C’est un chantier exceptionnel qui a commencé en ce printemps 2025 sur le Viaduc du Chavanon entre Auvergne et Limousin sur l’A89. À 140 mètres au-dessus de la paisible rivière du Chavanon, des ouvriers changent une à une les tiges des suspentes de l’ouvrage. Reportage au cœur du chantier.
Si vous avez récemment emprunté la « Transeuropéenne » (A 89) qui relie Bordeaux à Lyon en passant par Clermont-Ferrand et en traversant la Corrèze, ça ne vous aura pas échappé. Sur l’ouvrage d’art majeur qui enjambe la vallée du Chavanon, la frontière naturelle de la Corrèze et du Puy-de-Dôme, d’immenses échafaudages ont été dressés. Au fil des semaines, les immenses armatures d’acier se décalent sur le terre-plein central du viaduc suspendu.
Au sommet, des ouvriers travaillent au remplacement de « petites tiges » qui ont pourtant un rôle majeur. Pour comprendre ce qu’il se passe là-haut, nous avons emprunté les échelles pour aller au plus près du chantier. « C’est une opération technique et complexe », commence d’entrée Xavier Richer de Forges, directeur de la maîtrise d’ouvrage ASF Est chez Vinci. Une opération délicate, même, sur un tel ouvrage suspendu au-dessus du vide.

Victor Gey, chef de projets ouvrages d’art chez Vinci, nous emmènent au sommet de l’édifice. Il nous explique : « Sur la vallée du Chavanon, les pièces sont exposées à des phénomènes de corrosion importants de par les conditions climatiques notamment mais aussi le salage l’hiver. »

Tous les ans, comme les 272 autres viaducs du réseau, le viaduc du Chavanon est surveillé et, tous les trois ans, Vinci Autoroutes mandate des prestataires extérieurs pour établir un diagnostic. Le dernier diagnostic a signalé une usure des tiges de serrage des colliers situées au sommet de chacune des 24 suspentes du pont, ces tiges métalliques qui permettent de maintenir fermement les câbles en les serrant autour d’un support. Au total, l’entreprise Freyssinet (spécialisée dans la réparation la construction de bâtiment et d’ouvrages d’art) s’atèle à changer une à une ces 696 tiges. « Il faut que la tension que la tige exerce sur les colliers soit maîtrisée et forte », précise l’ingénieur.

Avant de pouvoir accéder à ces tiges, des cordistes ont commencé à préparer le chantier en installant de grand filet blanc pour protéger les éventuelles chutes de matériel, puis les échafaudages sont installés. « Il a fallu tout anticiper, c’est un gros travail. On monte et on démonte les échafaudages en permanence », souligne Victor Gey.
Aux extrémités, les suspentes les plus hautes culminent à 40 mètres, et les plus basses au milieu de l’édifice à 5 mètres. Entre 15 et 20 personnes de l’entreprise Freyssinet travaillent chaque jour de la semaine sur ce chantier qui devrait s’achever au mois de juillet. Pour Vinci, le budget de ces travaux est conséquent : 2,4 millions d’euros. Xavier Richer de Forges reprend : « On est concessionnaire de ce viaduc. C’est le patrimoine de l’Etat, c’est ce dernier qui nous demande de l’entretenir. Quand on nous demande où va l’argent des péages, il va là ! »
Au sommet, le travail est minutieux, la pression vérifiée sur chaque tige changée. L’espace de travail est étroit. En bas, sur le bitume, les véhicules ralentis à 90 km/heure le temps des travaux filent quand même à toute allure, sans imaginer qu’au-dessus de leur tête, des hommes travaillent précautionneusement.

Après ce chantier et après le trafic estival, d’autres travaux débuteront, cette fois-ci au niveau du sol : le changement des joints dilatation de chaussée en septembre et octobre. Cette pièce qui ressemble à un immense peigne permet au viaduc de bouger et se dilater en fonction des températures.
A propos du Viaduc du Chavanon
Construit à l’aube du 21ème siècle, le Viaduc du Chavanon a été mis en service au début de l’année 2000. À l’époque, cette prouesse architecturale avait marqué le chantier de la toute neuve Autoroute A89. Ce pont suspendu de 360 mètres de long est le plus grand et le plus symbolique de l’autoroute Transeuropéenne.

À suspension axiale, il était une première mondiale à sa mise en service. Ses deux pylônes en forme de V inversé culminent à 70 mètres de haut. Pourquoi un pont à câbles suspendu a-t-il été construit ici, entre Auvergne et Limousin ? Au-delà de la symbolique, le Directeur de la maîtrise d’ouvrage, Xavier Richer de Forges, décrit : « La vallée du Chavanon est une brèche assez profonde. Le pont suspendu permet d’éviter de poser des piliers. »