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Région Limousin
jeudi 21 novembre 2024

Une balade à Tulle pour découvrir les incontournables du chef-lieu de la Corrèze

Tulle aime se raconter, et révéler sa richesse architecturale, à quiconque « sort de sa bulle » pour venir lui rendre visite. L’Office de tourisme propose des balades guidées, à la découverte des bâtiments les plus emblématiques de la cité. L’occasion d’apprendre la petite histoire qui se cache derrière la grande !

À l’origine

Les origines de la ville « aux sept collines » sont sujettes à moult débats, mais remonteraient à l’époque gallo-romaine. Le nom de la cité pourrait évoquer Tutela, une divinité romaine à laquelle on confiait la protection des lieux et des personnes. L’actuel Puy Saint-Clair (une des sept collines !), aurait ainsi abrité un oppidum et le site archéologique de Tintignac, à Naves, témoigne de la présence gauloise et romaine. Il est vrai que la zone était au croisement de la voie des métaux, allant d’Armorique jusqu’en Gaule narbonnaise, et de la voie d’Hadrien, qui reliait Burdigala (Bordeaux) à Lugdunum (Lyon)..

La première trace historique attestée de la ville de Tulle remonte cependant au VIIe siècle avec la fondation de l’abbaye en l’honneur de Saint-Martin.

La vieille ville et le quartier du Trech

Notre promenade commence dans les ruelles du quartier historique avec ses nombreuses demeures Renaissance. La Maison Loyac, avec ses deux tourelles, est sans aucun doute la plus belle. Elle fut d’ailleurs qualifiée de « plus belle maison de l’Est aquitain » par Prosper Mérimée au XIXe : l’auteur et historien avait alors été nommé inspecteur des monuments historiques, et répertoriait le patrimoine de tout le pays.

La Maison Loyac ou « maison de l’abbé » à Tulle © Juliette Jouve Soler

La Maison Loyac, dite « maison de l’abbé », date du début du XVIe siècle. En témoigne la présence d’un porc-épic, emblème de Louis XII, mort en 1515, sur un des linteaux. La façade est un véritable bestiaire typique du Moyen Âge : griffons, sirènes. On y aperçoit aussi des représentations grivoises, tel un couple allongé nu. Étonnant, à proximité d’un lien de culte ? Certains disent que montrer des pratiques répréhensibles permettait d’exorciser le mauvais sort. D’autres y voient le geste d’ouvriers qui souhaitaient faire passer « clandestinement » un message à leur commanditaire… Le bâtiment est classé monument historique.

Dans le même quartier, la rue Riche, aussi appelée rue des Notables, abrite également de belles bâtisses aux façades finement ouvragées, comme l’hôtel Lauthonie (1551) qui dispose d’une magnifique porte sculptée. Un peu plus loin, la statue des clampes rend hommage aux lavandières qui cancanaient en lavant leur linge sale en public, dans la Solane, l’affluent de la Corrèze qui traverse ce quartier (aujourd’hui en mode incognito, puisqu’elle a été recouverte au XIXe siècle).

De la rue Riche à la place de la Cathédrale © Juliette Jouve Soler

La cathédrale, plus haute flèche du Limousin

Quelques pas à peine séparent la Maison Loyac de la cathédrale, dont le clocher culmine à une hauteur de plus de 75 m. Érigée à partir de la fin du XIe sur les vestiges d’une ancienne abbaye, elle mettra deux siècles avant d’être achevée. En 1317, quand le pape Jean XXII crée le diocèse de Tulle, l’abbatiale devient cathédrale. Elle sera ensuite embellie et restaurée, de telle sorte que son architecture mêle les styles roman (bas-côtés et voûtes en berceau) et gothique (croisées d’ogives). Parmi ses trésors : son immense vitrail, qui combine des motifs anciens et plus contemporains. Il conte l’histoire du diocèse : on peut voir aux pieds de la Sainte Vierge, la cité de Tulle, et Saint Jean-Baptiste.

Ce qui frappe aussi, c’est la modernité de l’autel : conçu par l’artiste Roman Opalka, il date de 2002 et rend hommage au savoir-faire limousin : un mobilier liturgique aux formes simples, qui mêle bois de chêne, ardoise de Travassac, et parties colorées émaillées (une évocation des arts du feu de Limoges). Ce qui surprend encore plus les visiteurs (certains la confondent parfois avec un simple « rideau » !), c’est la tapisserie monumentale de 42 m² qui recouvre l’arrière du chœur. Imaginée elle-aussi par Roman Opalka, elle a été brodée en fil d’or dans les manufactures creusoises.

Une tapisserie monumentale de 42 m2 signée Roman Opalka et brodée en fil d’or © Juliette Jouve Soler

Ces œuvres contemporaines apportent de la sérénité à une cathédrale amputée et blessée au fil des siècles : les dégradations seront très importantes pendant la Révolution car, toutes les ferrures, y compris les fers de soutènement de la coupole, seront alors arrachés pour manufacturer des armes, ce qui provoquera l’effondrement de la coupole, du chevet, du transept et de la galerie nord du cloître en 1796. La coupole ne sera jamais reconstruite, la nef étant simplement close et l’espace dégagé servant à l’aménagement d’une promenade le long de la Corrèze.

La cathédrale fait partie de l’histoire de la ville : pendant la Seconde Guerre mondiale, l’abbé Lair, résistant, avait installé un poste de télécommunication au 1er étage du clocher. Et plus récemment encore, c’est Place de la cathédrale que François Hollande a célébré son élection et prononcé son premier discours en tant que Président de la République le 6 mai 2012.

La Cité administrative, monument patrimonial elle-aussi !

Tulle est le chef-lieu de la Corrèze, grâce à sa position centrale dans le département, et son statut d’évêché grâce à sa cathédrale. La ville a pu s’enorgueillir d’un riche passé industriel, particulièrement avec la Manufacture d’armes, qui employait jusqu’à 4500 Tullistes en 1917 !
En tant que préfecture, c’est donc à Tulle que se trouvaient le siège des administrations départementales, dispersées peu à peu dans des bâtiments vétustes et nécessitant d’être centralisées dans un lieu plus moderne.

Mais Une autre préoccupation est à l’origine de la construction de la cité administrative : « la Manu », l’usine d’armement à la base du dynamisme de la ville, connaît une période difficile après la Libération, alors que Brive se développe fortement. A la fin des années soixante, son maire Jean Charbonnel, tente d’attirer dans la cité gaillarde des services de l’État. Il projette même la création d’un département de la Vézère, dont Brive serait la préfecture !

Une concurrence s’installe alors entre les deux principales villes de Corrèze, et Tulle se doit de prendre une initiative d’envergure pour affirmer clairement son rôle de ville préfecture : la construction d’une cité administrative est la réponse choisie. Cette citation du maire de Tulle, Jean Montalat, est révélatrice de l’état d’esprit de l’époque : « Mieux vaut une tour à Tulle que la Préfecture à Brive ».

« Mieux vaut une tour à Tulle que la préfecture à Brive » (Jean Montalat) © Juliette Jouve Soler

La construction de cet édifice de 86 mètres débute en 1971. La « Cité administrative » est inaugurée par Jacques Chirac début 1975. C’est l’une des dernières tours construites dans une ville moyenne française, avant leur interdiction en 1973. Longtemps décriée, elle fait aujourd’hui intégralement partie de Tulle et a même été labellisée « patrimoine du XXe siècle » en 2010. Elle peut parfois être visitée lors des journées du Patrimoine.

Il faudra revenir à Tulle pour découvrir d’autres lieux remarquables, comme la façade art nouveau de son théâtre, l’hôtel de ville situé dans l’ancien évêché, la cloître et son musée, ou la toute nouvelle Cité de l’accordéon et des patrimoines. Tulle, une ville dont parlait si bien Denis Tillinac : « S’il a débarqué un jour de pluie par la RN89, il aura trouvé Tulle triste et froide au premier abord. C’est à la longue qu’il découvrira la gentillesse des Tullistes, les mystères hugoliens de nos quartiers anciens, la douce quiétude d’un art de vivre où la gastronomie a sa place ».

Juliette Jouve Soler
Juliette Jouve Soler
Correspondante Actus Limousin

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