limites. On ne vous prédira donc pas si l’automne sera pluvieux ou si l’hiver sera rigoureux parce qu’on a oublié les trucs des anciens, qui eux « voyaient » la météo à venir dans les boules du houx ou dans les changements de comportement des animaux..
Sources : Meteociel, Météo France, Cartograph