Fondée au XIIeme siècle dans la campagne corrézienne par des moines cisterciens, l’abbaye d’Aubazine est un joyau unique en son genre. Y pénétrer, c’est remonter le temps. Surtout lorsque la visite associe une découverte de l’abbaye et une initiation aux plantes sauvages comestibles que l’on peut trouver dans son cloître.
L’abbaye d’Aubazine : un site historiquement riche
Perchée sur un éperon rocheux, l’abbaye cistercienne d’Aubazine a été bâtie au XIIe siècle au cœur d’une forêt inhabitée, à 15 km de Brive-La-Gaillarde et de Tulle. Fondée en 1142 par Étienne d’Obazine, un ermite devenu abbé, ce lieu de culte se transforma vite en un centre religieux majeur du Limousin, attirant de nombreux fidèles. La sobriété de son architecture reflète parfaitement l’idéal cistercien, axé sur la simplicité et l’austérité.
En approchant de l’abbaye, on peut admirer son intégration harmonieuse dans le paysage environnant. Bien qu’elle ait souffert au fil des siècles, notamment pendant la Révolution française, elle a été restaurée et permet de découvrir la vie monastique d’autrefois.
Le savoir-faire des moines bâtisseurs
L’ampleur des bâtiments témoigne de l’importance de ce monastère cistercien. Ingénieurs hors pair, les frères iront jusqu’à creuser un canal de 1700 m, dans la falaise aux alentours, pour approvisionner l’abbaye en eau. Cet ouvrage d’ingénierie hydrologique exceptionnel (il est classé Monument Historique depuis 1965), dit Canal des moines, permettait d’acheminer l’eau vers l’abbaye, pour les besoins du monastère mais aussi pour l’irrigation des cultures. Un témoignage unique du savoir-faire des cisterciens en matière de gestion des ressources naturelles.
La légende prête aussi à Saint-Étienne un prodige à propos de l’achèvement des travaux de la fontaine du cloître, constituée d’une gigantesque meule de pierre, que les moines durent remonter depuis la vallée. Pour cela ils eurent besoin de 3 jours d’effort, aidés par 60 bœufs, et d’un miracle pour donner aux animaux la vigueur nécessaire pour amener cette pierre à destination ! Encore aujourd’hui la fontaine est considérée comme prodigieuse, au sens où depuis 900 ans son eau n’a jamais cessé de couler.
La vie quotidienne des moines à l’abbaye était rythmée par le recueillement et le travail. Ils suivaient un emploi du temps strict, qui commençait souvent avant le lever du soleil. Ils se levaient pour prier, s’engageant dans des offices qui marquaient leur journée. La salle du chapitre et le scriptorium font partie des pièces visitées.
Une orpheline nommée Gabrielle Chanel
En avançant dans l’histoire des lieux, un nom plus contemporain retient l’attention : celui de Gabrielle Chanel, alias « Coco » Chanel. Abandonnée par un père volage dans l’orphelinat de l’abbaye, avec ses deux sœurs, elle y vécut quelques années. Le doute a un temps persisté quand à la réalité de cette enfance corrézienne, car il n’en existe aucune preuve écrite mais certains disent que c’est l’élégance sobre des lieux qui aurait inspiré les premières collections de la créatrice, et notamment pour le célèbre motif noir et blanc des deux « C » entrelacés.
La maison Chanel a récemment renoué des liens forts avec ce site historique de l’enfance de la créatrice et financera prochainement d’importants travaux de restauration. Le site, classé monument historique, subit en effet les outrages du temps, et toute une partie de la toiture est en train de prendre l’eau. Cette opération de mécénat est vitale pour préserver l’édifice.
À la découverte des plantes sauvages du cloître
En sus de la prière, les moines étaient des agriculteurs. Ils faisaient pousser des légumes, élevaient des animaux et s’occupaient de leur potager. Le jardin du cloître témoigne encore aujourd’hui du type de plantes qui s’y développaient alors.
Au Moyen Âge, les jardins d’un cloître comme celui d’Aubazine devaient être beaux, à l’image du paradis, mais les moines devaient aussi manger. Ils laissaient la nature faire et avaient, en quelque sorte, déjà développé le concept de permaculture. Cet écosystème préservé autour de l’abbaye regorge de trésors biologiques méconnus (ou perdus de vue !) mais qui étaient autrefois essentiels à la vie monastique.
Aujourd’hui, on peut y faire une balade découverte des plantes sauvages comestibles du cloître, proposée aux visiteurs par « Hildegarde ». Fondatrice de l’association « Échappées sauvages » à Merlines, Laurence Talleux, a choisi ce nom de scène en référence à Hildegarde de Bingen, abbesse bénédictine du XIIe siècle, visionnaire et célèbre pour ses écrits sur la santé et l’emploi des plantes médicinales.
Son crédo : apprendre à chacun à discerner et utiliser les végétaux, et considérer la nature comme une annexe du jardin potager. Parmi ses suggestions : déguster des feuilles de tilleul, très rassasiantes, en salade. Mais aussi faire sécher puis broyer des feuilles d’ortie, très riches en minéraux et oligo-éléments (elles contiennent 10 fois plus de calcium que le lait !) et les incorporer au sel, pour profiter de leurs bienfaits quotidiennement ! Pédagogue, elle a aussi développé une méthode par acronymes pour reconnaître et identifier jusqu’à 7000 espèces de plantes !
La visite de l’abbaye d’Aubazine et la découverte des plantes comestibles nous montrent que l’histoire et la nature sont intimement liées. Et l’héritage monastique d’Aubazine, avec ses canaux ingénieux et son lien spirituel avec la terre, trouve un écho dans la redécouverte des trésors des végétaux sauvages.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site abbaye.aubazine.com.