En quelques années, les 11 compères du GAEC de la Tournerie ont réussi à montrer qu’ils avaient les ressources nécessaires pour transformer leurs rêves en réalité : devenir de jeunes paysan·ne·s enjoué·e·s qui arrivent à combiner agriculture, esprit d’entreprise et valeurs sociales et environnementales.
L’impasse d’une agriculture mondialisée soumise aux lois de la finance
Depuis des dizaines d’années, l’agriculture française est dans une bien mauvaise passe : celle de la loi de la finance. Avec la mondialisation des marchés, la course au rendement et à la productivité a conduit au développement d’une agriculture toujours plus intensive, toujours plus optimisée, dans des fermes dont la surface cultivée et le nombre de têtes de bétails auraient fait bondir les anciens.
Cette course au toujours « plus » n’a pourtant pas rendu les paysans riches ! Difficultés financières, faillites et détresse sociale sont toujours le lot quotidien d’une grande partie de la profession. Le nombre d’agriculteurs a été divisé par 4 en 40 ans et plus de la moitié est aujourd’hui âgée de 50 ans ou plus. Avec une durée moyenne de 55h de travail par semaine et des week-ends inexistants ou presque, difficile de donner envie aux enfants de reprendre l’exploitation familiale. Alors on est obligé de vendre aux « grosses » exploitations du coin qui ne cessent de s’agrandir et de pratiquer une agriculture toujours plus intensive…
Une nouvelle génération en quête de « sens » qui veut changer les choses
Difficile de nier que la jeune génération actuelle a eu une enfance heureuse : éducation, santé, loisirs, divertissements… tout a été parfait ou presque pour ces enfants de la croissance des années 1980-2000. Oui mais voilà, une fois leur diplôme de grandes études en poche, ils regardent désormais le marché du travail d’un air suspicieux. A quoi bon aller mettre son cerveau et ses bras au service de grandes entreprises dont l’activité a des conséquences néfastes de plus en plus visibles sur leur environnement et celui des générations suivantes ?
Les jeunes d’aujourd’hui sont avant tout à la recherche de « sens » et ils refusent que leur activité professionnelle aille à l’inverse de cette quête. Ils sont donc de plus en plus nombreux ceux et celles qui, une fois leur diplôme d’ingénieur, de spécialiste du droit ou de la communication en poche, réalisent que le métier pour lequel on les a formé n’est finalement pas celui qui les fait rêver. Eux, ils préfèreraient être paysan·ne, maraicher·e, boulanger·e, charpentier·e, menuisier·e…
Du temps perdu ? Pas forcément, puisque ces longues années d’études leur auront au moins permis d’avoir « une tête bien faite » et de s’ouvrir au Monde. En ajoutant à cela qu’ils ont de la motivation à revendre et l’habitude de fonctionner en collectif, en « tribu », et voilà tous les ingrédients nécessaires pour bousculer les vieilles habitudes et inventer de nouveaux modèles de développement, même et surtout dans l’agriculture.
La ferme collective de la Tournerie, exemple de réussite et source d’inspiration
L’exemple de la Ferme de la Tournerie à Coussac-Bonneval est un bel exemple de ce dont est capable la nouvelle génération. Les 11 membres du GAEC ont fait des utopies de leur jeunesse une réalité et ils développent petit-à-petit leur activité sur une ferme de 83 hectares, acquise par « la Foncière Terre de liens », le pendant d’investissement de l’association Terre de Liens qui œuvre pour faciliter les nouvelles installations paysannes.
Après 5 ans d’exploitation, le bilan est des plus positifs puisque le GAEC produit et vend, en circuit local, des fruits et des légumes, du pain, de la bière, de la viande de porc et de boeuf, des fromages de vache et de chèvre, des yaourts, de la crème fraiche etc… Si une bonne partie de leurs produits sont certifiés « bio », ils défendent avant tout une agriculture paysanne.
Le reportage de nos confrères de « Brut. » à la ferme de la Tournerie en Juillet 2020
Alors certes ils·elles ne roulent pas sur l’or, leur salaire est équivalent au SMIC mais ils ont la liberté de faire les choses comme ils l’entendent. L’organisation collective leur permet une bonne répartition du travail et grâce à une rotation pour les permanences, obligatoire en élevage, ils ont même des week-ends et des vacances, un véritable luxe dans la profession.
Car le droit au temps libre, même dans l’agriculture, fait partie des revendications du collectif tout comme celui à passer du bon temps. A la ferme de la Tournerie, c’est souvent animé que ça soit avec un concert, un spectacle ou une bonne bouffe. La ferme devient alors un lieu de rassemblement populaire où viennent se retrouver les habitants des environs qui repartent de là un sourire aux lèvres et un panier bien garni au bras.
Alors si des jeunes « néos » arrivent à produire et vendre des bons produits pour vivre décemment de leur activité sans pour autant viser le toujours plus, il est logique qu’ils fassent des émules dans leur génération. Et si c’était eux l’avenir de l’agriculture française ?
Pour toute information, rendez-vous sur la page facebook de la Ferme collective de la Tournerie.