Créée dans les années 1920 à Tulle par trois frères, la manufacture d’accordéons et d’harmonicas « Maugein » était le dernier fabricant d’accordéons « made in France ». En difficulté financière depuis quelques années, l’entreprise emblématique de la Corrèze a été placée en liquidation judiciaire.
C’est en 1919 que Jean Maugein, ouvrier à la manufacture briviste Dedenis, décide d’ouvrir son atelier de fabrication et réparation d’accordéons. Rapidement rejoint par ses deux frères cadets, ils créent la société « Maugein Frères » et construisent une manufacture à Tulle pour se lancer dans la production en série d’accordéons chromatiques. Le succès est au rendez-vous et la petite entreprise grossit rapidement. A l’aube de la seconde guerre mondiale, elle s’était forgée une solide réputation à l’international et employait 200 ouvriers dans une usine de 3000 m².
Le redémarrage de l’activité après-guerre ne sera pas simple mais la manufacture « Maugein Frères » arrivera pourtant à tirer son épingle du jeu en modernisant encore sa production et en innovant, notamment sur l’ergonomie et l’esthétique. Mais dans les années 70, le déclin de popularité du piano à bretelles semble inéluctable, la manufacture tulliste est mal en point et ses fondateurs, ayant atteint un âge avancé, quittent le bal.
L’entreprise est reprise au début des années 1980 par René Lachèze, petit-neveu de Robert Maugein, qui réussit encore une fois à moderniser la production et à innover pour profiter du retour en grâce de l’accordéon dans la chanson française. Malheureusement, dans le marché mondialisé des années 2000, la concurrence est rude pour les fabricants français et Maugein vacille de nouveau.
Reprise en 2014, grâce à des investisseurs publics et privés, l’entreprise repart à la conquête d’un marché de plus en plus réduit en misant sur le savoir-faire « à la française » et essaye de se diversifier en fabricant des « minaudières » (avec la créatrice limousine Katherine Pradeau) ou des harmonicas, à l’instar de son concurrent allemand Hohner.
Mais, ni ces nouveaux produits, ni la mise au point d’un accordéon numérique (le « Genius »), ne permettront à Maugein de relancer une activité suffisante pour relever la tête après la crise économique post-covid… En cessation de paiement, l’entreprise a donc été placée en liquidation judiciaire par le Tribunal de Commerce de Brive, ce vendredi 27 septembre, et les dix salariés de l’entreprise devraient prochainement être licenciés à moins qu’un projet de reprise inespéré ne se manifeste dans le plus brefs délais.
Bien consciente que son histoire a été marquée par de multiples renaissances, l’entreprise garde, dans son message d’adieu, l’espérance d’un avenir sous une autre forme.
Pour Tulle, c’est la fin d’une grande aventure industrielle qui aura duré plus de cent ans. Les accordéons Maugein n’y seront peut-être bientôt plus que les « stars » de la toute nouvelle « Cité de l’Accordéon et des Patrimoines » mais sait-t-on jamais ?