Malgré ses 93 ans, la « vieille » gare des Bénédictins fait toujours son petit effet aux voyageurs qui débarquent pour la première fois à Limoges. Fierté locale, elle devrait à nouveau remporter le titre de « plus belle gare de France ».
Les jeux sont faits ou presque ! Lancé le 30 août dernier sur la page Facebook de « Gares & Connexions », le concours pour le titre de « Plus Belle gare de France » s’achèvera demain. Avec plus de 3000 voies d’avance sur ses concurrentes, la gare de Limoges Bénédictins va, sauf énorme surprise, s’adjuger un titre qui semble lui tendre les bras.
Sur les 36 gares sélectionnées initialement, il n’en reste que 12 soit 1 par région. Après avoir largement devancée les gares de La Rochelle et de Bordeaux, la gare de Limoges Bénédictins est la candidate de la Région Nouvelle-Aquitaine dans ce concours. Les résultats sont pour l’instant sans appel face aux principales concurrentes :
- #1 – Gare de Limoges-Bénédictins : 11 300 votes
- #2 – Gare de Saint-Brieuc : 8000 votes
- #3 – Gare de Troyes : 3500 votes
- #4 – Gare d’Albert : 2 800 votes
- #5 – Gare de la Baule-Escoublac : 2 700 votes
- #6 – Gare de Valencay : 2 600 votes
Les autres gares en compétition (Rouen, Nice, Belfort…) n’ont pas dépassé le millier de votes donc à moins que 3400 bretons n’aient préparé une embuscade, il y’a peu de chance que le titre échappe à la « vieille limougeaude » !
L’histoire rocambolesque du projet de la « nouvelle » Gare des Bénédictins
L’épopée du train a commencé en 1856 à Limoges et la gare n’est à l’époque qu’une simple baraque en bois. Dès 1858, une vrai gare est construite selon les plans de l’architecte Pierre-Louis Renaud mais elle s’avère rapidement saturée avec l’ouverture de nouvelles liaisons et bien peu pratique pour gérer un trafic de plus en plus important. Sous la pression de l’État, et alors que le limougeaud Sadi Carnot est président de la République, va alors commencer une longue série de travaux : agrandissements, ajout de la marquise…
Pourtant, en 1908, Louis Barthou, ministre des Travaux Public, la juge « indigne » de la ville et l’assimile même à un « horrible taudis » ! Sommés d’agir par le gouvernement, la Compagnie du Paris-Orléans et la Municipalité vont plancher sur un projet de nouvelle gare. En réponse à l’appel à projets lancé par la Mairie, ce n’est pas moins de 7 projets qui seront proposés entre 1908 et 1917 : agrandissement, nouvelle gare, déplacement et 2 projets de gare en surélévation.
S’ouvriront alors 10 années de débats, de bataille politique, de frondes des bouchers (!), de projet validé par la municipalité puis annulé par le ministère, et il faudra attendre 1918 pour qu’une décision soit entérinée et que le budget associé soit enfin bouclé. Sous la pression du Ministère des Travaux Publics, le principe d’une gare en surélévation a la faveur et le projet est confié au jeune architecte Roger Gonthier.
Les travaux commenceront en mars 1924 et dureront près de 5 ans. Quelques 200 ouvriers seront mobilisés pour construire l’actuelle Gare des Bénédictins qui nécessitera 1 800 tonnes d’acier, 2 800 m³ de pierres et 10 000 m³ de béton. Les travaux de la charpente et de la couverture en cuivre de la fameuse coupole seront eux réalisés par des entreprises locales : la Société des Ouvriers Menuisiers de Limoges (SOM) et la Société des Ouvriers-Plombiers-Couvreurs-Zingueurs (SOPCZ).
Inaugurée le 18 Mai 1929, la nouvelle gare est pourtant loin de faire l’unanimité auprès de la population et les critiques sont vives dans la presse locale. On lui reproche son architecture massive et déjà dépassée même si les spécialistes de la construction saluent une prouesse technique. Le temps aura raison des critiques et la Gare des Bénédictins sera alors reconnue comme l’un des plus beaux ouvrages ferroviaires nationaux et enfin classée à l’inventaire des Monuments Historiques en 1975 puis labellisée « Patrimoine du XXe siècle » en 1999.
En 1979, des travaux de rénovation, prévoyant la suppression du mobilier en bois, donneront lieu à autre une histoire rocambolesque : les boiseries Art Déco de l’intérieur de la gare, avec notamment une carte touristique réalisée par le maître vitrailliste limougeaud Francis Chigot, seront escamotées par René Brissaud et des cheminots complices, désireux de protéger ce patrimoine unique, puis transportées en catimini par le rail jusqu’à la gare de Saint-Léonard avant d’être cachées pendant près de 30 ans dans une grange.
La cache sera enfin révélée en 2019 pour le plus grand plaisir du Ministère de la Culture et des amateurs de patrimoine. Ces boiseries d’origines devraient être bientôt restaurées dans les ateliers de la société Blanchon. On vous invite à lire l’article de nos confrères de Aqui ! sur l’incroyable histoire de ces boiseries.
Une réouverture du « Buffet de la Gare » prévue pour 2023
La fermeture, en Mars 2018, du « Buffet de la Gare » avait suscité l’émoi des limougeauds et il faut avouer qu’on peut difficilement faire plus triste qu’un aussi grand hall de gare ainsi vide.
Bonne nouvelle ! SNCF Gares & Connexions a enfin sélectionné un nouveau prestataire pour rétablir un service de restauration dans la gare de Limoges et surtout, il semblerait que la Direction Régionale des Affaires Culturelles et la société Blanchon aient imaginé une réplique des fameuses boiseries Art Déco comme décor des concessions commerciales qui vont être réinstallées dans la gare. Les travaux devraient normalement débuter à la fin de l’année pour une ré-ouverture du Buffet de la Gare au second semestre 2023.
Belle à l’extérieur, belle à l’intérieur, la Gare de Limoges-Bénédictins version 2023 sera alors bien difficile à faire tomber de son piédestal. Pour peu qu’un Lyon-Bordeaux ne soit enfin ré-annoncer en gare de Limoges, il faudra pincer les limougeauds pour être sûr qu’ils ne rêvent pas !