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mardi 10 décembre 2024

A la rencontre de l’artisane Julie Lefebvre, « l’Alchimiste » qui souffle la magie de l’art verrier sur Uzerche

Les souffleurs de verre artisanaux seraient moins de 100 en France aujourd’hui. Coup de chance pour les Corréziens, c’est à Uzerche que Julie Lefebvre a choisi d’établir il y a quelques années son atelier. Rencontre avec une artisane lumineuse, passionnée et tournée vers les autres.

Si l’on en croit le Petit Larousse, l’alchimie « était considérée au Moyen Âge comme la science par excellence, dont l’un des buts était de découvrir la pierre philosophale, remède universel capable d’opérer une transmutation de l’être et la matière ». Ce n’est pas pour rien que Julie Lefebvre a choisi d’être « l’Alchimiste ». Au-delà de la transformation de la matière (verre en fusion) par l’intermédiaire du feu, ce nom est aussi pour elle le symbole de la métamorphose de l’être humain.

L’art du soufflage de verre, Julie n’est pas « tombée dedans quand elle était petite ». Elle est pourtant née dans une région qui s’y prêtait : le Nord, dont la tradition verrière remonte à plusieurs siècles, et abrite aujourd’hui pas moins de deux musées dédiés à cet art. Nous y reviendrons… La première vie professionnelle de Julie, a été celle d’une interprète en langue des signes. Ce métier a passionné cette jeune femme tournée vers les autres et elle a eu la chance de l’exercer dans des univers variés : un jour traductrice de meetings politiques, le lendemain interprète lors de tournages de films…

« Bonjour ! » © Clip JEMA 2022 par l’Institut pour les Savoir-Faire Français voir ci-dessous…

C’est la découverte du soufflage de verre lors d’un stage qui a tout changé. Un véritable coup de foudre pour la magie de cet art ! Et comme Julie n’est pas du genre à faire les choses à moitié, elle se tourne alors vers les deux musées du verre du Nord : celui de Sars Poteries, où elle a la chance d’être formée par Olivier Juteau, un maître verrier reconnu et passionné, et le Musée du Verre du Trélon, dans l’Avesnois, où elle sera bénévole pendant plus de deux ans. Plus de doute, elle va faire du soufflage de verre artisanal son métier !

Après avoir décroché un CAP en arts du verre et du cristal à Yzeure, elle décide de se lancer et d’ouvrir son atelier. Tombée sous le charme de la Corrèze, c’est à Uzerche qu’elle devient « l’Alchimiste« .

Le soufflage à la canne, comment ça marche ?

Tout commence par une masse de verre chauffée à très haute température (1200 degrés !), jusqu’à ce qu’elle devienne visqueuse, comme du miel très chaud. Julie utilise un four de fusion qui fonctionne au gaz, à l’air comprimé, et à l’oxygène, qui est constamment allumé. Le four a besoin de trois jours pour atteindre cette température idéale de 1200 degrés, et ensuite le verre met une journée pour fondre !

Après une journée passée dans un four à 1200°c, la masse de verre devient maléable © Juliette Jouve Soler

Julie prélève ensuite le verre en fusion à l’aide d’une longue tige métallique creuse avant d’introduire de l’air dans la masse de verre en soufflant dans la canne, ce qui forme une bulle. Tout en soufflant, elle tourne la canne, jusqu’à ce que le verre prenne la forme souhaitée. Inutile de dire que cette étape demande précision, patience, et pratique !

Souffler, tourner, répéter jusqu’à obtenir la forme souhaitée… © Juliette Jouve Soler

Une fois la bulle formée, et selon l’inspiration, l’artiste peut la tremper dans de petits éclats de verre multicolores, pour créer des taches de couleur dans l’oeuvre finale. Ces éclats sont d’origine naturelle (cobalt pour le bleu, fer pour le vert, cuivre pour le rouge…). Il n’existe plus au monde que deux fournisseurs d’éclats de verre : l’un en Allemagne, l’autre aux États-Unis ! Elle façonne enfin la bulle de verre avec différents outils pour obtenir la forme finale.

Des éclats de verre multicolores s’agglomèrent sur la boule de verre en fusion © Juliette Jouve Soler

Chacune de ces phases doit être réalisée rapidement, car le verre durcit vite et peut donc facilement cristalliser et se briser. En clair, la maîtrise de la chaleur est plus importante que la force de souffle. Vient enfin l’étape du refroidissement lent, pour ne pas créer de choc thermique. Les pièces sont déposées dans un second four, appelé « arche de recuisson ». Leur chaleur y redescend progressivement pendant dix heures, pour arriver à température ambiante, le lendemain matin.

Depuis quelques mois, Julie reycle aussi certaines de ses créations, celles qui présentent de petits défauts, en les refaisant fondre. Le résultat ? Une matière première transparente, joliment bleutée.

Ce qui inspire l’Alchimiste

Formée par un maître verrier illustre, Julie a su trouver son propre regard artistique. Elle est inspirée par la forme de la goutte : goutte d’eau, flamme, souffle de vent… « L’Alchimiste » se plaît à sortir des sentiers battus, elle aime laisser couler le verre naturellement, sans avoir la contrainte d’un moule. Ce qui est fondamental pour elle c’est d’être à l’écoute de la matière et en accepter les variations . Sa touche artistique ? Le craquelé, fragile et solide à la fois. En parfaite résonance avec son ancien métier, au contact des sourds et malentendants.

Julie organise des ateliers découvertes. Ce matin-là, Marie-Laure, une vacancière auvergnate, est venue participer à un atelier de création d’une boule décorative. Comme beaucoup, elle est fascinée par cette technique ancestrale, et recherchait un maitre verrier qui voulait bien partager quelques secrets de l’art du soufflage.

Julie explique quelques « secrets » à Marie-Laure avant la mise en pratique © Juliette Jouve Soler

Elle a beaucoup apprécié la simplicité et la bienveillance et la qualité des explications de Julie pour qui, si l’artisan verrier est souvent seul dans son atelier, à effectuer des gestes de haute précision, il doit aussi être tourné vers les autres, et contribue à donner envie à de futurs jeunes artisans de perpétuer ce savoir-faire.

L’art verrier est sur le point d’être reconnu par l’Unesco comme composante du « patrimoine culturel immatériel de l’humanité ». Le dossier de candidature porté par la France et d’autres pays européens a été retenue l’an dernier : une excellente nouvelle pour cet art ancestral qui requiert un savoir-faire exceptionnel !

On vous conseille de jeter un oeil à ce petit clip pour voir Julie « l’Alchimiste » en action !

L’atelier-boutique de l’Alchimiste est situé 24 rue Pierre Mouly à Uzerche. Julie Lefebvre y propose démonstrations commentées et stages. Pour plus d’informations rendez-vous sur son site officiel, et pour découvrir ses créations, rendez-vous sur sa boutique en ligne.

Quelques créations de Julie en forme de goutte, l’une de ses formes préférées © Juliette Jouve Soler
Juliette Jouve Soler
Juliette Jouve Soler
Correspondante Actus Limousin

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