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mercredi 11 décembre 2024

Combien ça coûte une Limousine ? Reportage au marché de bétail du Cadran d’Ussel, une importante place de vente de la race limousine

Tous les mardis matin, c’est la même histoire : on assiste à des embouteillages sur les routes qui mènent à Ussel, en provenance d’Egletons, de la Courtine, de Neuvic… Dans une région où le trafic est toujours très fluide, cela a de quoi surprendre ! On a mené notre enquête.

Les fautifs ? Les tracteurs de dizaines d’éleveurs qui transportent quelques têtes de bétail pour aller les vendre au Cadran d’Ussel. L’embouteillage n’est jamais long et à 9h30 c’est déjà fini. Les ventes aux enchères commenceront elles à 10h30…

Sur le parking du Cadran, des tracteurs de toutes les couleurs… © Actus Limousin

Le Cadran d’Ussel c’est LA place de vente aux enchères de référence des bovins de race limousine. Les éleveurs viennent de Corrèze et de Creuse, mais aussi de Haute-Vienne, du Cantal, du Puy de Dôme, ils y amènent les vaches, taureaux et broutards qu’ils souhaitent vendre. En moyenne, c’est quelques 370 têtes de bétail vivantes qui sont négociées le mardi matin au Cadran, chaque semaine de l’année, soit un peu plus de 18 000 animaux par an.

Plus de 300 vaches qui patientent ça fait forcément un peu de bruit © Actus Limousin

L’infrastructure du Cadran est composée de deux zones de triages qui entourent une salle des ventes. Dans la première zone, les bêtes sont identifiées et numérotées puis attendent, à la queue-leu-leu, leur passage en salle des ventes. Dans la seconde zone, les bêtes sont rassemblées par acheteurs puis chargées dans des camions de transports de bestiaux. Au milieu, un monde secret, avec ses personnages, ses codes, son jargon…

La salle des ventes du Cadran, un lieu mystérieux pour les néophytes… © Actus Limousin

Une bonne cinquantaine de personnes a pris place dans la salle des ventes. Certains sont là depuis le petit matin, d’autres arrivent juste avant le début des enchères. Éleveurs en bottes, ouvriers agricoles en blouse, propriétaires et acheteurs en veste matelassée, à chacun son uniforme.

50 nuances de bleu… © Actus Limousin

Sur l’écran, des informations sur la vente en cours : âge de l’animal, race, poids, vaccination, etc… Derrière son pupitre, Jérémy égraine les chiffres : 800-810, 810, 820… Les acheteurs font monter le prix en indiquant leur offre sur un boitier numérique. 850, 900, 900, 900, vendu ! Le lot est attribué à l’acheteur, identifié par son numéro et la vente suivante commence.

La panoplie parfaite de l’acheteur / Certaines vaches essayent de savoir ce qu’il se passe… © Actus Limousin

Les ventes vont bon train pendant près de 2 heures et la salle ne désemplit pas. Jérémy continue sa litanie de chiffres sans rien perdre de sa concentration. Parfois, un lot ne trouve pas acheteur au prix minimum fixé par le vendeur et l’animal repartira d’où il était venu ou sera renégocié à posteriori. Vers la fin de la matinée, les ventes sont plus souvent groupées : une vache avec son veau, des lots de 3 à 7 broutards…

Une grande majorité des animaux proposés ce matin aura trouvé preneur à des prix bien plus élevés que les années précédentes…

Le marché au bétail : un véritable outil de régulation du marché aux profits des éleveurs

Dans le monde agricole, la relation entre les éleveurs et les maquignons a toujours été ambiguë. S’ils ont besoin les uns des autres, les spécialistes du négoces ont souvent eu le dessus sur des vendeurs bien obligés de faire rentrer un peu d’argent pour continuer à financer leur activité. Et plus les acheteurs se font rares, plus ils ont le pouvoir de dicter des prix qui leur garantissent une plus grosse part du gâteau.

Dans « Profils paysans », Raymond Depardon a d’ailleurs bien capté la subtilité théâtrale du métier de maquignon (voir extrait ci-dessous), la scène se poursuivant ensuite à l’extérieur où l’acheteur ira même jusqu’à remonter dans sa voiture avant de revenir dans la cuisine pour conclure l’offre au prix qu’il avait défini au départ…

Extrait de « Profils Paysans » (2001) / © Raymond Depardon

Et si la création des « coopératives » a permis aux éleveurs de mutualiser un peu leurs efforts, les prix d’achat de la viande bovine limousine n’avaient quasiment pas progressé depuis les années 80. Créé en 2004, le marché au bétail d’Ussel a donc permis de disposer d’une place de vente réunissant plus d’acheteurs et offrant ainsi aux éleveurs, pour une fois, les bénéfices de la mise en concurrence. Mais une gestion un peu litigieuse et surtout l’impayé de plusieurs centaines de milliers d’euros d’un acheteur a mis à mal la structure en 2018.

C’est à cette époque que l’équipe actuelle, composée de Gilbert Mazaud, éleveur en Creuse et président du Cadran, de Marine Seinche, éleveuse en Corrèze et directrice du Cadran, et des 12 autres membres du Conseil d’Administration, a repris en main la gestion de la structure. Grâce à un prêt bancaire et un prêt de la Région Nouvelle-Aquitaine, ils ont pu relancer l’activité, améliorer sa gestion financière et regagner la confiance des éleveurs.

Aujourd’hui, les cotations hebdomadaires du marché au bétail d’Ussel sont mises en ligne sur le site de la Fédération Française des Marchés de Bétails Vifs (https://www.fmbv.fr/) et servent de référence aux éleveurs du territoire qui vendent leurs animaux directement à la ferme ou en coopérative. L’autre avantage pour les éleveurs c’est le système d’affacturage qui fait du Cadran un intermédiaire de la transaction afin de garantir un paiement plus rapide que dans une transaction directe. En contrepartie, le Cadran touche 2.8% des ventes payé par les 2 parties.

Administrés par des éleveurs, qui dédient beaucoup de temps et d’énergie en plus de leur activité agricole, le cadran d’Ussel retrouve peu à peu sa bonne santé économique et joue à nouveau pleinement son rôle d’intermédiaire aux services des éleveurs.

Alors ? Combien ça coûte une « limousine » ?

On en arrive enfin à la question cruciale du prix actuel d’une limousine. Alors que les prix étaient relativement stables pendant plusieurs dizaines d’années, en dépit de l’inflation et au détriment des éleveurs, ils connaissent une forte augmentation en cette année 2022.

Le cheptel bovin français se réduit d’année en année et l’élevage fait de plus en plus souvent place à la culture céréalière (pour l’alimentation ou la production d’énergie), plus rentable et moins contraignante. Le cheptel de vaches allaitantes et de vaches laitières est en déclin en raison d’une rentabilité sans cesse mise à mal et on tend donc vers une pénurie dans la production de viande qui repose de plus en plus sur les races réputées pour leur qualité bouchère.

Cette raréfaction profite donc aux éleveurs limousins qui voient leur prix de vente augmenter au fil des mois et atteindre des niveaux encore inespérés l’an passé où les invendus étaient bien plus fréquents et tiraient les prix vers le bas. Aujourd’hui, au Cadran d’Ussel les animaux de race bovine limousine se vendaient :

  • environ 3.70€.kg pour les mâles (prix vif)
  • environ 3.30€/kg pour les femelles (prix vif)

Une partie des animaux vendus sur le marché aux bétails d’Ussel poursuit sa carrière à l’international et notamment les broutards qui sont souvent envoyés vers l’Italie, au Maghreb ou en Israël où ils sont engraissés puis consommés sur place ou revendus à l’export.

Direction l’Italie en transport climatisé pour un bon nombre de broutards limousins… © Actus Limousin

Si vous souhaitez assister à une « vente au cadran », rendez-vous le mardi matin au Cadran d’Ussel situé dans la « Zone de l’Empereur », à la sortie d’Ussel en direction de Saint-Angel.

Un grand merci à Gilbert Mazaud et Marine Seinche qui ont pris le temps d’éclairer un néophyte et de lui faire une visite guidée un jour de grande animation…

Brice Milbergue
Brice Milbergue
Rédacteur en chef d'Actus Limousin

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