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Région Limousin
lundi 7 octobre 2024

Visite dans les coulisses de la renaissance du Viaduc des Rochers noirs…

Depuis l’automne 2022, le Viaduc des Rochers Noirs est entré en restauration. Portés par le Département de la Corrèze, les travaux vont se poursuivre encore quelques mois avant de pouvoir célébrer, en septembre, la réouverture du célèbre pont suspendu sur lequel cheminait le fameux « Tacot » qui reliait Tulle à Ussel il y’a un siècle. Actus Limousin est allé au cœur du chantier.

En cette mi-février 2024, dans les gorges encastrées de la Luzège, entre Lapleau et Soursac, le Viaduc des Rochers Noirs poursuit sa mue. Depuis plusieurs mois, d’immenses échafaudages habillent les deux piles ancrées dans la roche. Suspendu à 92 mètres au-dessus du cours d’eau, le Monument historique se refait une beauté, au fil des semaines.

« Vous êtes les derniers à marcher sur ce platelage en acier. D’ici quelques jours il sera remplacé, on est entrain de le dériveter« , nous lancent Christine Coudert, cheffe de projets développement et Thierry Tromas, chef du service ingénierie et travaux au Département de la Corrèze, les « Monsieur et Madame Viaduc » du Conseil départemental. Ils suivent les travaux de manière quotidienne, et pour cause : 9,8 millions d’euros sont engagés dans ce vaste chantier (avec l’aide de la Fondation du patrimoine, la DRAC, l’Europe, la Région Nouvelle-Aquitaine et Fondation du Crédit Agricole).

Ces 800 m² de platelage à remplacer sont donc, en quelque sorte, la dernière grande phase de la restauration entreprise à l’automne 2022. « Le plus gros du chantier, c’était ça », nous explique Thierry Tromas en pointant du doigt les immenses câbles qui traversent la vallée et s’entrecroisent. Avant, le changement de la suspension du pont – qui en fait sa particularité (voir plus bas) – aura pris un an, avec l’installation d’une suspension provisoire. Et quelques chiffres qui donneraient presque plus le vertige que la hauteur de l’édifice : 160 câbles pour 5 kilomètres au total et 25 tonnes de pièces d’ancrage, étriers et suspentes. « On a conservé les deux nœuds centraux, les selles et les nœuds intermédiaires », explique le chef du Département.

Si certains éléments ont été rénovés en 1985, la majorité des pièces du Viaduc des Rochers noirs étaient encore d’origine ! © schéma : DR / photo : Actus Limousin
Le pont Gisclard, une combinaison de câbles solidement ancrés dans la roche et de nœuds centraux qui assurent la souplesse de la suspension © Actus Limousin

Pour la petite anecdote, ces nouveaux câbles ont été confectionnés à Châteauneuf-sur-Loire par l’entreprise de BTP Baudin Châteauneuf (notamment spécialisée dans la restauration d’ouvrages d’art et des ponts de type Gisclard comme celui-ci), là où avaient été réalisés les premiers câbles en 1911.

Du haut de l’échafaudage, une autre différence tape l’œil. L’une des deux piles d’une hauteur de 53 mètres est redevenue claire. L’autre, celle côté Lapleau est aussi entrain de s’éclaircir. « On a repris la maçonnerie, on a nettoyé, dévégétalisé, refait les joints, on a sablé… », liste «Monsieur Viaduc». Pour ce faire, il a fallu envelopper ces piles dans un échafaudage bâché pour que les travaux d’hydrogommage puissent se faire sans rejet dans l’environnement.

Le nettoyage des piles du Viaduc des Rochers Noirs a demandé l’installation de gigantesques échafaudages © Actus Limousin

Autre grand chantier, l’un des derniers : la remise aux normes des garde-corps. Thierry Tromas explique : « Ils étaient à hauteur de 90 centimètres. Ils sont entrain d’être réhaussés à 120 centimètres, tout en gardant le style et la matière d’origine. » Pourquoi rehausser ces garde-corps ? Tout simplement parce qu’en septembre prochain, dès la réouverture pour les Journées européennes du patrimoine, il sera à nouveau possible pour le grand public de fouler le platelage du viaduc. 19 ans après sa fermeture, lorsque le constat de péril avait été déclaré, en 2005.

« Avec cette restauration, c’est un véritable projet global de valorisation du viaduc que l’on veut mettre en place », reprend Christine Coudert. Le viaduc sera ouvert aux mobilités douces (piétons, vélos …), et des actions de valorisation touristique seront mises en place. « On travaille avec le Pays d’art et d’histoires des hautes terres corréziennes et de Ventadour pour créer des panneaux ; on va créer une application environnementale pour faire découvrir la faune et la flore de ces gorges ; on va mettre en place un parcours de géocaching Terrà Aventura… » D’autres projets événementiels comme celui d’un trail ou d’un festival pourrait voir le jour avec les acteurs locaux.

Nichée au coeur de la gorge, la « passerelle himalayenne » installée après la fermeture du viaduc permettra de proposer des boucles de randonnées © Actus Limousin

La première étape, en tout cas, sera donc cette réouverture, peut-être en présence de Stéphane Bern dont la Mission, via la Fondation du patrimoine, participe à la renaissance de ce site majeur corrézien.

Le Viaduc des Rochers Noirs, un siècle d’histoire …

Huit heures, c’est le temps qu’il fallait pour relier Tulle à Ussel à bord du Transcorrézien il y a de cela un siècle. Pour désenclaver le territoire, des petites lignes secondaires de chemins de fer comme celle-ci sont créées. Pour traverser l’étroite et profonde vallée de la Luzège, le Viaduc des Rochers Noirs est construit de 1911 à 1913 par la Société des tramways de la Corrèze, grâce à un système créé par l’ingénieur Albert Gisclard.

Pour revoir le « Tacot » en action © raileuropexpress.com

Le célèbre Tacot empruntera ce pont suspendu jusqu’au 31 décembre 1959 et nombre d’aventures seront vécues sur cette ligne. Mais la voiture vient concurrencer le train et le Viaduc des Rochers Noirs deviendra routier jusqu’en 1983. Déclaré trop fragile, il est entièrement fermé en 2005. Cinq ans auparavant, en 2000, l’édifice est classé Monument historique. Dans le monde aujourd’hui, il ne subsiste que 5 « pont Gisclard » dont 2 en France.

 

Le Viaduc des Rochers Noirs en 2020 par Raimond Spekking
Vue aérienne du chantier en 2024, au-dessus de la Luzège nichée au fond de la vallée © Jérémy Truant
Jérémy Truant
Jérémy Truant
Correspondant Actus Limousin

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