« On l’a mis au grenier, on l’a cru dépassé, mais dans le monde entier on connaît ce panier. » C’est cet air qui a ouvert l’inauguration de l’espace muséographique de La maison du cabas de Beynat. L’occasion de célébrer le renouveau du fameux sac de paille tressée, emblématique de ce village de Corrèze.
L’histoire de Beynat est dans le sac !
S’il est certain que le « cabas de Beynat » est reconnaissable entre tous, son origine restait mystérieuse. L’association Le cabas de Beynat, a donc missionné l’ethnologue et éditrice Marie-France Houdart pour remonter aux débuts de ce sac de paille tressée. A l’occasion de l’inauguration, l’auteure de l’ouvrage « L’or de la paille » est revenue sur les recherches qui l’ont conduite jusqu’en Espagne et en Belgique, pour enquêter sur la genèse du fameux sac.
Pourquoi Beynat, pourquoi le seigle ? Le Pays de Beynat est une sorte d’ilot qui signe la limite de la montagne limousine, et est plus élevé que ce qui l’entoure. « Une contrée rude et pauvre où ne poussent guère que seigle et châtaignes. » On cultive le seigle à Beynat, et le froment à Lanteuil à quelques kilomètres seulement en contrebas.
La légende, selon Marcel Champ, issu d’une famille marchande de Beynat, est la suivante : un vieux vagabond arrive vers 1850 à Beynat et demande l’hébergement. Pour remercier ses hôtes, il aide à moissonner en échange. Il tire une paille, explique qu’il a appris à faire de la tresse dans une prison espagnole, et montre comment la coudre pour en faire un chapeau. « Un chapeau qu’il avait retourné et, sur les bords duquel il avait cousu deux anses tressées, était devenu un cabas. Un jour avec quelques planches et quelques clous, il avait fait un moule et avait confectionné, en croisant ses tresses, un sac rectangulaire ». Le cabas de Beynat était né !
Du sac de paysanne à l’accessoire de mode
Le cabas en paille de seigle est alors (on parle de la fin du XIXe siècle), le sac des paysannes. Et sa confection, de la graine jusqu’à la distribution, occupe toute la population : femmes, hommes, enfants. Ceux qui sèment, cultivent, récoltent, trient, tressent…
La tresse de paille de seigle est vendue à des marchands de chapeaux, et Beynat prospère. Dans la lettre d’un instituteur du début du XXe siècle, il est écrit : « Si toute la tresse que la maison Pauliat avait vendue depuis 60 ans était ajoutée bout à bout, on aurait un ruban qui ferait plusieurs fois le tour du monde ! »
C’est l’époque des foires, colporteurs et marchands ambulants, qui permet la croissance du commerce des cabas. À cela s’ajoute, dans les années 30, l’apparition des congés payés et la vogue des villes d’eau (Royat, Vichy…), et le cabas devient un incontournable de la mode.
Le déclin s’amorce d’abord lorsque la paille de Beynat n’intéresse plus les chapeliers, qui lui préfèrent des chapeaux en paille très fine d’Italie. S’ensuivent à la deuxième partie du XXe la concurrence du sac plastique et le faible coût de la main-d’œuvre des pays émergents. La dernière fabrique de paille tressée et de cabas de Beynat ferme dans les années 70.
Et le cabas renaît…
En 2007, l’abbé Léon Pimond, homme de cœur et personnalité emblématique, fait don à la Commune de Beynat de sa demeure du XVIIIe siècle, qui abrita l’ancienne gendarmerie à cheval. Le cabas a trouvé sa maison…
La même année, l’association « Le cabas de Beynat » est créée, poussée par l’énergie d’un homme, le Docteur Michel Marcus et l’engouement de toute une population. Pascal Coste, alors Maire de Beynat, soutient avec force et enthousiasme cette initiative. L’association se donne 4 objectifs à sa création : retrouver le cycle de la paille, préserver et transmettre le savoir-faire, créer les ateliers, éditer un livre, et ouvrir un centre muséographique.
Il suffit que Michel Marcus égrène le nom des cabatières (et cabatiers !), tous bénévoles et fortement impliqués, pour que l’on comprenne pourquoi le cabas a su renaître, et à quel point la préservation du savoir-faire est assurée. Ces cabatières réalisent des sacs pour des commandes, ou pour l’espace boutique du musée. Elles aiment également transmettre leur savoir-faire sur l’art de la tresse, et de la fabrication des cabas. Des ateliers sont proposés tout au long de l’année, chacun pouvant créer son propre cabas.
Pourquoi un centre d’interprétation muséographique ?
Ce samedi de décembre signe l’inauguration d’un espace dédié à l’histoire du cabas de Beynat, racontée et illustrée pour tous. La richesse de cet espace muséographique repose sur la diversité des supports pédagogiques (visuels, auditifs, interactifs), entre tradition et innovation. Loin d’un musée statique, c’est un lieu où l’on peut toucher la matière, et échanger avec des cabatières et des cabatiers : les ateliers et le centre d’interprétation communiquent entre eux.
La première pièce est une entrée en matière qui évoque le cycle « terre, graine et paille », préalables indispensables avant d’en savoir plus sur le cabas. C’est aussi un espace boutique. Après un petit corridor, on accède à la pièce principale, l’ancienne écurie (dont les stalles et mangeoires ont été précieusement conservées !), où l’histoire du cabas est expliquée de manière chronologique. La dernière salle est dédiée aux ateliers des cabatières. C’est dans cette « ruche » qu’elles se réunissent chaque semaine pour créer, et animer les ateliers.
Malgré le temps maussade, la foule était nombreuse pour l’inauguration de ce bel espace musée, point d’orgue de la renaissance du cabas de Beynat. Non sans humour, Michel Marcus termine par ces mots : « Pour éviter le stress, faites de la tresse. Pour éviter le chaos, faites du cabas ! »