Verra-t-on à nouveau des trains circuler sur la ligne ferroviaire Tulle-Ussel-Clermont-Ferrand ? Et si, comme avant, on pouvait monter à bord d’un TER en gare d’Ussel et en sortir en gare de Clermont-Ferrand ? Pour passer de ce rêve à la réalité, il faudrait que la région Nouvelle-Aquitaine, la région Auvergne-Rhône-Alpes et l’État s’alignent et tombent d’accord. Nous avons enquêté.
5 juillet 2014, le train TER relie pour la dernière fois Ussel à Clermont-Ferrand en passant par la vallée du Chavanon. Le lendemain, 6 juillet 2014, la gare d’Eygurande-Merlines n’est plus desservie. Et la gare d’Ussel devient un terminus. Des bus de substitution sont mis en place.

Plus de 10 ans plus tard, les rails sont toujours là. Les traverses disparaissent peu à peu dans la terre et la végétation reprend ses droits. La forêt pousse jusque sur les viaducs en pierre. Sur la bien nommée place de la Gare à Merlines, cette dernière est inaccessible, de grandes planches en bois remplacent les portes. Pourtant à sa grande époque, Merlines-Eygurande était un nœud ferroviaire d’une envergure importante.
Si les rails sont toujours en place, c’est parce que la ligne a été fermée pour cause de vétusté mais non déclassée… pour potentiellement rouvrir un jour ? C’est cette petite lueur d’espoir que tentent d’entretenir les défenseurs de la ligne : associations, usagers, syndicats, élus et habitants.
Tous étaient réunis devant la gare d’Ussel le 14 février dernier. Une Saint-Valentin en guise d’électrochoc. Il y a un peu plus d’un mois, les manifestants ont réclamé la réouverture de cette ligne Tulle-Ussel-Le Mont-Dore-Clermont-Ferrand (parce que la ligne Laqueuille-Le Mont-Dore est elle aussi fermée aux voyageurs depuis 2015).

François Hollande, député de la 1ère circonscription de la Corrèze, et ses deux homologues députés du Puy-de-Dôme, Nicolas Bonnet et Christine Pirès Beaune, ont d’ailleurs fait lettre commune pour solliciter « les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine, le Ministre des Transports et la SNCF pour reprendre les discussions, dans les meilleurs délais, sur l’avenir de la liaison Clermont-Ferrand – Tulle ».
Le Ministre des transports annoncé en gare d’Ussel…
Un mois plus tard, plusieurs bruits de couloir ont annoncé une visite imminente en terres corréziennes du Ministre des transports Philippe Tabarot mais aucune date n’est confirmée pour l’instant. En attendant, nous avons recherché les éléments à la disposition de chaque partie pour tenter de comprendre comment, dix ans après, rien n’a bougé.
Du côté des Contrats de plan Etat-Région (2021-2027), les fameux CPER, tout d’abord. Que ce soit sur celui signé avec Aura ou celui signé avec la Nouvelle-Aquitaine, aucune trace d’un engagement financier de l’État pour rénover cette ligne ferroviaire n’apparaît.
Les régions prêtes à se rapprocher
À en croire les dires en Nouvelle-Aquitaine, ce serait du côté de la Région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) que ça coincerait. Frédéric Aguilera, vice-président en charge des transports de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a accepté de répondre à nos questions. Pour lui, les choses sont claires : « Sur le principe d’une réouverture, oui 1.000 fois oui. Mais aujourd’hui, avec les moyens de la SNCF et de l’État, c’est un mensonge de dire que cette ligne peut réouvrir à court terme. Les coûts sont à minima 10 à 20 fois supérieurs à ce qui est annoncé (le chiffre de 15 millions d’euros de travaux a été évoqué lors de la manifestation du 14 février, ndlr). »

Pour l’élu auvergnat, c’est clair, les travaux ne sont pas à l’ordre du jour, ni même dans un futur proche. Il poursuit : « Evidemment, je rêve de réouvrir plein de lignes, et je suis pour la réouverture des lignes qui traversent le Massif Central. Aujourd’hui, mon premier combat c’est de me battre pour développer le ferroviaire sur des zones très denses, je me bats pour qu’il n’y ait pas de fermeture de ligne et je me bats aussi pour qu’il n’y ait pas de dégradation des lignes fermées pour que dans le futur on puisse réouvrir des lignes. »
On s’est aussi tourné vers la Nouvelle-Aquitaine pour avoir l’avis de Renaud Lagrave, le vice-président en charge des transports et des mobilités de la Région Nouvelle-Aquitaine. Pour lui la question est simple : « Qui paye ? Est-ce que l’État est prêt à mettre les moyens pour rénover cette ligne ? Les Régions ne sont pas propriétaires des lignes. » En clair, l’élu renvoie la balle à l’État mais se dit prêt à se mettre autour de la table.
Autour de cette table, il sera donc avant tout question de budget. Contacté, « SNCF Réseau » n’a pas souhaité communiquer sur le sujet. Pourtant, une note a été réalisée dernièrement sur cette ligne et avancerait, selon nos informations, une estimation de travaux dépassant au moins la centaine de millions d’euros. Mais cette note « n’a pas vocation à être diffusée en externe », nous a-t-on répondu et il nous faudra donc attendre la visite du Ministre des Transports pour en savoir un peu plus sur les plans de l’État pour ce petit bout de ligne qui permet de relier deux grandes régions…
À propos de la ligne
Entre Ussel et Laqueuille, il y aurait quelques 30 kilomètres de ligne à reprendre et entre Eygurande et Laqueuille, la ligne emprunte deux tunnels, plusieurs ouvrages d’art et une dizaine de passage à niveau…
Selon la Fédération Agir pour la ligne Tulle-Ussel-Le Mont-Dore-Clermont-Ferrand : « Sur l’ensemble du tracé de la voie de 55 kilomètres, pour permettre une réouverture aux voyageurs, seule la section Laqueuille-Eygurande/Merlines nécessite des interventions lourdes compte tenu de l’état de la voie, de son manque d’entretien et de son ancienneté »

Après « Ras le POLT », « l’impossible retour du Bordeaux-Lyon », « En 2030 à Angoulême », et « Terminus au coeur de la Creuse »… voici donc un nouvel opus palpitant des « Improbables aventures du train en Limousin » à suivre très prochainement !