Des sous-bois aux tables des restaurants, immersion dans le négoce des cèpes en Haute-Corrèze…

On l’annonçait ici même il y a quelques jours : la saison des cèpes est officiellement ouverte. En ce début de récolte, nous avons rendu une petite visite à Laurent Deyzac, acheteur-revendeur en Haute-Corrèze, pour en savoir un peu plus sur ce monde à part qui s’éveille chaque année à l’arrivée de l’automne…

« Achat champignons », « Cèpes » … Ces derniers jours, les panneaux artisanaux et les flèches colorées ont fleuri sur les bords des routes du Limousin. Nous sommes en septembre et au pays du bolet, rien d’anormal donc. Nous avons suivi un de ces panneaux, qui nous a mené jusqu’à Laurent Deyzac et son fils Clément. Les deux Brivistes sont des vrais passionnés de champignons, de père en fils donc. Sous le hangar, Laurent attend le client, pèse, analyse le prince des forêts. On vous raconte.

Passionné de champignons depuis l’enfance, Laurent Deyzac s’est lancé dans le négoce © Jérémy Truant
« À mon époque, le commerce du champignon c’était incroyable ici ! Avec la cueillette, les gens partaient en vacances, s’achetaient une voiture ou une TV couleur ! »

« À mon époque, le commerce du champignon c’était incroyable ici ! Avec la cueillette, les gens partaient en vacances, s’achetaient une voiture ou une télé couleur ! » L’Ussellois qui témoigne ici préfère rester anonyme. Aujourd’hui, l’octogénaire discute avec Laurent, mais il n’a pas ramené de cèpes.« Physiquement, c’est devenu trop difficile pour moi d’aller en forêt », confie-t-il. Mais il y a de cela quelques décennies, avant même que le commerce ne commence à prospérer, l’aîné cueillait des dizaines de kilos : « J’habitais en Creuse, on ramassait les cèpes partout le long de la nationale et on les mangeait ou on les amenait au restaurant du coin ! »

Puis le commerce est arrivé ici, dans les années 1970. « C’est grâce aux Italiens qui venaient acheter chez nous. On pouvait vendre jusqu’à 100 francs le kilo, vous imaginez ! » 100 francs le kilogramme, cela représenterait plus de 35 euros aujourd’hui. Derrière ses tables posées sur des tréteaux en bois, Laurent les achète plutôt autour de 12 € le kilo en ce moment. « C’est comme la bourse, ça varie tous les jours ! J’ai appelé mes concurrents ce matin, on est tombé d’accord sur ce prix là pour la Haute-Corrèze. En Basse-Corrèze, il y en a un peu plus donc on les achète moins cher », explique le professionnel qui a un local à Egletons et un autre à Ussel.

Deux autres retraités s’approchent, cagette remplie à la main. Chez Actus Limousin, on sait poser les questions que personne n’oserait poser ici, sur ces terres où le champignon est sans doute plus précieux que n’importe qu’elle autre richesse : Où les avez-vous trouvé ?  « Vers Saint-Etienne-aux-Clos », répondent simplement les deux chercheurs. Nous ne leur en demanderons pas plus.

Dans l’attente du verdict de la balance… © Jérémy Truant

Laurent attrape son couteau, et commence à couper, gratter chaque cèpe sous le regard des deux vendeurs. « Ceux-là sont véreux. Il y en a beaucoup comme ça en ce moment. » Un silence s’instaure. La cagette est amenée sur la balance. Le verdict tombe : « 3,9 kg », leur annonce Laurent. Ils repartiront avec un petit billet de 50 euros…

Pour Laurent, le doux parfum des cèpes coulent dans ses veines depuis tout petit. « J’allais chercher les champignons avec ma mère, j’ai transmis cette passion à mes enfants », raconte ce professeur d’éducation physique et sportive à la retraite. Depuis quatre ans, il s’est lancé dans l’achat-revente donc. L’an dernier, il a collecté plus d’1,3 tonnes de cèpes sur la saison à Egletons.

Au marché de Brive et en direct avec les restaurateurs

Les matins, c’est au fameux marché de Brive-la-Gaillarde que Laurent et Clément se rendent pour revendre leur précieuse collecte. « On travaille aussi beaucoup avec les restaurateurs locaux, sur Brive, Donzenac etc… » car le père et le fils ont fait le choix de ne pas travailler avec des grossistes, contrairement à beaucoup d’autres du secteur.

Le calme est revenu dans le petit local en cette fin d’après-midi. La saison est déjà lancée et promet d’être longue. « Ca va arriver en masse », envisage Laurent Deyzac qui explique : « Je pense que les conditions sont réunies. Mais c’est très aléatoire. Je travaille aussi la truffe le reste de l’année. La truffe, on arrive à la reproduire… Le cèpe, c’est un mystère et c’est ça qui le rend si attractif et c’est pour ça qu’on l’aime. Si on arrivait à le produire, il n’aurait pas la même saveur », termine le Corrézien à qui on souhaite, comme à tous les chercheurs du dimanche ou de la semaine : une bonne saison !

Jérémy Truant
Jérémy Truant
Journaliste Actus Limousin
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