Cette année, c’est le thème du western et des chasseurs de prime qu’a choisi Pascal Boucher, pour sa nouvelle réalisation Robin Red Games. Depuis 12 ans, ce passionné invente, revisite ou réhabilite depuis la Corrèze des jeux inédits ou originaires d’autres pays. Rencontre avec un gamer invétéré.
De Space Crusade à Robin Red
Le jeu, Pascal Boucher est tombé dedans enfant. Il a en effet grandi à Parthenay, où se tient chaque année le FLIP, Festival ludique international, qui réunit dans la petite bourgade des Deux-Sèvres 350 000 passionnés venus du monde entier. Pascal sait quel jeu a en premier provoqué en lui un effet waouh : c’était « Space Crusade », acheté avec son argent de poche (210 francs !), dans lequel il s’est immergé lors de parties acharnées avec ses amis.
Son arrivée en Limousin se fait d’abord dans le cadre de ses études à la Souterraine, puis une expérience professionnelle dans le milieu de l’imprimerie à Brive. Il monte ensuite sa propre agence de communication. Ces expériences lui donneront un panel de compétences techniques et graphiques très utiles dans la conception des jeux : offset, vernis sélectif et autres embossages n’ont pas de secret pour lui. Mais ne plus tenir un crayon lui manque, et il décide de combiner son talent d’illustrateur et sa passion pour le jeu en créant sa société d’édition en 2012.
Au fait, pourquoi Robin Red Games ? En pleine réflexion sur la future dénomination de son entreprise, il aperçoit par sa fenêtre un rouge-gorge. Le communicant en lui sait que ce petit oiseau dispose d’un bon capital sympathie, et a en plus un joli nom anglais. Robin Red était né !
Des jeux familiaux « fait maison » et des classiques remis au gout du jour
L’indicateur infaillible de Pascal Boucher ? « Est-ce que ce jeu me procure un frisson, une excitation ? C’est alors le signe que l’idée est bonne et doit être creusée ! » L’originalité de sa démarche est de se donner la possibilité de concevoir des jeux à partir de zéro, ou d’en réinterpréter. Il a ainsi créé de A à Z le jeu « Tea, scones et Arsenic ». Le pitch de ce « party game » familial ? Un aristocrate anglais dont l’oncle vient de décéder en laissant sa fortune à plusieurs héritiers potentiels, organise une tea party agrémentée de biscuits. Certains sont empoisonnés, à différentes intensités.
La marque de fabrique Robin Red Games est aussi de revisiter ou de réhabiliter des jeux inédits ou originaires d’autres pays, et en particulier d’Asie. C’est par exemple le cas de son best-seller « Hanafuda ». Un jeu qu’il a d’abord découvert en regardant l’animé japonais Summer wars. Voulant en savoir plus, il a découvert que ce jeu très ancien, dit jeu des fleurs, reste très populaire en Asie, surtout au Japon et en Corée. Le jeu existe depuis plusieurs siècles, il est donc dans le domaine public, pas de souci de droit d’auteur… Pascal a illustré lui-même toutes les cartes et adapté les règles à un public européen en y ajoutant des symboles pour en faciliter la compréhension.
Pour son dernier-né, « Public enemy number one », Pascal a opté pour une autre démarche et a signé pour 5 créations avec un auteur, Rémy Vancampen. « One », qui se déroule dans un univers western, est le premier. Pascal pousse le sens du détail jusqu’aux noms indiqués sur les cartes, qui sont ceux de hors-la-loi ou de shérifs ayant réellement existé : le gang Wild Bunch, Kid Curry, Butch Cassidy.
Un prototype a été testé dans des bars à jeux comme l’Antre Jeux à Limoges. C’est une phase importante qui permet, à partir des réactions des joueurs, de faire évoluer l’ergonomie, ou même certaines règles. Voire carrément le thème : « One » devait d’abord se situer dans les milieus mafieux de Chicago, mais a évolué vers l’univers du western, à la cible plus large et à l’imagerie plus « sympathique ». Le prototype a également tourné sur des salons et festivals, et des joueurs qui l’ont aimé n’ont pas hésité à poster des avis positifs.
Comment Robin Red Games a su tirer son épingle du jeu ?
La France développe chaque année énormément de jeux de société, et dispose d’une bonne image, à mi-chemin entre les Américains gros producteurs et consommateurs de jeux « fun » mais qui manquent de profondeur, et les Allemands, spécialistes des jeux de stratégie. Des jeux français comme ceux de Robin Red Games concilient amusement avec profondeur et incitent Pascal à envisager de se développer à l’international. Sa participation à des salons comme le festival international des jeux de Cannes lui a permis d’entrer en contact avec des visiteurs étrangers.
À la création de son entreprise, Pascal a travaillé avec un distributeur, Abigames, qui a cessé son activité après quelques années mais plusieurs petits éditeurs, dont Robin Red Games ont alors repris la distribution Abigames. Chacun y participe en fonction de sa spécialité (illustrations, commercial, community manager…). Les jeux sont essentiellement distribués auprès de ceux que Pascal appelle les « vendeurs 2.0 » : pas de simples marchands, mais des passionnés qui savent conseiller, comme le Gobelin gaillard à Brive, qui au-delà de la vente, organise des tournois, et invite éditeurs et auteurs.
Les produits Robin Red Games étaient à l’origine fabriqués en France, mais la hausse des coûts est telle que Pascal Boucher a dû se résoudre à externaliser la production de ses jeux en Asie, mais en prenant soin de sélectionner un fournisseur aux labels de qualité FSC ou Imprim’vert. Il fait aussi planter chaque année des arbres par Tree nation pour compenser son empreinte carbone.
Damer le pion aux idées reçues sur le jeu
Si il y’a bien une chose qui agace Pascal Boucher, c’est quand il entend un adulte dire : « les jeux c’est pour les gamins, j’ai passé l’âge ». Celui qui aime citer Descartes (« l’homme est un animal ludique ») se fait alors fort de le convaincre qu’on apprend par le jeu et qu’on joue toute sa vie. Sur les milliers de jeux qui existent, il y en a forcément un qui résonnera en vous, et permettra de chasser les souvenirs d’ennui mortel aux petits chevaux ou au Trivial pursuit, par exemple. Après tout, dans jeu de société, il y a société.
Le jeu permet de développer les interactions avec ses semblables et de partager des émotions intenses. Est-il inquiet de l’essor des jeux vidéo ? Pas du tout ! « Je suis moi-même un gros joueur de jeux vidéo et je sais que les gamers sont de forts consommateurs de jeux de société, c’est dommage de les opposer. Quand on aime jouer, rien ne vaut le contact et les échanges directs. Regardez le développement un peu partout en France des bars à jeux ! ».
Pascal Boucher fourmille déjà d’idées pour de futures créations, toujours en suivant sa boussole : avoir le frisson, provoquer un effet waouh. Sa passion, il l’a d’ailleurs transmise à sa fille de 21 ans, animatrice sur le salon international du jeu FLIP. La relève est assurée !
Pour découvrir Robin Red Games et son catalogue de jeux : www.robinredgames.com