Limoges Métropole vient d’annoncer le lancement des travaux d’aménagement d’une « voie verte » sur les boulevards du Mas Bouyol et de Vanteaux. Un projet qui vise à favoriser les déplacements doux mais qui, comme souvent lorsqu’il s’agit de partager l’espace public, divise des « pros » qui le jugent pas assez ambitieux et des « antis » qui estiment qu’il coûte trop cher aux contribuables…
Le retour en grâce de la bonne vieille bicyclette pour se déplacer au quotidien n’est pas un phénomène de mode. Entre la prise de conscience croissante de l’impact environnemental de la voiture individuelle, l’avènement des vélos à assistance électrique, la forte hausse du prix du carburant, ou bien le besoin de lutter contre une sédentarité croissante, l’utilisation croissante du vélo comme mode de déplacement urbain répond à de nombreux problèmes.
Les ventes de vélos ont explosé depuis l’épidémie de Covid-19 et les cyclistes du quotidien sont de plus en plus nombreux, notamment parmi les étudiants et les jeunes actifs. Si elles veulent continuer à développer cette pratique vertueuse pour leurs habitants, les grandes villes doivent disposer d’infrastructures adéquates. Limoges Métropole essaye de rattraper doucement son retard, mais sans trop bousculer les habitudes des automobilistes locaux…
Objectif : 4% de cyclistes à Limoges en 2030
Il faut bien avouer que Limoges a longtemps été une ville où la voiture était reine. Entre une topographie accidentée, un trafic très fluide même aux heures de pointes et des habitudes de déplacement motorisé ancrées dans le mode de vie local, la capitale limousine n’était pas du tout adaptée à la pratique du vélo et les cyclistes y étaient rares à l’exception du fameux « homme en bleu » chevauchant en bottes sa fidèle bicyclette aux quatre coins de la ville…
Ces dernières années, la prise en compte des déplacements doux s’est enfin invitée dans les projets publics et Limoges Métropole met en œuvre son « plan des déplacements urbains » qui vise à favoriser les déplacement en transport en commun et l’utilisation du vélo comme mode de déplacement urbain. Le « plan vélo » de la communauté d’agglomération prévoit la création progressive d’aménagements cyclables à raison de 10 km par an pendant 8 ans et vise à augmenter la part modale du vélo à 4% d’ici à 2030.
Une « voie verte » entre l’Aurence et la fac de Lettres
Pour cette année 2024, le projet phare en terme d’aménagement concerne la création d’une « voie verte » entre le carrefour de l’Aurence et le campus de Vanteaux. Cette voie réservée à l’usage des piétons et à la circulation non-motorisée viendra remplacer le trottoir actuel, déjà autorisé aux cyclistes, sur un espace de 3 à 4 mètres de large en enrobé stabilisé.
Le chantier devrait s’étaler sur 9 mois et inclut aussi la plantation de nouveaux arbres le long du parcours. La longueur de ce premier tronçon est de 1.9 km et Limoges Métropole étudie une possibilité de prolongation jusqu’au Campus de la Borie pour relier deux des principaux pôles universitaires de la ville.
Pas assez ambitieux ? Trop cher ? Le point sur les critiques
Le monde est divisé en deux catégories : ceux qui aiment pédaler et ceux qui détestent les cyclistes… Ce n’est pas parfaitement vrai mais les projets qui visent à faciliter la cohabitation entre les vélos et les voitures font souvent l’objet de vives critiques, chaque « camp » ayant une vision opposée selon sa propre réalité.
Un projet qui coûte cher aux contribuable ?
La critique principale que font les détracteurs de cette « voie verte » c’est le coût du projet. Évalué à 951 000 € TTC, il n’en coûtera pourtant que 20% à Limoges Métropole car il est co-financé à hauteur de 80% par l’Etat et l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne.
Avec seulement 190 000 € d’investissement supporté par les contribuables pour un axe qui devrait être emprunté par 1000 à 2000 piétons et cyclistes par jour et offrir plus de sécurité, l’argument du coût ne tient pas vraiment la route…
Un projet pas assez ambitieux ?
Du côté des « pros vélo », les arguments sont en revanche beaucoup plus étayés concernant le manque d’ambition de ce projet de voie verte qu’ils jugent, eux-aussi, très couteux sous la forme retenue, mais surtout dangereux et rapidement obsolète.
L’association « Véli-Vélo », qui œuvre à la promotion du vélo comme mode de déplacement au quotidien dans l’agglomération de Limoges est très critique sur le projet et avance une série d’arguments sur une page dédiée au sujet sur son site web, par exemple :
- On ne fait pas une « voie verte » sur un trottoir : c’est contraire aux recommandations de la CEREMA, établissement public de conseil pour l’aménagement et les transports. Véli-Vélo reproche par ailleurs qu’un « budget vélo » soit utilisé «pour refaire un trottoir».
- La largeur est trop faible pour le trafic espéré d’ici à 2030, l’ouvrage pourrait donc être vite obsolète, générer des conflits d’usages et finalement s’avérer dangereux pour les piétons comme pour les cyclistes.
- Le choix du sable stabilisé double le coût du projet et n’est pas justifié, il est deux fois plus cher que l’enrobé et le parcours sera ombragé donc moins sensible à la chaleur.
« Véli-Vélo » aurait plutôt souhaité que, comme dans de nombreuses autres agglomérations, la création d’une véritable piste cyclable se fasse en « recyclant » une voie de circulation pour créer une voie séparée. Il est vrai que lorsque cela est possible, c’est une solution qui allie une grande sécurité pour les cyclistes et un coût modéré. Les boulevards limougeauds sont en 2 X 3 voies, et il semble qu’une réduction en 2 X 2 voies aurait pu être envisagée afin de proposer une véritable infrastructure cyclable digne de ce nom.
Il aurait fallu pour cela être prêt à affronter, pendant quelques mois, la colère de certains automobilistes qui seront de toute façon impactés pendant toute la durée des travaux et qui partout ailleurs ont bien fini par s’habituer aux nouvelles contraintes de circulation…
Conclusion : c’est déjà ça, mais ça ne sera pas suffisant…
Cette « voie verte » aura donc au moins le mérite d’exister, mais les choix portés dans ce projet montrent effectivement que, pour l’instant, la 2ème communauté d’agglomération de Nouvelle-Aquitaine n’est pas encore prête à se doter d’une infrastructure cyclable digne de ce nom. Certes Limoges ne sera jamais Amsterdam, Copenhague ou Strasbourg mais une chose est sûre : plus il est confortable et sûr de circuler à vélo, plus il y’a de cyclistes, plus c’est compliqué, plus il y’a d’automobilistes, et plus il y’a de « bouchons » !
Pour plus d’informations sur la démarche « Mobilité(s) » de Limoges Métropole, rendez-vous sur le site dédié.