Depuis deux mois maintenant, l’Office National des Forêts a mis en œuvre un chantier un peu particulier et fait « voler » des troncs d’arbre sur le Plateau de Millevaches, à Pérols-sur-Vézère. Une technique minutieuse et qui a un objectif bien spécifique : la restauration d’une tourbière aux sources de la rivière Corrèze.
Aux sources de la Corrèze…
Avant de vous expliquer pourquoi des arbres « volent » au-dessus de nos têtes, en ce mois de novembre 2025, dans la forêt domaniale de Larfeuil à Pérols-sur-Vézère, contextualisons les choses. Un petit ruisseau, à peine plus grand qu’un filet d’eau qui coule dans cette partie forestière du Plateau de Millevaches. Comme lui, d’autres petits cours d’eau dévalent, un peu plus loin, les pentes pour se retrouver dans cette alvéole. C’est ici, dans la forêt de Larfeuil précisément, que débute le parcours de la Corrèze, rivière qui s’élargira en parcourant les Monédières, avant de traverser Tulle et Brive puis de venir « grossir » la Vézère vers Saint-Pantaléon de Larche, près de 95 km plus loin…

Il y a de cela à peine plus de 50 ans, ici même, le site n’était que tourbière, cet écosystème si précieux notamment pour la régulation de l’eau et le stockage du carbone. Des tourbières comme on en voit un peu partout sur le Plateau de Millevaches, plateau des mille sources. Mais dans ce fond tourbeux, comme ailleurs, on a drainé et boisé cette zone humide dans les années 1970, pour « répondre à la forte demande nationale en bois », explique l’ONF. Petit à petit, les épicéas ont pris possession des lieux et asséché cette tourbière des sources de la Corrèze.
« Rendre à la tourbière son rôle d’éponge »
Avec de nombreux partenaires (*), l’ONF a donc entrepris le déboisage de cette zone de 8 hectares dans le but de la faire redevenir tourbière. C’est ainsi que depuis fin septembre dernier, les arbres disparaissent petit à petit. « Ces épicéas, ils sont sains. On aurait pu les garder encore 20 ans. Mais on sait la richesse et l’importance de ces zones humides. On veut rendre à la tourbière son rôle d’éponge, il faut qu’elle se repeuple de sa faune et de sa flore », indique Jean-François Le Maout, directeur de l’agence territoriale du Limousin de l’ONF alors que des arbres coupés remontent la pente derrière lui.

« Vue la fragilité du milieu, on utilise une technique particulière : le câble mât », nous explique le directeur. Une technique peu courante et ultra locale puisque c’est l’entreprise Lafaye et fils, basée à Pérols-sur-Vézère, qui l’utilise et ils sont les seuls dans la Nouvelle-Aquitaine.

Concrètement, comment ça fonctionne ? Le chef d’entreprise explique : « Les arbres sont coupés sur la parcelle puis ils sont remontés jusqu’au chemin via ce câble. On peut le tendre entre 100 et 700 mètres. » Ainsi, le milieu n’est pas impacté par les tracteurs de débardage.

En haut, la grume est ébranchée et façonnée par l’abatteuse. 3 000 mètres cube de bois vont être évacués ainsi et vont être envoyés dans des scieries locales pour devenir charpentes et autres palettes. « On fait ça sur 40 mètres autour du câble puis on décale le mât un peu plus loin », reprend le chef d’entreprise de 21 salariés qui explique utiliser aussi cette technique dans les pentes raides du massif du Sancy notamment du côté de La Bourboule.

L’exploitation forestière devrait s’achever en tout début d’année 2026. Une fois ce chantier terminé, le temps sera venu de restaurer le milieu tourbeux et ses sources en installant des madriers (des petites palissades), des panneaux de bois ou encore des bouchements de tourbe pour permettre une nouvelle circulation de l’eau. La mise en pâturage devrait suivre ensuite en 2027.
(*) Ce chantier de l’ONF est entrepris en partenariat avec le Parc naturel régional de Millevaches en Limousin, le Conservatoire des espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine, l’Office national de la biodiversité et la Direction départementale des territoires. Coût total de l’opération : 97 585 € financé par l’Agence de l’eau Adour-Garonne, la Région Nouvelle-Aquitaine et l’ONF.

