À l’occasion des « Journées européennes de l’archéologie » qui ont lieu ce week-end, nous nous sommes intéressés aux très récentes découvertes du site de La Grange à Saint-Fréjoux en Haute-Corrèze…
À première vue, nous sommes dans un hameau corrézien typique. Les pierres de granit, le corps de ferme, les champs aux couleurs verdoyantes de cette fin de printemps, et puis en arrière-plan, les Monts d’Auvergne presque à portée de mains. Pourtant ici, au lieu-dit « La Grange » à Saint-Fréjoux, se cache peut-être enfouie sous nos pieds l’une des découvertes archéologiques majeures de ces dernières décennies.
Pour comprendre pourquoi et comment nous sommes arrivés ici, il nous faut un guide, ou plutôt deux : Zoé Dupeu, directrice du Pays d’art et d’histoire des Hautes terres corréziennes et de Ventadour, et Raphaël Gestreau, Ingénieur au Service Régional de l’Archéologie de la Drac Nouvelle-Aquitaine. Ce dernier connaît bien les lieux. Dix ans qu’il y vient. Dix ans qu’il cherche à comprendre ce qu’il se cache dessous.
« En 2014, on a décidé de s’intéresser à l’espace Corrézien avec l’Université de Clermont-Ferrand. On a repris les travaux des années 1930. À l’époque, des érudits avaient cherché et réalisé des cartes d’occupation. Ce travail nous a notamment permis de voir que, tous les deux ou trois km en Corrèze, on avait une villa ou un domaine de 10 à 30 hectares à l’Antiquité. Et c’est ce que l’on pensait trouver ici », raconte Raphaël Gestreau tout en instaurant un suspens…
Ici, à « La Grange », parmi les érudits des années 1930, il y avait un certain Mr Gratadour, marchand de vins de la fameuse épopée de Meymac-près-Bordeaux (une autre histoire …) : quand ce Corrézien fait construire sa maison, il a connaissance de murs antiques dans les environs. Il les reprend pour décorer les façades de sa maison. Aujourd’hui encore, on peut voir les parements et notamment un dauphin sculpté sous une fenêtre de la bâtisse. C’est ce qui a mené les archéologues jusqu’ici.
En 2014, des investigations sont menées sur le site, puis des sondages archéologiques en 2016. L’idée : retrouver l’emplacement où les érudits locaux attestent la découverte, dans le premier tiers du XXème siècle, de décors lapidaires géométriques. À cette époque, Marius Vazeilles (un ingénieur forestier, ethnographe et archéologue, connu pour son engagement en faveur du reboisement du Plateau de Millevaches et la préservation du patrimoine rural et culturel du Limousin) mentionnait dans une note manuscrite la découverte de beaucoup de tuiles et de mortiers.
Des éléments de mosaïque, des enduits peints avec notamment des dauphins, de nombreux fragments de canalisation en plomb vont être retrouvés. Ensuite, ce sont des géoradars qui vont permettre de comprendre ce qui semblait se trouvait ici, et l’on est bien loin de la « villa classique » initialement imaginée. Raphaël Gestreau reprend : « On est en fait ici sur un grand sanctuaire probablement curatif, bien plus grand que celui d’Evaux-les-Bains. C’est donc une découverte très importante, l’un des 50 plus grands sanctuaires de l’empire romain »
Pour entrer dans le détail, le site serait composé d’un parcours sacré : un premier sanctuaire avec des bassins, dont un pour les ablutions, puis plusieurs bassins entourés d’une galerie qui aurait pu servir d’immersion ou de consommation. « La prochaine étape c’est de faire analyser la source d’eau, elle a sûrement des caractéristiques particulières », nous explique l’archéologue. Le deuxième sanctuaire pourrait être curatif, la partie où l’on venait se faire soigner. De quoi ? On ne sait pas. Pour en savoir plus, de nouvelles fouilles programmées vont être organisées dans les prochaines années.
Il y a aussi, sous une petite forêt au fond, une plateforme détectée par le géoradar. « On peut supposer qu’il y a un temple mais on est qu’au tout début de ce que l’on va découvrir », avoue Raphaël Gestreau qui souligne l’immensité du site.
A découvrir sur place ce dimanche
Un site que l’on pourra donc découvrir ce dimanche 15 juin grâce à l’animation proposée par le Pays d’art et d’histoire. Au programme :
- à 11 heures :
- mini-conférences de Raphaël Gestreau et Nicolas Delferrière (archéologue chercheur en archéologie romaine et histoire de l’art antique à l’Université Clermont Auvergne qui interviendra sur les enduits peints du site de La Grange)
- atelier jeune public « La terre dans tous ses états », à partir de 6 ans à la Grange à cruck à Saint-Fréjoux.
- À 14 h 30 : balade commentée archéo-patrimoine avec les découvertes archéologiques de la Grange puis de l’ancienne et impressionnante abbaye cistercienne de Bonnaigue. Pour toutes informations ou réservations : sur ce site ou au 05 87 31 00 57.
Ailleurs en Limousin
D’autres animations sont prévues dans ce cadre ces Journées européennes de l’archéologie. Dans le domaine de Sédières à Clergoux, un spectacle Un nouveau souffle pour le carnyx sera joué samedi 14 juin à 18 heures.
En Haute-Vienne, le Musée d’art et d’histoire de Saint-Yrieix-la-Perche a concocté plusieurs animations autour de l’histoire du « Pays arédien ». À Limoges, une visite de la Villa gallo-romaine de Brachaud est prévue samedi 14 juin à 15 h et 16 h. Une présentation des fouilles à Rochefort en 2025 est prévue au Musée archéologique de la Vieille-Paroisse, le samedi 14 juin à 14 heures. D’autres animations sont prévues sur le territoire et sont à retrouver sur le site journees-archeologie.eu.
