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mercredi 14 mai 2025

400 000 moustiques stériles lâchés à Brive pour lutter contre le tigre, une première en France

C’est une opération encore jamais vue en France qui a commencé ce mardi 13 mai à Brive-la-Gaillarde. Quelque 400 000 moustiques tigres mâles stériles ont été lâchés dans le quartier du cimetière Thiers. Rassurez-vous : ils ne piquent pas et devraient même rendre la vie extérieure des Brivistes plus agréable. Explications.

En ce mardi 13 mai 2025, quatre employés de la société montpelliéraine « Terratis » ont fait le déplacement jusqu’en Corrèze. Il faut dire que, pour eux comme pour la Ville de Brive-la-Gaillarde, c’est une grande première. Dans leurs valises, ou plutôt leurs boîtes stériles, la co-fondatrice Clelia Oliva et ses collaborateurs ont emmené quelques petits insectes : 400 000 moustiques tigres mâles stériles précisément. C’est là tout l’objet de leur venue. Pour bien comprendre cette opération, remontons quelques années en arrière.

En 2016 : c’est à cette époque que les premiers moustiques tigres – vecteurs potentiels de maladies comme la dengue, le chikungunya ou le virus Zika – sont observés à Brive. Le petit insecte, pas forcément appréciable, s’acclimate rapidement et, en 2022, le département de la Corrèze est classé parmi les départements où le moustique tigre est implanté et actif selon les données publiées par le Ministère de la Santé et l’ARS Nouvelle-Aquitaine.

Très vite, à Brive-la-Gaillarde, on s’organise pour faire face à ce nouveau fléau amplifié par le changement climatique. La municipalité décide de mettre en place une « Brigade du tigre », composée d’agents municipaux missionnés pour sensibiliser les habitants, et pour surveiller l’évolution de l’espèce et agir concrètement pour limiter sa propagation.

Cette année 2025, la Ville de Brive a donc décidé de passer à la vitesse supérieure en lançant une opération encore inédite sur le territoire de France métropole : la « TIS » (Technique de l’insecte stérile). Une technique qui paraît simple et logique, développée depuis 14 ans par la société Terratis et donc commercialisée pour la première fois cette année.

Frédéric Soulier et Marie Findeling ont procédé au premier « lâcher de moustiques » de cette expérimentation avec Terratis © Mairie de Brive

Le processus : Terratis produit et stérilise des moustiques mâles dans ses 220 m² de ferme à insectes. Puis chaque semaine durant la période estivale, ces mâles (qui ne piquent pas, car seules les femelles ont cette désagréable capacité) sont lâchés dans une zone géographique délimitée. La suite, c’est Clelia Oliva qui nous l’explique : « Ces mâles vont aller chercher les femelles sauvages pour s’accoupler avec elles. » Sans produire de descendance puisqu’ils sont stériles. Notons également qu’une femelle ne se reproduit qu’une fois dans sa vie.

La zone du quartier du cimetière Thiers a été ciblée par la Mairie de Brive. Sur 50 hectares où vivent près de 3 000 habitants, Terratis lâche ses petits insectes sur plusieurs points. Clelia Oliva qui travaille depuis 14 ans en tant que chercheuse sur ce projet poursuit : « On va faire ça toutes les semaines jusqu’à fin octobre. » Et elle promet un « petit miracle » : une baisse de 60 % de moustiques tigres dès la première année et de 90 % la deuxième année !

Une baisse de 60 % de moustiques tigres dès la première année et de 90 % la deuxième année !

Mais comment observer et analyser la réussite de cette technique ? La scientifique poursuit : « On met en place un réseau de pièges pondoirs, une sorte de conteneur noir avec un peu d’eau au fond. Les femelles sauvages vont aller pondre dedans et nous on va récolter les œufs que l’on va ensuite analyser dans notre laboratoire. C’est un indicateur très direct. »

Si l’opération est concluante, la Ville de Brive entend bien évidemment étendre ces lâchers dans les années à venir. Bien sûr, l’expérimentation a un coût. Clélia Oliva explique : « Les tarifs dépendent de chaque zone. On a différents éléments qui vont permettre d’établir un prix. Pour Brive, on est dans une zone urbaine, il faut aussi prendre en compte l’extérieur de la zone où l’on doit aussi un peu agir. » Pour la Ville de Brive, l’investissement est d’un peu plus de 50 000 €. Le prix de la tranquillité et de la sérénité pour les habitants ? La réponse d’ici quelques semaines.

Pour Terratis en tout cas, ce 13 mai est un jour important. « C’est une grande journée pour toute l’équipe, après un an de travail et demi, on est ravi d’être là à Brive et de concrétiser ce projet », termine la co-fondatrice.


Malgré cette expérimentation prometteuse, il est bien sur rappelé aux habitants de Brive de continuer à pratiquer les gestes simples à savoir en priorité supprimer les eaux stagnantes.

L’endroit idéal pour une femelle « tigre » qui rêve d’agrandir sa famille… © Giovanni.Seabra – stock.adobe.com
Jérémy Truant
Jérémy Truant
Journaliste Actus Limousin

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