Arrêt définitif ou privatisation, l’avenir de Railcoop et des trains Lyon-Bordeaux va se jouer dans quelques jours

Lancée en 2019, la coopérative ferroviaire Railcoop se proposait de ressusciter une ligne intéressante pour le désenclavement du Limousin : la ligne Lyon-Bordeaux. Mais après de nombreux reports de l’ouverture de son service de transports de passagers, le projet Railcoop semble de plus en plus compromis, à moins que…

L’idée de départ était belle : ressusciter le « barreau transversal ferroviaire central » qu’était la ligne entre Lyon et Bordeaux, abandonné en 2012 par une SNCF bien décidée à nous faire préférer le TGV malgré des tarifs exorbitants et en dépit du détour absurde que représente un passage obligatoire par Paris pour relier l’est et l’ouest du centre de la France.

En 2019, Railcoop a donc débarqué dans le paysage ferroviaire avec pour objectif principal de mettre sur pied, en profitant de l’ouverture du trafic ferroviaire à la concurrence, une société sous forme « coopérative » qui proposerait un service de train sur certaines lignes délaissées par la SCNF. La belle idée avait séduit de nombreux sociétaires qui, moyennant la souscription d’une part sociale d’un montant de 100€, pouvaient cofinancer le projet et avoir leur mot à dire dans le développement de la société…

Depuis plusieurs années les 14 500 sociétaires, parmi lesquels des collectivités territoriales, attendent donc avec impatience de voir à nouveau passer le Lyon-Bordeaux. Initialement prévu pour juin 2022, le lancement du projet a été repoussé plusieurs fois et l’objectif de 2 allers-retours s’est transformé en 1 aller-retour Lyon-Limoges sur 2 jours pour commencer.

Un modèle coopératif qui n’intéresse pas les banques

Alors pourquoi le projet Railcoop peine-t’il à se mettre sur les rails ? Car même si Railcoop s’est choisi un modèle coopératif et a essayé de mobiliser les particuliers pour se suppléer à l’abandon d’un service public, l’argent reste le nerf de la guerre. Pas très friands des modèles coopératifs, ou n’y voyant pas la possibilité de dégager suffisamment de profits, les banques et autres investisseurs refusent de suivre Railcoop et de lui accorder les crédits nécessaires au démarrage de son activité.

Après avoir obtenu sa licence d’entreprise ferroviaire, négocié des sillons ferroviaires (sur le tronçon Limoges-Lyon à partir de juin de 2024 et Bordeaux-Limoges à partir de mi-décembre 2024), acquis du matériel roulant (d’anciennes rames TER X_72500) et engagé la rénovation, Railcoop est pour l’instant toujours coincé en gare avec un déficit de 4.3 millions en 2022… L’activité de fret amorcée en 2021 a été abandonnée au printemps 2023 pour concentrer les efforts sur l’aboutissement du projet de transport de passagers.

Du point de vue financier, le budget d’exploitation pour la ligne Lyon-Bordeaux est estimé à 49 millions d’euros, un montant modeste pour un projet ferroviaire, surtout si on le compare aux centaines de millions d’investissement du projet « Le Train » qui a passé commande de dix trains à grande vitesse, pour 300 millions d’euros, pour ouvrir son service ferroviaire sur la façade atlantique.

La différence ? « Le Train » compte deux banques (Crédit Mutuel et Crédit Agricole) parmi ses actionnaires majoritaires et dispose donc de solides garanties financières, alors que Railcoop avec son modèle coopératif, n’a pas réussi à convaincre les organismes de crédit, et n’a pas encore obtenu les fonds nécessaires à son lancement. Le choix très novateur d’un modèle de coopérative arrive donc à ses limites et pour conserver une chance de voir son projet voir le jour, Railcoop semble donc sur le point de le remettre en cause…

Fonds d’investissement et nouveau montage financier

Alors que son existence semble menacé à court-terme, Railcoop a pourtant annoncé avoir reçu fin août une lettre d’intention d’un fonds d’investissement européen intéressé par son projet. Le problème c’est que l’arrivée de cette entité financière dans les caisses de Railcoop passe nécessairement par une modification profonde de la structure de l’entreprise.

Dans le nouveau montage envisagé, Railcoop resterait une entreprise ferroviaire coopérative mais 2 nouvelles sociétés seraient créées :

  • la ROSCO qui achèterait, rénoverait et entretiendrait les rames de train et les louerai à…
  • l’OPCO qui fonctionnerait à la manière d’une agence de voyage et s’assurerait les services de « RAILCOOP » pour proposer des voyages sur la ligne Lyon-Bordeaux

Railcoop serait actionnaire minoritaire des deux sociétés, alors que le fonds d’investissement en serait quand à lui actionnaire principal et s’occuperait donc du matériel et du tiroir-caisse. Ce montage sera délibéré en assemblée générale le 7 octobre prochain avec l’ensemble des sociétaires qui auront sûrement beaucoup de questions sur le devenir de leurs parts sociales.

« Aux rames citoyens », l’appel de la dernière chance

Mais le 7 octobre c’est encore loin pour Railcoop puisqu’avant que ne s’ouvre les débats sur le nouveau montage financier à moyen terme, la SCIC doit déjà résoudre un problème plus épineux à court terme. En effet, elle doit trouver 500 000€ d’ici au 30 septembre sous peine de ne pas être en capacité de conduire ces négociations.

Railcoop a donc lancé un nouvel appel à la mobilisation qui ressemble fort à un appel de la dernière chance.

La situation est périlleuse et la société ne cache pas le risque que prendront ses soutiens de dernière minute: « La situation financière de Railcoop est très précaire. Nous avons besoin de lever des fonds immédiatement pour éviter la fin de la coopérative. […] il existe un risque que notre coopérative n’existe plus dans les prochains mois et que votre argent soit perdu. »

Il manquerait à ce jour encore 150 000€ à collecter pour pouvoir suivre le prochain épisode de l’aventure Railcoop et croire encore un peu que le retour de cette ligne Lyon-Bordeaux n’ait pas été qu’un mirage de plus dans l’histoire ferroviaire limousine…

Plus d’informations sur la souscription lancée par Railcoop : railcoop.fr/soutenir-le-projet/

Brice Milbergue
Brice Milbergue
Rédacteur en chef d'Actus Limousin
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