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mercredi 27 août 2025

À Pompadour, la jumenterie nationale du domaine de Chignac perpétue l’excellence de l’élevage équestre « à la française »

À deux kilomètres du château de Pompadour, sur le domaine de Chignac, une soixantaine de juments et leurs poulains profitent de 70 hectares de prairies verdoyantes. La dernière jumenterie entièrement nationale de France est un petit bout de paradis équin où naît et grandit l’élite de l’anglo-arabe français.

Des « mamies » et un « tonton » pour bien grandir

La visite de la jumenterie de Chignac est l’occasion de découvrir une organisation sociale surprenante : aux côtés des juments et de leurs petits, évoluent des « mamies », des juments plus âgées qui jouent le rôle de nounou auprès des jeunes. « Quand un poulain perd sa mère à la naissance, on lui présente une de ces mamies. Si elle s’approche et essaie de le caresser, c’est qu’elle l’adopte. Sinon, c’est qu’elle le refuse », nous explique la guide. Un « tonton » veille également sur le groupe des mâles entiers, garantissant une présence rassurante dans cette communauté où chaque cheval a son rôle.

Cette philosophie du bien-être animal accompagne toutes les décisions de l’établissement. Ici, pas de boxes fermés à longueur de journée : les équidés y disposent d’une liberté quasi permanente, avec rotation hebdomadaire entre les parcelles reliées à l’eau potable ou bien alimentées par leur propre source naturelle !

Ce trio curieux s’approche à grandes enjambées pour venir saluer les visiteurs © Juliette Jouve Soler

Poulinage et reproduction

La reproduction mélange tradition et modernité. Après onze mois de gestation, les futures mères s’installent dans de vastes boxes équipés de capteurs de contractions fixés à la queue et de caméras à intelligence artificielle. Plus de 90 % des naissances ont lieu la nuit.

Un poulinage normal dure une vingtaine de minutes. Deux heures après, le poulain tient déjà debout, et au bout de trois heures, il tète sa mère. « Le principe, c’est de les laisser faire naturellement. On n’intervient qu’en cas de complications », souligne l’équipe de 3 personnes qui travaille sur le site, renforcée pendant la saison des naissances de février à juin.

Les méthodes de reproduction varient selon les objectifs : la monte naturelle est obligatoire pour les anglo-arabes de course mais l’insémination artificielle représente désormais 70 % des reproductions, avec des semences congelées comme chez les bovins. Pour détecter les chaleurs, on utilise un mâle « souffleur » — une fonction aujourd’hui assurée notamment par Sami, un cheval offert par le président algérien à François Hollande, qui a succédé au célèbre Mabrouk, offert en 2003 à Jacques Chirac et décédé au début de l’année 2025.

Véritable mascotte du haras de Pompadour, le cheval présidentiel « Mabrouk » s’est éteint à l’âge canonique de 31 ans début 2025 © IFCE

Un statut unique

Pompadour détient un statut exceptionnel qui fait sa fierté car c’est aujourd’hui la dernière jumenterie entièrement nationale de France. Même le célèbre haras du Pin a une partie privée. Cette spécificité résulte de la réforme de 2010 qui a créé l’Institut Français du Cheval et de l’Équitation (IFCE).

Un anglo-arabe façonné à Pompadour allie l’élégance, l’endurance et la résistance de l’arabe à la taille et la vitesse du pur-sang. Mesurant entre 1,58 et 1,65 m au garrot, il excelle en concours complet et saut d’obstacles. Les futurs champions de sport rejoignent la cavalerie de l’IFCE pour la formation, les meilleurs intégrant le prestigieux Cadre noir de Saumur. Les autres filent vers les hippodromes avec des entraîneurs publics. Dans tous les cas, certaines juments reviendront ici pour perpétuer les lignées.

Pompadour est depuis les années 1850 le berceau de « l’anglo-arabe français » © Juliette Jouve Soler

Les jeunes chevaux quittent la jumenterie vers 2-3 ans, vendus alors entre 5 000 euros et 30 000 euros selon son héritage génétique. Aucun animal ne part à l’abattoir. Ceux qui n’ont pas les capacités sportives requises pour devenir des « cracks » trouvent leur place dans des centres équestres et des associations.

Soins et identification

Tous les documents d’identification des chevaux français sont établis à Pompadour, où siège le SIRE. Peu importe où vit l’animal, ses documents d’identification viennent de la petite commune corrézienne. Depuis 2008, chaque équidé porte une puce électronique dans l’encolure gauche, véritable carte d’identité de la taille d’un grain de riz.

Et une bonne nouvelle toute récente pour les propriétaires de chevaux de la région : une clinique vétérinaire équine a récemment été créée au Haras du Mazet, à Beyssac. Cette antenne de la célèbre clinique du cheval de Toulouse évite désormais le long déplacement vers la Ville rose pour faire examiner et soigner son animal. Ce service de proximité est bienvenu dans cette région d’élevage.

Rendez-vous en septembre

Cité équestre par excellence, Pompadour vit au rythme des compétitions. Chaque année en septembre, « la grande semaine de Pompadour » et les journées internationales de l’anglo-arabe attirent des visiteurs du monde entier. Le reste de l’année, concours nationaux et internationaux se succèdent.

Saut d’obstacle, dressage et cross, le concours complet est à l’honneur tous les ans à Pompadour pendant la « Grande semaine » © DR – Grande semaine de Pompadour

Mais les prix ont changé depuis l’époque dorée du début du XXe siècle. En ces temps-là, le vainqueur recevait de magnifiques meubles. De nos jours, il n’est pas rare que le gagnant se voit attribuer des carottes ! Peu importe le lot, Pompadour reste un phare indiscutable de l’équitation française qui fait briller la Corrèze à l’international.

La grande semaine de concours complet se tiendra du 11 au 14 septembre 2024 au Haras de Pompadour. Plus d’informations sur le site grandesemainecomplet.shf.eu

Juliette Jouve Soler
Juliette Jouve Soler
Correspondante Actus Limousin

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