Depuis le 2 octobre, les patients d’Arnac-la-Poste mais aussi des communes voisines peuvent venir en consultation au centre de soins ouvert par l’association « Médecins solidaires » en partenariat avec l’ARS Nouvelle Aquitaine. Des médecins de toute la France s’y relaient pour assurer la permanence des soins.
Six années sans médecin, une éternité pour des centaines de patients laissés au bord de la route. La petite commune d’Arnac-la-Poste, dans le nord de la Haute-Vienne, désespérait de trouver un médecin généraliste après que le dernier « docteur » ait rendu sa blouse en 2014 pour cause de retraite.
S’en est suivi alors une décennie chaotique sans solution pérenne. Si une médecin d’origine roumaine avait bien pris le relais, elle a jeté l’éponge un an après. Il faudra attendre deux ans pour qu’un nouveau praticien, espagnol celui là, prenne la relève… mais ne reste que trois mois seulement.« Ce fut des expériences douloureuses… » se souvient le maire Sophie Drieux, « ils ne manquaient pourtant pas de patients ! Nous sommes à 10 km de la Creuse et de l’Indre, nous savions que sur Chaillac et le nord de la Creuse, des patients recherchaient un médecin. Il y avait un besoin crucial sur ce territoire qui n’est pas un vrai désert médical mais pas loin car il est identifié comme zone blanche par l’Agence régionale de santé. »
Et à 6 km de là, les médecins de Sulpice-les-Feuilles partiront bientôt à la retraite. C’est après avoir vu un reportage sur « Médecins solidaires », voilà un an, que l’élue contacte le docteur Martial Jardel, médecin au Dorat, l’un des fondateurs de l’association. Et tout va s’enchaîner très vite.
Un projet mûri sur le terrain
Après avoir effectué un tour de France en camping car d’un an pour épauler des médecins en zone rurale, Martial Jardel réfléchit à un concept pour lutter contre les déserts médicaux. Avec l’association « Bouge ton coQ » !, il crée « Médecins solidaires ». L’association compte aujourd’hui 550 médecins qui consacrent quelques jours par an aux patients des centres de soins de l’association. Un tiers sont des remplaçants, un tiers sont des retraités actifs et un tiers médecins exercent en libéral.
Ce temps partagé solidaire permet d’assurer la continuité des soins de milliers d’habitants qui n’avaient plus de médecin traitant. Et le slogan de l’association prend ainsi tout son sens : « Au lieu de demander beaucoup à peu, on peut essayer de demander peu à beaucoup. »
Un investissement de 73 000 euros
A Arnac-la-Poste, le projet s’est concrétisé fin mai. Après avoir visité le cabinet médical, le Dr Jardel recontactait le maire, le lendemain, en lui proposant une ouverture le 1er septembre. Sophie Drieux négociait un mois de plus, le temps de trouver les financements pour réaliser les travaux nécessaires, notamment l’aménagement de l’étage. Le centre de santé solidaire a ouvert, le 2 octobre, dans le cabinet médical situé près de la pharmacie.
La municipalité a réalisé des travaux pour rendre les lieux plus fonctionnels. « Ce fut un vrai challenge pour la municipalité car la plupart des entreprises sont fermées en août » raconte-t-elle, « il a fallu créer un point accueil et une salle de repos à l’étage pour les personnels. » Un investissement important de 43 000 € pour cette commune de seulement 900 âmes, auquel il a fallu ajouter près de 30 000 € pour l’achat de matériel médical et informatique ainsi que pour le raccordement aux réseaux. « Des subventions sont attendues du Département et de l’État à hauteur de 33 000 € couvrant près de 80 % du montant des travaux » se réjouit-elle.
Marine et Béatrice, deux coordinatrices assistantes médicales, ont été recrutées parmi les 60 candidatures reçues. Elles gèrent es prises de rendez-vous, les formalités administratives et accueillent les patients. Elles sont surtout les indispensables courroies de transmission entre les patients et les médecins qui se succèdent chaque semaine.
« Trois mois après l’ouverture, ça marche plein pot ! » se félicite le maire, « nous n’avons que des retours positifs. Le turnover des médecins aurait pu effrayer les patients mais au contraire, ils n’ont jamais été aussi écoutés, car les médecins regardent les traitements qu’ils ont depuis longtemps. Beaucoup de patients ont choisi le centre de soins comme médecin traitant. » Le dernier créneau de la journée est réservé aux consultations en urgence, ce qu’apprécie la patientèle. La structure est ouverte 42 h par semaine et 50 semaines par an.
Des milliers de consultations
Grâce à « Médecins Solidaires », sept centres de santé ont pu ouvrir en deux ans, les deux premiers en Creuse : à Ajain en octobre 2022 et à Bellegarde-en-Marche en juin 2023. Deux généralistes sont affectés dans chacun de ces centres pour recevoir les patients contre un seul dans les autres. En 2024, un nouveau centre a ouvert en février à Charenton-du-Cher (Cher) et au mois de juin c’est celui de Chantenay-Sain-Imbert (Nièvre) qui ouvrait ses portes. L’année s’est achevée par les ouvertures de Mérigoute (Deux-Sèvres) et de Ruilly (Indre). Le succès du concept ne se dément pas au fil des mois.
A Arnac-la-Poste, ce sont déjà 800 consultations qui ont été effectuées en trois mois. Ainsi, 225 patients ont choisi ce centre de santé comme médecin traitant, 27% sont en affection longue durée. Cerise sur la gâteau, vingt-cinq médecins sont déjà inscrits sur le planning de soins pour les prochaines semaines.
En un peu plus de deux ans, 33.000 consultations au total ont été réalisées et 6.400 patients ont choisi un centre de santé « Médecins Solidaires » comme médecin traitant, 25% étant en affection longue durée. Grâce aux conventions signées l’an dernier avec l’ARS de Nouvelle-Aquitaine de même qu’avec la Région Centre-Val de Loire, l’ARS et la Préfecture Centre-Val de Loire, plusieurs centres de santé ouvriront sur les trois ans à venir dont un dès le mois de mars au Mas-d’Agenais dans le Lot-et-Garonne.
Pratique
Numéro de téléphone du centre de santé d’Arnac-la-Poste : 05 55 68 00 50
Pour plus d’informations sur l’association « Médecins Solidaires » : medecins-solidaires.fr
