Nostalgie rurale : à Montrol-Sénard, la « machine à remonter le temps » attire près de 25 000 visiteurs par an

C’est un vrai voyage dans le temps que propose « Nostalgie Rurale » à Montrol-Sénard. Depuis 1986, les bénévoles de l’association ont transformé ce petit village de l’ouest de la Haute-Vienne en un écomusée qui permet de (re)découvrir la vie de nos ancêtres voilà un siècle en parcourant 18 sites en visite libre ou guidée.

« Il y avait moins de 200 habitants en 1986 alors que Montrol-Sénard en compta jusqu’à 1 200 en 1850, et 300 aujourd’hui » raconte Adrien Denizou, président du syndicat d’initiative. « Le maire voulait trouver quelque chose pour redynamiser le village où le bâti est conséquent mais ne servait plus à rien. »

Montrol-Senard dans la première moitié du XXe siècle © DR / Source : Archives départementales de la Haute-Vienne

C’est ainsi que depuis 1986, les bénévoles de l’association « Nostalgie rurale » ont ramené la vie dans ce petit village en rouvrant des bâtiments à l’abandon pour replonger les visiteurs dans le quotidien des habitants de l’entre deux guerres. Et cette idée avant-gardiste a permis de redonner vie à ce bourg endormi. Aujourd’hui, 18 sites ont été créés, dans la mesure du possible, dans les lieux authentiques où vivaient et travaillaient nos aïeux, et sont désormais à découvrir en accès libre ou en visite commentée.

Si cet écomusée a pu voir le jour, c’est grâce à un contrat peu connu appelé « commodat » : des propriétaires confient la gestion de leur bien au Syndicat d’initiative par le biais d’un prêt gratuit et temporaire. Ils peuvent les récupérer à échéance du contrat s’ils le souhaitent « à condition d’y remettre de la vie » précise-t-il. Ce fut le cas de plusieurs sites qui ont dû être regroupés en haut du village comme l’atelier du sabotier et la forge du maréchal-ferrant installé près de l’école.

18 sites authentiques pour remonter le temps

Cinq ans pour reconstituer l’école

« La communale » comme on l’appelait autrefois a été ouverte en 1877, et des générations d’élèves y ont appris à lire, à écrire, à compter jusqu’en 1953. Elle fut ensuite transformée en brocante, tenue par Raymonde. « Les objets ne se vendaient pas, elle nous en a rétrocédés une grosse partie » se souvient-il « et par la suite, nous avons eu beaucoup de dons. » A son décès, ses héritiers ont décidé de vendre l’ancienne école, ce qui a permis de la reconstituer dans son lieu d’origine.

Pupitres, encriers, carte de France et compendiums… rien ne manque dans cette salle de la « communale » ! © Babsy

Aujourd’hui, c’est le site le plus apprécié du public. La madeleine de Proust qui fait remonter les souvenirs d’enfance aux plus anciens et surprend les plus jeunes. La leçon de morale est écrite sur le tableau, le problème du certificat d’études à résoudre, les bouliers qui servaient pour le calcul… « Quand on montre aux enfants la boule des dizaines, celle des centaines et les autres de plus en plus grosses, ils comprennent très vite » remarque Adrien Denizou, avant d’ajouter en riant « une petite fille m’a demandé si je voulais bien être son instituteur ! »

Leçon de morale, méthode de lecture, boulier… Toute une éducation « à l’ancienne » reconstituée © Corinne Mérigaud

Il aura fallu cinq ans pour reconstituer cette salle de classe mais l’effet est garanti car on s’attend à voir débouler les élèves vêtus de leur blouse noire, leur gamelle à la main, qu’ils réchaufferont sur le poêle. Au fond, deux meubles interpellent, il s’agit d’un compendium métrique qui renferme des unités de poids et mesures et d’un compendium chimique qui contient éprouvettes et divers matériels. Et dans les armoires, sont conservées les annales de deux instituteurs qui enseignaient là en 1935.

« Des gens vivaient ici il y a 60 ans… »

Un peu plus loin, la maison « Chabatz d’entrar » (« Finissez d’entrer« , formule de bienvenue en occitan) laisse entrevoir les conditions de vie de nos aïeux voilà un siècle. Dans l’unique pièce organisée autour du cantou, on retrouve la grande table, le lit tout au fond, le coffre du mariage plus ou moins grand selon l’importance de la dot et des ustensiles de cuisine.

Le foyer de nos aieux dans la maison « Chabatz d’entrar » © Corinne Mérigaud

« Ce n’est pas un musée, on veut montrer l’authenticité des lieux comme cette maison où des gens vivaient encore il y a 60 ans » précise-t-il. Les berceaux sont prêts à servir tout comme l’astucieuse trotteuse en bois de l’époque. Pour garantir l’authenticité, le matériel récupéré n’est pas astiqué, au contraire, tout est présenté dans son jus. Sous le lit, était cachée la bûche de Noël, à moitié consumée, afin de conjurer le mauvais sort. Le cellier attenant regorge d’outils employés pour les travaux des champs.

« La bujade durait 2 ou 3 jours »

A deux pas, le fournil qui occupait une place essentielle dans la vie de nos aînés. « Il fallait dorloter en permanence le fournil qui baissait en température dès qu’on ouvrait le foyer où on cuisait le pain entre 500 et 600° » indique-t-il, « lors de la dernière fête de la batteuse, on y a cuit 750 pains et 600 pâtés de pommes de terre. »

La cendre était récupérée pour faire la « bujade » (la lessive) une fois par an dans le bujadier, cendre qui se transformait en potasse au contact de l‘eau bouillante. « La bujade durait 2 ou 3 jours, les femmes mettaient une couche de cendre, une couche de draps en coton et ainsi de suite, couche après couche » explique-t-il, « elles recommençaient sept fois de suite. Ils avaient beaucoup de draps à l‘époque.» Vingt-six fours ont été recensés dans le village et les hameaux alentours mais aucun four commun.

Les femmes rinçaient les draps au lavoir après la bujade © Corinne Mérigaud

Une nostalgie qui touche 25000 visiteurs par an

Les visiteurs du jour, un groupe de retraités, ont tous été ravis de redécouvrir le village car « même si on connaît tout ça, le guide explique bien et apporte une touche personnelle » nous confesse Michelle. Rémi, lui, a retenu que « la réhabilitation des maisons a permis le réveil du village » grâce à Nostalgie Rurale. Quant à Florence « Cela me replonge dans mon enfance et celle des anciens. C’est une très bonne initiative. »

En bon élève, Jean-Claude a écouté avec plaisir la leçon. « Je me souviens de l’encre violette, de la plume Sergent major, c’est intéressant de reconstituer la vie des gens d’autrefois. » Afin de créer une certaine homogénéité dans le bourg, dix-sept propriétaires ont bénéficié d’aides de l’Europe pour aider à retirer le crépis de leur maison et les persiennes métalliques qui ne correspondaient pas au style de l’époque choisie pour garder des pierres jointives ou à nu et poser des volets en bois. Le lotissement en est à sa troisième extension et deux restaurants également ont ouvert.

Car les visiteurs se comptent désormais par milliers durant la belle saison et cette attractivité permet de redynamiser le village et ses alentours. Aux débuts de ce renouveau, le Syndicat d’initiative avait embauché une hôtesse pour tenir une boutique « Art Expo », un dépôt-vente où trois artisans locaux présentaient leurs créations… « Le premier été, 200 à 300 personnes sont passées. Quarante ans après, le dépôt vente accueille 50 à 60 artisans, on va d’ailleurs leur passer le relais.» conclut Adrien Denizou. Cet été encore, la « machine à remonter le temps » de Montrol-Sénard va faire voyager ses visiteurs vers un passé finalement pas très lointain mais ô combien différent de notre époque, pour leur plus grand plaisir. Nostalgie, quand tu nous tiens…

Infos pratiques

Ouvert en accès libre du 8 avril au 5 novembre, visites guidées pour les groupes à partir de 10 personnes, parking gratuits.

« 40 ème Art-Expo » : ouvert du 7/06 au 21/09 (sauf lundi) avec une cinquantaine d’artisans

A voir : Expo photos «Los Monteraus» des habitants de la commune.

Plus d’infos sur montrol-senard.com

 

Bonus : lexique d’autrefois

  • Le blutoir : gros tamis pour retirer le son de la farine.
  • La couade : grosse louche servant à se laver les mains.
  • Les palissous : corbeilles pour faire reposer la pâte à pain.
  • Faire la bujade : faire la lessive.
  • Le péteux : battoir pour essorer le linge.
  • Le ventadour : outil pour séparer l’épi du grain
  • Le râtelier : placé au-dessus de la table, on y stockait le pain.
  • Le bouéradour : outil pour blanchir les châtaignes dans le toupi.
  • La maie : meuble où est préparée la pâte à pain

 

Corinne Mérigaud
Corinne Mérigaud
Journaliste Actus Limousin
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