Au cœur de la Corrèze, à Ségur-le-Château, le parc agricole et paysager du Chédal est bien plus qu’un jardin : c’est un vrai voyage botanique à travers les continents et un témoignage sensible d’une mémoire familiale et territoriale. Son propriétaire passionné, Marc Boisseuil, y cultive des arbres et des émotions, dans les pas de ses aieux…
À quelques pas du centre historique de Ségur-le-Château, classé parmi les plus beaux villages de France, se niche un parc étonnant, à la fois agricole, paysager et artistique. Créé entre 1860 et 1880 par l’arrière-grand-père de Marc Boisseuil, le domaine du Chédal a traversé les générations avant de connaître une profonde transformation à la suite de la tempête de 1999. Cet événement marquant n’a pas détruit le parc, il lui a donné un nouvel élan.
Aujourd’hui, le parc du Chédal s’étend sur six hectares de paysages sculptés, où l’on voyage entre les continents, les souvenirs d’enfance, les écorces et les installations contemporaines. Une promenade à la fois poétique et géographique, où chaque arbre est entretenu avec soin.
De la tempête à la résilience : l’histoire d’une reconstruction
Quand la tempête de 1999 s’abat sur la Corrèze, les trois quarts des arbres du parc sont déracinés ou brisés. Il faudra un an entier pour dégager les troncs et nettoyer le terrain. Plutôt que de replanter à l’identique, Marc Boisseuil choisit de recomposer un jardin unique, un parc d’aujourd’hui enraciné dans l’histoire familiale du XIXe siècle.
Même si le traumatisme de voir ce jardin saccagé est encore très prégnant, Marc y perçoit toutefois une opportunité : la demeure, autrefois dissimulée par la végétation, se dévoile à nouveau. Sa façade XVIIe dialogue désormais avec sa sœur plus récente, qui date du XIXe, dans un écrin que Marc a pu totalement repenser. En s’inspirant des jardins du XIXe siècle, il imagine une structure originale : le parc sera divisé en zones géographiques, chacune évoquant un continent à travers les essences végétales.

Marc débute le reboisement de son jardin en installant des chênes : au fil des années, il plante plus de 200 chênes venus du monde entier, donnant naissance à des tableaux vivants. L’allée cavalière de Quercus imbricaria, aux grandes feuilles ovales, semblables à celles du laurier, en est l’une des signatures. « À l’automne, le spectacle est magnifique » me confie Marc qui s’étonne toujours de voir grandir si vite ses chênes qu’il a plantés il y a plus de deux décennies.

Un jardin nourricier, patrimonial et vivant
Si le Chédal est un jardin paysager, il est aussi un espace agricole, fidèle à l’esprit des jardins d’autrefois. On y récolte des châtaignes à l’automne et on y presse des pommes pour faire du jus. D’ailleurs, lors de ma visite, j’ai été agréablement accueillie au verger par cette bonne odeur de pommes. J’en ai profité pour herboriser et regarder les différentes variétés présentes et j’ai découvert un arbre peu commun ! Il s’agit du pommier Malus siviersii, une variété originaire du Kazakhstan, réputée pour être l’ancêtre sauvage de tous les pommiers. « Pour l’obtenir, j’ai dû m’inscrire sur une liste d’attente », raconte Marc. Cet arbre très symbolique donne des fruits ovales et incarne à merveille l’âme du parc : un pont entre l’imaginaire et la réalité, entre le sauvage et le cultivé.

Mais c’est aussi un parc aux arbres remarquables, certains classés ou d’un âge impressionnant. Le plus ancien, un Sequoiadendron giganteum planté en 1863, a survécu à toutes les tempêtes et continue de croître chaque année. Également classé, le Thuya plicata Zebrina est d’une incroyable majesté. Je ne pensais pas pouvoir dire ça d’un thuya un jour mais celui-ci est magnifique avec son beau feuillage vert clair et rayé de jaune. Il offre en plus une expérience immersive qui conviendra aux petits comme aux grands. Une structure en bois composée de branches entrelacées permet aux visiteurs de rentrer littéralement dans l’arbre, à la manière d’une cabane végétale. C’est une manière de renouer avec l’arbre, de l’habiter un instant, de se laisser envelopper par sa majesté.

Le parc est aussi pensé comme un lieu où le vivant est en lien constant avec le passé. En récupérant nombre d’anciens matériaux (pierres d’anciens bâtiments démolis, fragments architecturaux) Marc fait rentrer à nouveau l’histoire dans le jardin et permet au minéral de sublimer le végétal – et inversement.
Entre art contemporain et poésie paysagère
Chaque recoin du jardin semble pensé pour offrir une surprise ou une méditation, une pause visuelle ou un clin d’œil à l’histoire locale. Car Marc ne crée pas en vase clos : il intègre à son parc des éléments sauvés du patrimoine de Ségur-le-Château. C’est une manière pour lui de contribuer à faire vivre la mémoire du village et de continuer, à sa façon, l’histoire des lieux.

Marc Boisseuil ne se contente pas d’un jardin botanique. Il y a introduit une dimension artistique affirmée, fidèle à son goût pour l’art contemporain. Trois sculptures de Bernard Pagès, artiste reconnu pour son travail sur les matériaux et les formes, ponctuent le parcours. Leur présence discrète mais puissante dialogue avec le paysage, créant des ruptures de rythme et des points de vue. À cela s’ajoutent des éléments patrimoniaux : une volière du XIXe siècle, une tour néo-gothique, une élégante fontaine qui capte la lumière et une mise en scène subtile des perspectives.

Enfin, fidèle à sa passion, Marc aime faire découvrir son jardin. Il organise régulièrement des visites guidées au fil des saisons, racontant lui-même l’évolution du parc, les choix botaniques, les anecdotes familiales. Une manière sensible de transmettre son regard sur la beauté, la résilience et le paysage.
Infos pratiques
Parc agricole et paysager du Chédal
📍 19230 Ségur-le-Château
📞 06 72 51 62 79 ou Office de tourisme : 05 55 73 39 92
💶 Tarif : 4 € par adulte
📅 Visites sur rendez-vous – Renseignements auprès de l’Office de tourisme