Dans les secrets d’une commanderie : une visite exceptionnelle sur les traces des Templiers à Varetz…

Les portes de la commanderie de Mons à Varetz s’ouvrent rarement mais ce domaine privé, membre du réseau des sites du patrimoine templier et hospitalier Vallée de la Vézère, peut toutefois se visiter lors de journées exceptionnelles. A la découverte d’un lieu chargé d’histoire, niché au coeur de la campagne corrézienne…

Un patrimoine de passionnés

En ce début d’été caniculaire, un petit groupe de visiteurs est venu chercher la fraîcheur des vieilles pierres en poussant le portail d’une grande propriété privée perchée sur les hauteurs de Varetz, un lieu chargé d’histoire, où ont vécu les Templiers du XIIe au début du XIVe siècle, puis les Hospitaliers jusqu’à la Révolution.

Depuis la Révolution française, seules trois familles s’y sont succédées, ce qui en fait l’un des sites les mieux conservés des ordres militaires en Corrèze. Passionnée d’histoire, la nouvelle propriétaire des lieux a rejoint le réseau « Patrimoine Templier & Hospitalier de la vallée de la Vézère » et autorise des visites exceptionnelles depuis 2023.

La bâtisse principale de commanderie de Mons vue du ciel © Commanderie de Mons

« Vous êtes un peu des mécènes en venant ici », explique Marc-Olivier Agnès, guide spécialisé dans le patrimoine templier et hospitalier. Car derrière le prix du billet se cache une réalité : entretenir ce patrimoine coûte très cher.

Un emplacement stratégique

Le site de la Commanderie de Mons n’a pas été choisi au hasard. Perchée sur une colline qui domine la Vézère, la commanderie a le contrôle d’un axe de passage important. De là, on peut apercevoir les tours du château de Castel Novel, dont les seigneurs ont probablement été les premiers à aider les Templiers. À l’époque féodale, pour s’installer, l’ordre devait avoir l’accord du baron local, puis du puissant vicomte de Turenne, qui régnait sur plus de 80 km.

Erigé au XIIIème siècle, le Château de Castel Novel à Varetz est aujourd’hui un hôtel-restaurant prestigieux © Jimjag – stock.adobe.com

Cette géographie nous ramène aux débuts de l’aventure des Templiers : En 1099, la prise de Jérusalem relance les pèlerinages en Terre sainte. Face aux dangers du voyage, deux ordres naissent : les Hospitaliers de Saint-Jean, des moines qui accueillent et soignent les pèlerins, et les Templiers, ces « pauvres chevaliers du Christ » qui obtiennent le droit de porter l’épée tout en étant religieux.

Des « fermes » au service de l’Orient

Loin de l’image du chevalier en croisade, la commanderie de Mons révèle plutôt la réalité économique de ces ordres : pour maintenir des forteresses en Orient et nourrir des soldats, il fallait disposer d’une fortune ! Réparties dans toute l’Europe, des milliers de commanderies servaient donc de « bases arrière » pour financer cette guerre.

L’organisation de la commanderie prend modèle sur celle d’une « ferme » : une cour centrale entourée de tous les bâtiments nécessaires à la vie agricole et religieuse. Granges, étables, jardins, pigeonniers… Tout est conçu pour être autonome et profitable. Données par les seigneurs locaux, ces terres devaient non seulement nourrir la communauté, mais aussi dégager des bénéfices pour soutenir la bataille en Orient.

Un pigeonnier, privilège généralement réservé aux seigneurs, surplombe le porche de la commanderie de Mons © Juliette Jouve Soler

En entrant dans la bâtisse principale, on comprend rapidement les codes de l’époque à la vue de l’énorme cheminée. « C’est un signe de richesse. Plus elle est imposante, plus vous êtes puissant. » explique Marc-Olivier Agnès. Cette cheminée est ornée des armes de la maison de Vauzelle — où les ailes sculptées rappellent le nom de famille. Trois étoiles surmontent une croix de Malte en pendentif, qui montre qu’un chevalier de cette famille avait reçu des honneurs particuliers.

La gestion des biens montre que ces ordres étaient de bons négociateurs. Les dons étaient souvent éparpillés : un pré par-ci, un moulin par-là, des vignes ailleurs. Alors les Templiers pratiquaient déjà le remembrement, et échangeaient leurs parcelles pour constituer des domaines plus faciles à administrer.

Des pierres qui parlent…

Au pied de la colline, une fontaine montre l’ancrage local des Templiers. Offerte aux gens du coin, elle reste accessible au public depuis sa création. Cette source, dédiée à Saint Rémy, a ses légendes : elle guérirait les maux d’yeux, pourrait faire pleuvoir quand c’est sec, et même donner une paire de bœufs à qui viendrait puiser à l’aube… En donnant accès à l’eau potable et en créant du travail pour les paysans du coin, les commanderies étaient de vrais pôles de développement rural. Elles assuraient une sécurité telle qu’aucun brigand n’aurait osé s’attaquer aux redoutables Templiers.

La visite révèle d’autres trésors. Ainsi, ce pigeonnier au-dessus de l’entrée, privilège accordé au commandeur ou encore les restes de l’enceinte fortifiée, plus symbolique que vraiment défensive. Enfin, cette croix émouvante, dernier témoin de la chapelle disparue et du cimetière où reposaient les frères.

Dernier vestige de la chapelle disparue, cette croix témoigne du passé religieux de l’édifice © Commanderie de Mons

La découverte d’une pierre tombale a permis aux historiens de déchiffrer l’épitaphe d’Elie de Cornil, du XIIIe siècle. Le latin de l’inscription livre un récit touchant : « Elie de Cornil gît ici. C’était un chevalier de bonne famille. En suivant la guerre sans assez de précautions, il a trouvé la mort. Sa tendre jeunesse n’a pas pu arriver à maturité. » Cette épitaphe révèle les réalités de l’époque : on pouvait entrer dans l’ordre dès 14 ou 15 ans, après une année pour casser l’orgueil des jeunes nobles. La règle templière était stricte : tout signe de richesse était interdit, les éperons d’argent fondus et remplacés par du fer.

Contrairement aux idées reçues, les ordres militaires n’étaient pas exclusivement masculins. L’ordre de Malte a créé des couvents de femmes à partir du XVIe siècle. « On a la chance d’avoir dans le réseau la chapelle de la Combe à Curemonte, qui appartenait aux Maltaises », précise le guide, ces femmes de l’ordre de Malte dont les fresques racontent une autre histoire.

Un réseau à redécouvrir

La commanderie de Mons fait partie d’un réseau de quatorze sites templiers et hospitaliers de la vallée de la Vézère, porté par les offices de tourisme locaux. Si les révolutions et les guerres ont dispersé ce patrimoine, visiter plusieurs de ces sites chargés d’histoire permet de reconstituer une commanderie complète. Ce jeune réseau propose dès à présent un programme d’animations attrayant : visites, conférences, podcasts. Et ne manque pas d’idées pour se développer et continuer à faire revivre ce patrimoine presque oublié.

Carte du réseau « Patrimoine Templier & Hospitalier Vallée de la Vézère » © Marc-Olivier Agnès

En refermant le portail de la commanderie de Mons, on repart avec la sensation d’avoir touché du doigt huit siècles d’histoire. Un privilège rare !

Si vous voulez vous aussi faire un petit retour au temps des Templiers, la commanderie de Mons ouvrira ses portes tous les samedis du 19 juillet au 23 août. Réservation obligatoire, 15 personnes maximum, informations sur le site brive-tourisme.com.

Juliette Jouve Soler
Juliette Jouve Soler
Correspondante Actus Limousin
Quitter la version mobile