Une balade hivernale aux flambeaux dans le riche passé de Collonges-la-Rouge

L’Office de tourisme de la Vallée de la Dordogne a eu la bonne idée d’organiser pendant les vacances de Noël une visite guidée originale à travers le riche passé médiéval de ce village d’exception. Et qui mieux que la châtelaine en personne pour révéler quelques secrets aux privilégiés ayant participé à cette balade lumineuse ?

Rendez-vous est donné à la tombée de la nuit sur la place de la mairie par une Madame de Vassinhac plus vraie que nature. Nous parlons bien sûr de l’épouse du maître du village de Collonges au Moyen Âge et vassal du Comte de Turenne. Autant dire que la châtelaine, fort bavarde et connaissant le village et ses habitants par cœur, a charmé ce soir-là les visiteurs petits et grands par ses explications érudites.

Une Madame de Vassinhac plus vraie que nature © Juliette Jouve Soler

Pourquoi la pierre de Collonges est-elle rouge ?

S’il est géologiquement établi que la couleur rouge de la terre de Collonges, comme celle des villages voisins tels que Meyssac, est due à la présence d’oxyde de fer dans les sols de grès, une autre explication a été révélée lors de la visite. Ce serait l’œuvre du diable en personne !

La légende dit que chaque année au Moyen Âge, les chats du village disparaissaient dans les bois le soir du Carnaval. Un meunier suivit son matou pour comprendre pourquoi. Dans la forêt, il vit le diable assis sur un gros rocher, les animaux autour de lui. L’homme s’endormit et le lendemain matin, le diable avait disparu, laissant derrière lui la pierre rouge et chaude. Le meunier la toucha et rajeunit comme par magie. À noter que la pierre existe toujours aujourd’hui, au lieu dit La Chattie, et porte le nom de Chaise du diable.

Collonges, un village prospère au Moyen Âge

Le Vicomté de Turenne était alors très étendu, du Périgord au Haut Limousin, bénéficiant d’une position géographique de choix, au croisement des routes de Toulouse à Paris, et de Bordeaux à Lyon. Sans oublier qu’il était traversé par la Dordogne, rivière navigable. De plus, les Romains en avaient fait une grande exploitation agricole. Pour montrer sa richesse, un habitant fortuné devait se faire construire la plus belle maison du village, avec la plus haute tour. Collonges était alors la ville aux 27 tours. Si beaucoup ont disparu, il en reste quelques spécimens notables.

Eclairés par nos lanternes, nos pas nous conduisent ensuite à la halle. Celle-ci, remarquable par sa charpente en châtaignier, un bois tannique et imputrescible, et ses piliers de grès rouge, était le lieu des échanges commerciaux. Mais aussi l’endroit où se situait le four à pain, que les pauvres ne pouvaient utiliser qu’après avoir payé un droit de ban au Seigneur de Vassinhac.

De la bûche et de la truffe à Noël ?

Notre guide nous rappelle ensuite que la bûche de Noël n’était alors pas du tout un gâteau, mais du vrai bois. Elle était choisie avec soin, était décorée et parfois même arrosée de miel, de vin et d’épices pour la rendre bien odorante. Elle devait se consumer trois jours au moins, et jusqu’à douze, pour atteindre la date de l’Épiphanie. Ses cendres servaient ensuite de porte-bonheur toute l’année, et le charbon résiduel était utilisé pour allumer celle de l’année suivante.

Et les truffes alors ? Leur trace remonte au Moyen Âge, mais ce champignon noir poussant sous terre en hiver était plutôt donné aux cochons, car il semblait avoir été créé par quelque sorcellerie. Jusqu’à ce que le roi François Ier en déguste en Espagne et souhaite pouvoir en consommer en France. La châtelaine nous conte l’histoire d’un bûcheron collongeois pauvre, auquel une fée déguisée en vieille femme avait offert un sachet de graines à planter au pied d’un chêne pour le remercier de sa bonté. Il fit fortune, mais ses enfants firent l’erreur de rejeter la même mendiante des décennies plus tard. Pour les punir, la fée les transforma en cochons et répandit les truffes dans d’autres régions.

Collonges, un passage obligé pour Compostelle

Encore aujourd’hui, Collonges est l’étape clé du chemin de Compostelle en Corrèze et a, à ce titre, été traversée depuis des siècles par des pèlerins. Au Moyen Âge, pour pouvoir accéder au village, ils devaient montrer une lettre de crédence (l’origine du credential actuel) pour se voir ouvrir les portes de la ville. Si leur nom semblait trop original, l’entrée leur était refusée, d’où l’expression « avoir un nom à coucher dehors » !

L’église Saint-Pierre de Collonges-la-Rouge © Juliette Jouve Soler

Collonges n’échappa pas non plus aux guerres entre Catholiques et Protestants, religion à laquelle se convertit le Seigneur de Vassinhac. Le tympan de l’église fut même démonté et caché dans le mur du pignon ; il sera retrouvé, et remis à sa place d’origine, en 1924.

Vassinhac et son château aujourd’hui

Si la châtelaine qui a fait la visite ce jour-là n’était pas la vraie (malgré l’érudition et les talents d’actrice de la guide Marion le Moing), le Seigneur de Vassinhac a bel et bien existé et son château porte encore son nom. Il est désormais une chambre d’hôtes, mais il est possible de le visiter, chaque année d’avril à novembre. On peut y admirer des pièces anciennes, comme la chambre dans laquelle l’écrivaine Colette aimait séjourner.

Les visites guidées aux flambeaux à travers Collonges-la-Rouge ont eu lieu les 27 décembre 2023 et 3 janvier 2024, à l’initiative de l’Office de tourisme Vallée de la Dordogne. Une balade d’un peu plus d’une heure, rendue magique par les torches des adultes et les lanternes des enfants, pour redécouvrir le riche passé médiéval d’un des villages corréziens les plus emblématiques. A noter que ces « nocturnes au flambeau » sont aussi proposées au cours de la saison estivale. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site web de l’Office.

 

Juliette Jouve Soler
Juliette Jouve Soler
Correspondante Actus Limousin
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