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jeudi 25 avril 2024

Création d’un Pôle Néandertal en 2024 sur le site de découverte d’un vieil homme de 60 000 ans à la Chapelle-aux-Saints

Lorsqu’ils se lancent dans l’archéologie préhistorique aux débuts des années 1900, les frères Bouyssonie ne se doutaient sûrement pas qu’ils « rencontreraient » l’un de nos ancêtres vieux de 60 000 ans à la Chapelle-aux-Saints. Après être tombé dans l’oubli, le site va voir la création d’un véritable centre d’interprétation en lieu et place du petit musée actuel.

Au début des années 1900, les trois frères Bouyssonie et Louis Bardon, 4 jeunes prêtres corréziens suivent la voie de leur ami Henri Breuil et du jésuite Pierre Teilhard de Chardin, qui prône une foi compatible avec la science et la théorie de l’évolution, et se passionnent pour la Préhistoire. Ils mènent alors des campagnes de prospection et de fouilles aux alentours de Brive-la-Gaillarde.

En 1908, les 3 frères Bouyssonie font une importante découverte : celle d’un squelette très ancien mais presque complet, dans une petite grotte nommée la « Bouffia Bonneval » sur la commune de la Chapelle-aux-Saints située à la frontière avec le Lot. A proximité, ils trouvent aussi une corne, une patte de bison et des éclats caractéristiques du Moustérien. Ils réalisent alors un inventaire complet de leurs découvertes et les mettent en lieu sûr.

Une reconstitution de la sépulture de « La Chapelle-aux-Saints 1″© V.Mourre via Wikimedia

C’est ensuite à Marcellin Boule, un cantalou alors directeur de l’Institut de paléontologie humaine, qu’est confiée la première analyse du squelette baptisé « la Chapelle-aux-Saints 1 ». Il en réalise une description très détaillée, mais son interprétation est fortement biaisée par les idées que se font alors les scientifiques sur leurs ancêtres « les hommes des cavernes ».

Il faudra attendre le milieu des années 80 et l’étude de Jean-Louis Heim pour connaitre un peu mieux les secrets de cet Homo Neanderthalensis corrézien. Heim le décrit comme un individu fortement handicapé souffrant d’une arthrite sévère, édenté et probablement âgé de 50 à 60 ans au moment de sa mort. C’est donc d’un « vieillard », pour son époque, qu’il s’agit et les autres membres de sa tribu ont pris soin de lui donner une sépulture.

C’est d’ailleurs cette dernière particularité qui donne un côté exceptionnel à la découverte des frères Bouyssonie puisque le site de la Chapelle-aux-Saints est, jusqu’à présent, la plus vieille tombe attestée découverte en France et l’une des plus vieilles en Europe.

Un « vieillard » de quelques 60 000 ans…

Le squelette découvert à la Chapelle-aux-Saints est donc celui d’un homme de Néandertal qui vivait dans la région il y’a environ 60 000 ans. L’homme de Néandertal est apparu dans la lignée Homo il y’a quelques 430 000 ans et a été la dernière espèce apparentée à notre actuelle Homo Sapiens à s’éteindre, il y’a environ 30 000 ans.

Plus robustes physiquement, mieux adaptés aux climats froids, les néandertaliens se sont répandus de l’Europe à l’Asie Centrale et jusqu’à l’Altaï, une chaine de montagnes à la frontière de la Russie, de la Chine, de la Mongolie et du Kazakstan.

La reconstitution d’un homme de Neandertal © DR

Sur le site de la Chapelle-aux-Saints, Jean-Luc Guadelli a analysé des restes d’animaux qui appartiendraient à des mammouths, des rhinocéros laineux, des rennes ou encore des bisons. De son côté, Pierre-Yves Demars a lui analysé de nombreux éclats, galets et silex et découvert qu’ils provenaient de gisements situés jusqu’à 100 kilomètres du site corrézien.

Pour avoir une idée un peu plus concrète de l’ancienneté de ce site de la Chapelle-aux-Saints, il faut rappeler que la Grotte de Lascaux, découverte une trentaine d’années plus tard à 60 kilomètres de là, est datée d’environ 21 000 ans. Jean Bouyssonie et Henri Breuil furent d’ailleurs les premiers spécialistes à explorer, comme l’a surnommée ce dernier, « la chapelle Sixtine de l’art pariétal ». L’homme de Néandertal de la Chapelle-aux-Saints est donc 3 fois plus vieux que la Grotte de Lascaux !

Un « Pôle de Néandertal » de 700 m² en 2024 pour remplacer le petit musée actuel

Après la découverte, le déplacement du squelette au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris a fait retombé le site de la Chapelle-aux-Saints dans l’oubli. En 1996, la création d’un petit musée créé par l’association « Chapelle-aux-Saints Archéologie Patrimoine » a permis d’expliquer aux visiteurs l’importance du site, de leur présenter l’histoire de la découverte et même une reconstitution de la sépulture.

Devenu trop étriqué et surtout bien modeste pour un site archéologique aussi important, le musée actuel sera bientôt remplacé par un nouveau « pôle Neandertal ». Dans un espace de 700m², ce nouvel espace accueillera un véritable centre d’interprétation sur les hommes de Néandertal et utilisera les supports modernes de médiations culturelles : bornes audio-visuelles, réalité augmentée, scénographie peaufinée. L’objectif est de pouvoir accueillir 25 000 visiteurs par an et d’être capable de s’adresser à tous les types de publics.

© DR via Département de la Corrèze

Ce projet de nouveau Pôle Néandertal à la Chapelle-aux-Saints est le résultat d’un travail impliquant de nombreux partenaires : Communauté de Communes Midi Corrézien, le département et la préfecture de Corrèze, la Région Nouvelle-Aquitaine, la DRAC, les fonds LEADER, le Plan Avenir Montagnes Investissement et la Fondation du Crédit Agricole Centre France. Son budget est estimé à 5 Millions d’€ et l’ouverture du nouveau musée est prévue pour le printemps 2024.

En attendant l’ouverture de cette nouvelle « attraction préhistorique », vous pouvez consulter le site de l’actuel Musée de l’homme de Néandertal.

Brice Milbergue
Brice Milbergue
Rédacteur en chef d'Actus Limousin

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