Depuis trois ans, les écoliers de Saint-Junien et les enfants accueillis dans les crèches municipales, ainsi que les résidents de l’IME et de l’ESAT, apprécient les bons petits plats mitonnés avec des légumes cultivés sur l’île de Chaillac. Avec une production de plus de 10 tonnes, l’expérimentation est un succès qui inspire d’autres territoires.
Pour découvrir le potager municipal de Saint-Junien, il faut prendre la direction de Chaillac-sur-Vienne et franchir la passerelle qui permet de rejoindre une… île lovée entre deux bras de la Vienne ! Ce site de 6 hectares comprend une ancienne exploitation, un vaste corps de ferme, des serres et des tunnels et a été mis à disposition par la Communauté de communes Porte Océane du Limousin voilà trois ans. Le site a retrouvé son activité après le départ du précédent exploitant. Le bruit du tracteur nous guide jusqu’à Marie qui prépare le terrain où poussaient les pommes de terre.

Ses compagnons à quatre pattes nous accueillent avec enthousiasme. Marie a rejoint sa collègue maraîchère Kim il y a deux ans. « C’est un métier où on apprend tous les jours et le problème ici, c’est qu’il n’y avait pas eu de maraîchage » explique-t-elle, « il a fallu un gros travail de préparation du terrain pour nettoyer, enlever les ronces et il y en a encore. Cette prairie n’avait pas été cultivée, il a fallu amender en respectant les contraintes du bio donc avec zéro apports chimiques. Le service des espaces verts nous fournit le compost issu des déchets verts, la commune étant labellisée zéro pesticide.»
Un amendement minéral est ajouté, et complété de calcium et d’argile. Les maraîchères ont opté pour une agriculture de conservation ou agroécologique comme l’explique Marie. « Le travail du sol est réduit à son minimum avec une rotation des cultures incluant des engrais verts et des périodes d’occultation longue, végétales ou synthétiques, avec un amendement organique et minéral régulier, destruction de la prairie par bâchage long, utilisation de paillis naturel ou synthétique pour les cultures ou les espaces inter-culturaux, désherbage mécanique et manuel » détaille la maraichère passionnée. « Le but c’est d’améliorer la qualité des terrains cultivés et donc la production, de soutenir la biodiversité des lieux et d’inscrire le potager dans un projet agricole viable à long terme. »
Depuis sa création, le potager est exploité en « bio » afin de fournir des légumes de qualité, respectueux de l’environnement et des consommateurs, pour préserver le site de l’île de Chaillac et sa biodiversité.
Six tonnes récoltées mi-octobre
Avant la mise en culture d’une partie des parcelles, les agents du service « espaces verts » avaient préparé le terrain, avec les renforts des chantiers d’insertion de l’ESAT et de ALEAS. Les légumes sont cultivés sous quatre tunnels et deux serres qui ont été rebâchés soit 2 000 m² couverts et deux hectares en plein champ exploités actuellement.

L’an dernier, elles avaient récolté par exemple 10 tonnes de pommes de terre, 2 200 salades, plus d’une tonne de tomates, des courgettes, des poivrons, des oignons… Cette année, il a fallu jongler avec une météo capricieuse, des températures caniculaires et des précipitations faibles. « Nous n’avons produit que 6 tonnes de pommes de terre, il a fait chaud et on a été limité pour arroser par les arrêtés préfectoraux » ajoute la maraîchère. L’objectif de 12 à 18 tonnes est loin mais pas inatteignable à l’avenir. « On est encore en amélioration du terrain, il faut qu’il garde les nutriments » remarque-t-elle.
D’autres productions ont mieux réussi comme la tomate avec 2 tonnes fournies à la cuisine centrale qui se charge de valoriser la production. « La coeur de bœuf a bien marché, comme l’orange queen et la Sonnenhertz en forme de coeur allongé » détaille la jeune femme, « nous avions aussi produit de l’andine cornue, une variété portugaise et deux variétés F1 pour faire des tomates grappe pour faire les sauces à la demande des cuisiniers. Toute la récolte a été valorisée en frais ou congelée. » Dans les tunnels, les tomates produisent encore bien en cette mi-octobre encore ensoleillée.

Pour l’heure, la production totale approche les 6 tonnes pour un objectif de fin de saison de 16 tonnes, soit 5 tonnes de plus qu’en 2024. Dans leurs paniers, des oignons à profusion, des salades en pagaille, mais aussi des melons (50 kg), pastèques (200 kg), aubergines (418 kg), carottes (272 kg ), poivrons (186 kg), betteraves (210 kg), concombres (533 kg), radis, poireaux, échalotes, courges… La production de patates douces avait atteint 280 kg en 2024 et les maraîchères tablent cette année sur 600 kg. « C’est un nouveau produit qui plaît aux enfants bien qu’ils soient peu habitués à en consommer » constate Hervé Beaudet, le maire, qui est aussi le chef de cuisine du collège Paul Langevin…
La production sera complétée cet hiver avec des choux chinois, choux d’hiver, choux-fleur et radis noirs. « Les légumes et fruits sont choisis en début d’année par les maraîchers et l’équipe de l’unité communale de production alimentaire afin de répondre à leurs besoins » remarque Marie, « le potager est pour l’instant dimensionné pour deux maraîchers et les productions chronophages comme les haricots ou les petits pois ont été mises de côté. »
Objectif 100 % de légumes bio à la cantine
Depuis 2022, la loi Egalim a obligé la restauration scolaire à monter en gamme en utilisant un minimum de 50 % de produits de qualité dont 20 % bio. Ce potager municipal fait donc sens pour répondre à la réglementation. Avant de se lancer, les élus sont allés voir ce qui se passait à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) où les cantines ont un temps d’avance avec 85 % de produits bio et en circuit court.

« On s’est inspiré de leur expérience car l’idée est de produire des légumes pour alimenter la restauration scolaire » poursuit le maire, « nous servons 1 100 repas par jour et 460 durant l’été. C’est la troisième année de production, et cette année, on dépasse le prévisionnel avec 50 à 60 % de légumes bio servis aux élèves produits sur l’île de Chaillac. L’ambition est d’en fournir 100 %. »
Aujourd’hui, c’est le potager municipal qui sert d’exemple à d’autres collectivités qui viennent chercher l’inspiration sur l’île de Chaillac. « Prochainement, on recevra des élus de Brigueuil après en avoir reçu de Châteauroux, de Charente, Charente-Maritime et Dordogne » signale l’élu, « cela donne des idées à d’autres territoires, ce n’est pas très coûteux et ce qui est produit respecte l’environnement tout en étant bon pour la santé des enfants » conclut-il. L’objectif est de pérenniser les deux emplois de stagiaire sous statut contractuel.
Pour valoriser la production du potager, la Ville et la communauté de communes ont édité un livre de 23 recettes originales. Les agents des deux collectivités ont mitonné une recette de leur choix avec un ou plusieurs légumes cultivés sur l’île de Chaillac. Et le résultat est des plus appétissant avec par exemple, des lasagnes d’automne à base de butternut et patate douce, du houmous de betteraves, un clafoutis de saumon et poireaux, un gâteau chocolat betterave, des cannelés poivron-chèvre-chorizo, sans oublier un incontournable pâté de pommes de terre. Si après ça vos enfants n’aiment toujours pas les légumes…
