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Région Limousin
jeudi 12 décembre 2024

Le marché de Felletin, l’un des plus beaux du Limousin, attire les amateurs de bons produits même à la saison froide !

Pour voir l’un des plus beaux marchés du Limousin, il faut mettre cap à l’est, direction la Creuse où, chaque vendredi matin, Felletin se transforme en un vaste marché à ciel ouvert. Les amateurs de bonne chère et de convivialité y viennent, parfois de très loin, pour s’approvisionner en produits de qualité.

Même en hiver, ils sont entre 50 et 100 à déballer leurs marchandises, de 8 h à 13 h, dans les rues et sur les places rendues aux piétons pour l’occasion. Ce marché est attesté depuis au moins le XVIIe siècle à Felletin, bourgade qui s’est développée aux XIIe et XIIIe siècles grâce aux foires et marchés. Les commerçants viennent de loin pour proposer leurs produits en circuit-court : Allier, Puy-de-Dôme, Haute-Vienne, Corrèze et bien sûr des quatre coins de la Creuse. Quand aux habitués, ils font parfois une heure de route pour s’approvisionner en produits locaux et souvent bio.

Jour de marché à Felletin vers 1910 © Domaine public / Théodule Garmon via Cparama

Le marché est très bien achalandé, on y trouve volaillers, bouchers, poissonniers, maraîchers, fromagers, boulangers, maraîchers, ainsi que du chocolat, du miel, du vin, des artisans d’art, des herbes aromatiques, de quoi se vêtir etc… le tout dans une ambiance conviviale et bon enfant. Les premiers frimas n’arrêtent pas les consommateurs qui déambulent au pied de l’église du Moutier, Place Charles de Gaulle, dans la Grande Rue, la route d’Aubusson, la rue du marché et Place Courtaud. L’authenticité est au rendez-vous et les clients y reviennent.

Producteurs et artisans viennent de loin jusqu’au coeur de la Creuse

Une longue file d’attente qui s’est formée devant la table pliante installée près d’un camion est un premier indice. Ici on s’arrache le Saint-Nectaire fermier du GAEC Besson à 21 € pièce affinée sur la ferme à 1 100 m d’altitude. Le producteur affineur vient depuis le Puy-de-Dôme un vendredi sur deux. « On vient toute l’année et depuis 2019, je remplace mon grand-père qui était sûrement le doyen du marché, il a 90 ans.» signale le petit-fils. Le temps d’échanger ces quelques mots et la file s’est déjà reformée.

Venu de Tauves, ce vendeur de Saint-Nectaire qui remplace son grand-père de 90 ans, a encore eu du succès © Corinne Mérigaud

On gagne la Place Courtaud en passant devant un étal multicolore et parfumé qui déborde d’olives, de fruits secs, d’épices et de plateaux pour les fêtes. Venue d’Ussel, Maryse Lafilolie élève des canards depuis 2001 et vient toute l’année depuis trois ans. Elle y écoule magrets, foie gras et figues fourrées au foie gras, des incontournables pour les fêtes. « Le canard se vend toute l’année, l’été pour les barbecues » indique l’éleveuse,« je fais le marché d’Ussel samedi mais Felletin, c’est un très bon marché, encore plus l’été avec les animations, avec les habitués, les creusois et les gens du Plateau corrézien. Il y a beaucoup de maisons de famille, ça nous amène du monde l’été. » Avec les fêtes, la demande grimpe à 100 canards ce mois-ci contre 40 l’été « et il n’y en pas assez ! »

Été comme hiver, Maryse Lafilolie trouve toujours de la clientèle pour ses produits à base de canards © Brice Milbergue

En face, les poteries colorées de Thomas Hennebert intriguent les passants qui s’arrêtent pour discuter. Des décors végétaux sont incrustés dans ses tasses, mugs et bols en grès cuits au feu de bois. « Je ramasse ce que je trouve dans le jardin, des feuilles d’érable, de ginkgo, de la consoude, des plumes…» Ses pièces de poterie sont cuites deux fois dans un four de 300 L, d’abord à 1000°C pour fixer le décor puis à 1350°C pendant 20 h. Il utilise 1,5 à 2 stères de bois à chaque fournée (des chutes de scierie, du résineux, du feuillu). « Le feuillu dégage plus de cendres, cela modifie le décor. Chaque pièce est unique avec toujours la surprise en ouvrant la porte du four. » Cet ancien charpentier couvreur a retrouvé son âme d’enfant, lui qui adorait « trifouiller dans le feu. » Installé à Linard Malval, au nord de Guéret, il a 1h de route pour venir. « Felletin, c’est un super marché, il y a du monde qui vient de loin, ça vaut le coup pour les ventes. »

Les poteries cuites au feu de bois et incrustées de végétaux de Thomas Hennebert © Brice Milbergue

« C’est un très bon marché […] avec une chouette ambiance ! »

On aperçoit de loin la grande photo du cheval d’un maraîcher adepte de la traction animale. Il travaille la terre sans la retourner en profondeur. « C’est un très bon marché qui tourne bien toute l’année avec une chouette ambiance ! » assure Jérémie Reecht. Cet ancien comédien s’est reconverti pour redonner du sens à sa vie. « J’avais besoin de retourner à la terre, de travailler dehors, de ne plus vivre en ville. Maraîcher s’est imposé comme une solution.»  Depuis six ans, il cultive des légumes de saison bio sur 5 000 m² à Champagnat aidé par Ukraine, sa jument comtoise. « Elle a 15 ans, elle est plus expérimentée que moi » ironise-t-il.

Fidèle du marché, Jérémy Reecht, ancien comédien reconverti en maraicher a fait le choix de la traction animale © Brice Milbergue

Un panneau attire le regard et invite au voyage. Au temps où les marins défiaient l’Atlantique pour remplir la cale de haddock. Un atelier artisanal de fumaison perpétue ce savoir-faire à Sainte-Anne-Saint-Priest. Harengs, maquereaux, truites, saumons et haddocks achetés à Limoges sont découpés, préparés et fumés au bois pour le régal des fins palais. « Le temps de fumaison dépend de la taille du poisson » précise l’employé,« c’est plus longtemps pour le maquereau, le plus vendu. » Ce Nigérian est arrivé en France voilà deux ans après un long périple. Suite à un stage de fumaison, il a été embauché. « Je connais bien les poissons car ma mère est pêcheuse. » Il a trouvé son port d’attache en Limousin où il souhaite rester.

Pour finir, un arrêt s’impose chez le chocolatier 1000 cabosses basé à Vallières. A l’arrière de son camion sont notés ses cinq marchés hebdomadaires, aux 4 coins du Limousin. « Vous pouvez enlever Panazol ça ne vaut pas le coup » lance François Fressinaud, «Felletin est réputé, c’est mon 10ème Noël là, mais je suis ici tout les vendredis parce que du chocolat, on en mange toute l’année. »

Du chocolat fourré à la myrtille de Creuse, et ben c’est vachement bon ! © Brice Milbergue

A la recherche d’une reconversion, cet ancien prof’ de SVT a opté pour un CAP chocolaterie. « Je voulais travailler dans un métier de bouche d’avenir sans me lever à 4 h comme un pâtissier. » Maintenant, il transforme le chocolat en carrés, figurines ou tablettes fourrées avec de la pulpe de fruits locaux quand c’est possible. « La mairie a joué le jeu. Quand la place a été refaite, on n’a pas été déplacé sans arrêt, les commerçants sont respectés. Et puis il y’a des parkings gratuits autour. Même le maire fait ses courses sur le marché ! » conclut-il.

Des aménagements qui participent aussi à l’attractivité de ce marché de Felletin, devenu une véritable institution dont la renommée dépasse très largement, et depuis bien longtemps, les frontières de la petite bourgade de 1536 habitants…

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