Deux avis défavorables pour le démarrage du projet Melofolia, l’improbable rêve de parc d’attraction d’un belge « visionnaire »

Depuis 2015, l’homme d’affaires belge Didier Hodiamont poursuit le rêve de construire son « Melofolia », parc d’attraction sur le thème de la musique, sur un domaine de 200 hectares à Coussac-Bonneval. Après l’enquête publique lancée au mois de juin dernier, la commission d’enquête a rendu des avis défavorables pour le permis d’aménager et l’autorisation environnementale. Un coup d’arrêt pour l’homme d’affaires belge et son improbable projet né d’une vision sur les bords de la Meuse…

Le rêve d’un homme d’affaires belge « visionnaire »…

En 2005, alors qu’il se promène sur les bords de la Meuse à Anhée, une petite commune des environs de Namur, Didier Hodiamont, homme d’affaires belge, a une vision mystique : un piano géant «gardien de l’harmonie entre les êtres, la nature et la musique» qui sort de l’eau.

Obnubilé par cette vision, il se décide alors à quitter son travail d’ingénieur commercial pour se lancer à corps perdu dans son projet alors baptisé « Piano Plage ». Indéfini dans sa forme, le projet commence par l’inauguration du « lieu-dit » à l’endroit où il a eu sa vision à Anhée, se transforme en une bande-dessinée, et aboutit enfin à la création d’une comédie musicale qui connaitra son p’tit succès en Belgique et se produira même au Dôme de Paris.

Didier Hodiamont rêve encore plus grand et veut décliner son concept sous la forme d’un parc d’attraction thématique autour de la musique, inspiré de sa fameuse vision et baptisé « Les Géants de la Musique ». Il envisage dans un premier temps de l’implanter près de chez lui, sur le domaine de Chevretogne à Ciney mais les collectivités belges qui l’avaient pourtant soutenues jusqu’ici ne partagent pas son enthousiasme…

Des berges de la Meuse à la campagne limousine

Il décide donc de tenter sa chance du côté français et se met en quête du site pour accueillir son projet « visionnaire ». Il visite alors une soixantaine de site et c’est ainsi qu’il débarque en Limousin en 2015, du côté de Saint-Yrieix. Après avoir suscité l’intérêt des décideurs locaux, il annonce la création prochaine de « Melofolia », «parc d’émotions et de vibrations musicales» sur le « domaine de Chauffaille » à Coussac-Bonneval, ouverture prévue pour 2019

Le château de Chauffaille à Coussac Bonneval, « pièce-maitresse » d’un domaine de 200 hectares… © capude1957 – stock.adobe.com

35 millions d’euros investis, une centaine d’emplois, des centaines de milliers de visiteurs et d’importantes retombées économiques potentielles, le projet est accueilli à bras ouvert par la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix, propriétaire du domaine (composé de nombreux bâtiments et près de 200 hectares de terres et de bois) dont elle ne sait que faire. Pour attirer le projet sur son territoire, elle est d’ailleurs prête à céder le domaine à un prix de vente bien inférieur à celui du marché (800 000€, estimation : autour de 2 M€).

Après 3 ans de préparation, Dreamgest, la société créée par Didier Audiamont, présente son projet à travers une vidéo animée et annonce une ouverture pour le 18 juin 2021… Pour les financements, la société peut mobiliser 15 M€, entre ses fonds et les partenaires publics, et empruntera les 20 M€ restant à deux fonds d’investissement chinois « très intéressés » par le projet. (Toute similitude avec l’histoire d’un club de basket ne serait-elle que coïncidence ?)

Si après cette présentation, le projet peut toujours compter sur le soutien des élus, il suscite aussi de très fortes inquiétudes dans les environs et divisent les « locaux » en deux camps : ceux qui voient les retombées économiques pour un territoire rural qui vivote entre Limoges et Brive, et ceux qui s’inquiètent des impacts sur un site classé en « Zone Naturelle d’Intérêt écologique, faunistique et floristique » et se regroupent au sein de « Chauffaille Autrement ».

Rapidement les positions se crispent et même si le porteur de projet essaye de « verdir » un peu ses plans, la construction de telles infrastructures et le fondement même d’un tel projet sont loin de faire l’unanimité. Entre la peur d’une « ZAD » d’un côté, et celle de voir se répéter une histoire comme celle du « village fantôme de Courbefy » de l’autre, les deux camps n’ont d’autres choix que de s’en remettre à l’arbitrage des pouvoirs publics.

Des avis défavorables pour l’autorisation environnementale et le permis d’aménager

Pugnace, Didier Hodiamont n’as pas lâché son projet et, malgré plusieurs années de retard et de nombreux réajustements,la société Dreamgest a finalement déposé sa demande de permis d’aménager et une demande d’autorisation environnementale pour la création d’un « Parc d’émotions et de vibrations musicales » sur le site du Domaine de Chauffaille, avec le soutien de la commune de Coussac-Bonneval, de la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix, du département de la Haute-Vienne et de la Région Nouvelle-Aquitaine.

La préfecture de la Haute-Vienne a ouvert une enquête publique au mois de juin dernier, et la commission, après un délai supplémentaire en raison des nombreuses contributions et de la complexité du dossier, a finalement rendu son rapport en fin de semaine dernière et émis :

  • Un avis défavorable à la demande d’autorisation environnementale,
  • Un avis défavorable à la demande d’autorisation de permis d’aménager.

Pour motiver ses décisions, la commission d’enquête indique :

    • avoir constaté «de nombreuses imperfections dans le dossier d’enquête»
    • estimer «d’une part que ce projet ne prend pas suffisamment en considération les exigences réglementaires et préoccupations environnementales et notamment qu’il ne répond pas à la notion de Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur» et «d’autre part, il ne présente pas de volets artistique et pédagogique avérés ni de garantie financière».
    • et constater enfin  «que le porteur de projet ne dispose pas de la maîtrise foncière des parcelles nécessaires à la réalisation de son projet.»

L’ensemble des pièces présentant le projet, les demandes, les avis et le rapport complet de la commission d’enquête sont disponibles sur le site de la Préfecture de la Haute-Vienne.

Difficile de savoir si ces décisions motivées de la commission d’enquête auront raison de la foi de Didier Hodiamont dans sa vision mais elle marque pour l’instant un coup d’arrêt pour un projet qui semble encore trop souffrir d’imprécisions et dont l’impact environnemental serait indéniable sur un site sensible.

La légende de « la vision d’un piano géant sortant de l’eau » est-elle un peu trop belle pour être vraie ? Certainement ! Celle de l’homme d’affaires belge, appuyés par des investisseurs chinois, venu apporter la richesse au Limousin, aussi… Quand on voit que les plus gros parcs d’attractions rencontrent tous des graves difficultés financières au fil de leur existence, on ne peut que se réjouir que des garde-fous existent pour éviter que la construction d’un « futur paradis de l’urbex » au coeur de la campagne limousine…

Brice Milbergue
Brice Milbergue
Rédacteur en chef d'Actus Limousin
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