Parce que c’est maintenant une réalité : la forêt limousine va vite devoir s’adapter au changement climatique, la coopérative forestière CFBL a développé un outil innovant pour aider à dessiner la forêt de demain. Explications sur le terrain.
« La forêt que l’on construit aujourd’hui, c’est celle qui devra s’adapter et vivre en 2085. Et 2085, c’est demain. » C’est par ces mots que Michel Moulin, directeur technique à la « Coopérative Forestière Bourgogne Limousin » (CFBL) introduit l’outil qu’il est venu présenter aujourd’hui, avec Nicolas Hélary, ingénieur recherche développement innovation.
Nous sommes dans une forêt de résineux, à l’est d’Ussel en Corrèze. Les deux salariés de la CFBL s’avancent sur le tapis de mousse qui recouvre la zone. Dans leurs mains, une tarière à prélèvements et une tablette numérique. Les deux hommes partent en exploration ou plutôt en investigation pour le futur.
Pour comprendre avant la démonstration, contextualisons. « En 2023, lors du renouvellement de notre plan stratégique, nos adhérents de la CFBL¹ nous ont délivré un message fort : ils ont besoin de conseils pour rendre la forêt plus verte, plus résiliente et toujours productive face au changement climatique », résume Michel Moulin. Concrètement, pourquoi les propriétaires ont-ils lancé cet appel d’urgence ? Michel Moulin et Nicolas Hélary poursuivent : « On observe un peu partout déjà des signes de dépérissement, des arbres qui ont moins de feuilles, qui sèchent ou qui poussent moins vite … Le Massif Central sera impacté dans les décennies à venir par la hausse des températures. »
¹ La CFBL rassemble 16.300 propriétaires forestiers de Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et leurs départements limitrophes…
Dans ce contexte, comment la coopérative peut-elle conseiller au mieux les propriétaires ? Comment les guider face au bouleversement qui arrive ? Durant un an, le service Recherche et développement de la CFBL a planché à la création d’un outil appelé « Sol Climat Forêt » qui est aujourd’hui opérationnel. « L’idée de cet outil, c’est de modéliser, d’ouvrir le champ des possibles en termes d’essences d’arbres résilientes », explique-t-on.
« On va s’arrêter là et on va analyser le sol », annonce Nicolas Hélary tout en commençant à enfoncer sa tarière dans la terre. Première étape : l’analyse du sol. L’ingénieur fore la terre à plusieurs reprises, jusqu’à plus de 80 centimètres et étale les couches sur le côté. « À chaque fois qu’il y a une texture de sol différente, on parle d’horizon différent », explique-t-il. Dans ce terrain, sur moins d’un mètre de profondeur, les horizons se succèdent : du limon, du sable-argileux, de l’argile et de la roche…
L’ingénieur continue son processus et prélève un échantillon de terre avant d’en tester la teneur en Ph. « On rentre toutes ces données dans l’outil sur la tablette et regardez, ça va nous donner la réserve utile maximale, la RUM », détaille le forestier. Cette RUM, premier élément d’analyse, donne en fait la capacité maximale d’eau que peut retenir le terrain. Ensuite, la dimension climatique actuelle et en 2085 est calculée grâce aux coordonnées GPS entrées dans l’outil en direct sur la zone. On connaît alors la pluviométrie actuelle et celle à venir ainsi que la température moyenne (via le calcul des degrés-jour).
105 essences répertoriées
Autant d’éléments qui vont permettre à « Sol Climat Forêt » de proposer une liste d’essences d’arbres qui pourraient être plantées sur cette parcelle. « On a rentré 105 essences avec leurs caractéristiques dans l’outil. Le rôle du conseiller (ils sont 170 à la CFBL) est ensuite d’échanger avec le propriétaire sur ses besoins, ses attentes … de croiser avec les contraintes techniques du terrain aussi », précise Michel Moulin qui explique pourquoi 105 essences ont été recensées : « Parce qu’on ne joue pas aux apprentis sorciers en forêt, on ne va pas planter n’importe quoi, on n’a pas intégré d’essences qui impactent l’environnement et il faut quand même que ce soit des arbres qui offrent une production de bois. »
L’idée aussi est d’inciter le propriétaire forestier à diversifier sa forêt. « Par exemple, si j’ai 7 hectares à reboiser, je peux faire 4 hectares de douglas puis deux autres essences différentes pour les 3 autres hectares. Comme ça, si on se rend compte qu’une essence n’est pas adaptée ou a un souci, on sauve les autres. Le mélange apporte de la résilience », concluent Michel Moulin et Nicolas Hélary en rejoignant la sortie du bois.
Pour plus d’informations sur cet outil, rendez-vous sur le site de la CFBL.
Petite note de contexte…
Chez Actus Limousin, on a beau être « du coin » et adorer les promenades en forêt (surtout pour y chercher des champignons !), on doit bien avouer qu’en vrai, on y connait pas grand chose à la gestion forestière, sujet particulièrement clivant sur notre territoire… Il nous est impossible de déterminer si l’outil développé par la CFBL est pertinent d’un point de vue scientifique mais la démarche d’anticipation nous semble en tout cas bien plus intéressante que le déni…
Si vous voulez avoir une vision neutre de ce qui attend la forêt française avec le changement climatique, on vous conseille d’aller faire un tour sur l’outil « Nos forêts demain » développé par la société « Development Seed » qui permet de visualiser, à différentes échéances et selon différents scénarios climatiques, la capacité à s’adapter ou non de plusieurs espèces d’arbres et dans différentes régions du globe.